Future carrière cimentière : Suez s’inquiète pour l’eau

Dans une contribution versée à l’enquête publique, Suez Eau France s’inquiète que les eaux pluviales passant par la carrière puissent se retrouver chargées de bromure dans la Montcient.

« C’est un peu sorti de nulle part. » Pour Dominique Pélegrin, présidente de l’Association vexinoise de lutte contre les carrières cimentières (AVL3C), et Bruno Caffin, maire sans étiquette de Brueil-en-Vexin, opposés à l’exploitation d’une carrière cimentière à Brueil-en-Vexin, la contribution versée à l’enquête publique par Suez Eau France, le 25 octobre dernier « deux heures avant la clôture », selon la présidente de l’AVL3C, sonne comme un soutien inattendu dans leur combat. Le document émet en effet de sérieuses réserves quant à l’exploitation de cette nouvelle carrière.

L’entreprise s’appuie sur les rejets actuellement constatés en aval de la carrière de Guitrancourt, exploitée par le cimentier Calcia pour alimenter sa cimenterie de Gargenville, ainsi que par EMTA qui y stocke des déchets dans sa portion anciennement exploitée. Suez craint que des eaux chargées en bromure ne se retrouvent dans la Montcient, puis jusqu’aux champs captants de Meulan et, dans une moindre mesure, celui d’Aubergenville. Ils alimentent environ 400 000 habitants (Ni Suez ni Calcia n’ont donné suite à nos sollicitations, Ndlr).

Du contexte, l’entreprise rappelle que « les eaux extraites proviennent de la nappe de la craie située en rive gauche et en rive droite de la Seine […] et englobe la totalité du bassin versant du ru de la Vallée aux Cailloux, bassin dans lequel se situe l’actuelle carrière ». Une quantité « anormale » de bromures aurait été recensée en 2004. En 2012, des analyses réalisées par EMTA à Guitrancourt « montrent clairement une augmentation des concentrations en bromures dans les eaux du ru en aval du point de rejet », poursuit la contribution.

Cette concentration entraîne la formation de bromates. « […] Les conditions d’exploitation des forages concernés ont été adaptées […] Ces forages ne peuvent être exploités à pleine capacité », complète Suez. Elle émet une hypothèse : « L’exposition des terrains éocènes soumis à un lessivage plus intense après découverte pourrait être à l’origine de cet enrichissement en bromures qui se retrouvent dans la nappe de la craie en contact avec les alluvions après infiltration des eaux du ru. »

Une situation qui serait selon la société « sensiblement identique » à Brueil-en-Vexin. Suez demande en conséquence l’approfondissement de l’étude d’impact sur deux points : « L’origine des bromures à l’échelle du site existant » et « l’impact du site actuel et du site en projet sur la qualité de la nappe de la craie et l’impact pour l’exploitation des champs captants associés ».

Une position forcément bien accueillie par les opposants au projet, d’autant plus qu’aucun n’échange n’a, d’après eux, eu lieu sur le sujet avec Suez. « Cela conforte les doutes qu’on émet depuis plusieurs années, cela nous donne une raison supplémentaire de nous opposer », souligne l’édile brueillois, Bruno Caffin.

« Il est naturel d’avoir du bromure lorsqu’on exploite le calcaire, analyse pour sa part Dominique Pélegrin. Mais ce qui n’est pas naturel, c’est qu’il soit lessivé par la carrière […] Qu’est-ce que ça signifie en termes de santé publique ? Cela ancre ce qu’on dit depuis plusieurs années. » Tous restent désormais dans l’attente de la décision du commissaire-enquêteur, qui devrait être rendue avant la fin de l’année.

PHOTO : ILLUSTRATION / LA GAZETTE EN YVELINES