Urbanisme : un oui, mais…

Le premier arrêt du Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) a été voté au dernier conseil communautaire le 11 décembre, plusieurs élus ont émis comme condition, à leur vote du document définitif, que soient prises en compte leurs remarques.

« Ce n’est que la première étape, il ne s’agit pas du PLUI définitif. » Lors du dernier conseil communautaire le 11 décembre à Gargenville, la vice-présidente à l’urbanisme de Grand Paris Seine et Oise (GPSEO), Suzanne Jaunet (LR), a insisté à plusieurs reprises sur cette notion concernant le vote du premier arrêt du Plan local d’urbanisme intercommunal. Adopté, il permet désormais au document de franchir une nouvelle étape.

Les conseils municipaux des 73 communes de GPSEO ont ainsi trois mois pour se prononcer avant le vote du second arrêt, prévu en mai prochain. Durant l’été, l’enquête publique sera lancée, avant le vote définitif prévu au mois de décembre 2019. Si, à 67 voix pour, 41 abstentions et 17 contre, ce premier arrêt a été validé, de nombreux élus dont certains membres de l’exécutif eux-mêmes y ont mis une condition, celle de voir leurs remarques prises en compte lors du vote du second arrêt.

D’autres élus, de même que la petite quarantaine de militants du collectif Alternatives en vallée de Seine (qui regroupe 26 associations, Ndlr) présents devant la salle des fêtes, ont regretté que dans ce PLUI ne soit pas accordée une plus grande place à l’écologie. « Ce n’est que l’acte 1, on est dans la sensibilisation », souriait des futures actions Jean-Pierre Grenier, l’un des portes-paroles du collectif.

« C’est un projet d’envergure, ambitieux, réalisé dans un temps extrêmement contraint », avance au conseil Suzanne Jaunet. Selon elle, ce document permettra un « développement harmonieux » de la communauté urbaine, basé sur trois grands axes : le développement économique, l’attractivité du territoire, et la préservation des paysages.

« Aujourd’hui, beaucoup de maires utilisent le sursis à statuer grâce au plan d’aménagement du développement durable, explique-t-elle aux élus communautaires, dont la plupart sont maires, et dont les demandes concernaient la limitation des divisions parcellaires. Cet arrêt du PLUI permettra aux maires de mieux se battre, nous utilisons le sursis pour empêcher la densification urbaine. »

Est aussi pointée la nécessité de préserver entrées et sorties de villes de commerces « boîte à chaussures ». Ceci afin de «  conforter, améliorer et compacter » les trois grandes zones dédiées au commerce sur le territoire, à savoir celles de Mantes-Buchelay, Flins-Aubergenville et Orgeval, et de travailler sur « l’optimisation du foncier ».

Un travail que ne verraient pas d’un bon œil les promoteurs, jugeant le document contraignant. « Il fait peur aux promoteurs, nos exigences ne les inspirent pas vraiment, ils sont plutôt réservés », détaille la vice-présidente à l’urbanisme. Elle évoque notamment les contraintes liées au stationnement : « On est extrêmement exigeant, le stationnement est un gros consommateur d’espaces. En sous-sol, il devient obligatoire de ne pas dépasser l’emprise des bâtiments. »

Mais les promoteurs ne sont pas seuls à trouver le PLUI trop restrictif. « Le président du Département (Pierre Bédier, aussi vice-président de GPSEO aux grands projets, absent du conseil, Ndlr) a notamment alerté sur l’incompatibilité de la démarche menée par GPSEO avec les intérêts et les objectifs poursuivis par le Département », fait savoir Karl Olive (LR), conseiller départemental, vice-président aux sports de GPSEO et maire de Poissy.

« GPSEO ne peut sérieusement élaborer un PLUI sans prendre en considération la stratégie de développement économique et les projets structurants que le Département porte, poursuit son porte-voix de ce soir-là. Ce PLUI risque de remettre en cause les projets présents et à venir que le conseil départemental souhaite engager, et se révéler aussi préjudiciable pour le territoire. » Il appelle donc les élus présents « à s’abstenir » sur ce vote.

L’absention, plusieurs élus, en particulier de petites communes rurales, l’évoqueront, afin d’insister eux aussi sur la nécessité de prendre en compte leurs remarques. « Grande est mon envie de me prononcer contre ce projet, détaille sans détour la maire de Vert, membre du groupe Indépendants Seine et Oise (Iso), Jocelyne Reynaud-Léger (SE), évoquant la disparition d’une opération d’aménagement paysager du PLUI. Je vais m’abstenir en attendant que soit prise en compte la demande de réintégration[…] formulée par le conseil municipal. »

« C’est un projet d’envergure, ambitieux, réalisé dans un temps extrêmement contraint », avance tout d’abord des conditions de réalisation la vice-présidente à l’urbanisme, Suzanne Jaunet (LR).

Même son de cloche du côté de Bouafle. « A notre grand désarroi, lorsque nous avons reçu les documents vendredi soir, nous avons vu apparaître un secteur de développement économique d’une quinzaine d’hectares sur des terres agricoles sans que la commune ait été concertée, enchaîne le maire Philippe Simon (SE), du groupe Sans étiquette, indépendants et non encartés (Seine). Je voulais voter ce projet, malheureusement nous sommes contraints non pas à voter contre, mais on va faire de l’abstention positive. On veut croire que les choses peuvent rentrer dans l’ordre. »

Dans le groupe Démocratie et solidarité, Albert Bischerour, conseiller muriautin, s’étonne également. « Nous avons été surpris lorsqu’on a eu le document final de voir que beaucoup de nos projets avaient totalement disparu, précise-t-il. Et ce sont des projets importants à la fois pour la Ville des Mureaux et à la fois pour la communauté urbaine. »

Parmi eux, la desserte de la gare Eole par un téléphérique, ou la passerelle piétonne rejoignant Meulan-en-Yvelines. « Nous allons le voter [le premier arrêt], indique-t-il cependant au nom des élus muriautins. Nous avons envoyé un courrier, et on demande à ce que soient absolument annexées à la prochaine lecture au mois de mai les remarques que nous ferons. Si tel n’était pas le cas, il n’est pas dit qu’au mois de mai, notre position soit la même. »

Le président du groupe Iso et élu andrésien Denis Faist (UDI) appelle de son côté à l’absention. « On nous demande aujourd’hui d’arrêter un PLUI que nous allons présenter à notre conseil municipal dans les trois mois qui viennent », rappelle-t-il de la suite du processus. Au sein d’agir pour GPSEO, groupe majoritaire, Dominique Turpin, le maire de Nézel, invite pour sa part à « un vote massif » en faveur du pour. «  Cela serait un beau message de cohérence territoriale face à la période que nous traversons », conclut-il.

S’il n’avait pas été adopté, les conséquences auraient été lourdes pour GPSEO. «  Si on n’avait pas cet arrêt, les 73 communes seraient obligées de mettre en modification ou en révision leur propre PLU, alors que le travail a été fourni depuis deux ans, prévenait Suzanne Jaunet avant le vote. Il faudrait repartir à zéro dans chaque commune pour être en phase avec le nouveau code de l’urbanisme. »

Deux élus ont également regretté l’absence de mesures environnementales fortes. « Notre groupe est très inquiet de ce premier arrêt, nous pensons que la communauté urbaine va à contre-sens de ce que nous devrions faire, amorce la président du groupe Citoyens pour un territoire solidaire et écologique (CTSE) et maire d’Evecquemont, Ghislaine Senée (EELV). Nous faisons le constat un peu triste d’un PLUI qui n’est pas à la hauteur des enjeux sociaux et environnementaux ni à la hauteur des fortes qualités de ce territoire. » Selon elle, GPSEO « paie très cher », l’absence d’un Plan climat-air-énergie territorial (PCAET), dont « nous n’avons plus aucune nouvelle ».

Une position qu’affichaient déjà les manifestants et militants du collectif Alternatives en vallée de Seine avant le début du conseil. « Il n’y a eu aucune concertation, ce PLUI va à l’encontre des recommandations de la Mission régionale d’autorité environnementale », déplore Jean-Pierre Grenier, président de Bien vivre à Vernouillet. Il regrette également que certains projets « se trouvent toujours sur les emprises du PLUI », à l’instar du projet de carrière cimentière de Brueil-en-Vexin, rejeté par les élus le 26 septembre dernier mais dont la décision finale reviendra à l’État.

« Il faut prioriser le développement local par les circuits courts, les petites et moyennes entreprises », fait-il comprendre des revendications des militants, dont les affiches demandent également l’élaboration d’un plan climat. « Nous sommes à un moment fondateur, souligne pour sa part Jean-Christophe Mantoy, militant de l’AVL3C. Mais dans ce document de 7 000 pages, il est insatisfaisant, voire inacceptable, que les questions environnementales soient reléguées au second plan. »

Michel Lebouc (DVG), maire magnanvillois, fait remarquer « qu’il est important de se développer tant économiquement qu’en termes d’infrastructures » lorsqu’il s’exprime pour le groupe de gauche présent dans l’exécutif, Démocratie et solidarité (DS). « Nous ne pouvons nous contenter du minimum légal imposé par le PCAET, nuance-t-il aussitôt. Il faut aller au-delà et vraiment participer à une transition écologique et économique durable. »

« Ces alertes vont nous permettre, et nous ont déjà permis, vous pensez bien, de remettre un certain nombre de personnes autour de la table pour voir comment on va pouvoir travailler et répondre favorablement à l’ensemble de ces interrogations, conclut avant le vote Philippe Tautou (LR), maire de Verneuil-sur-Seine et président de GPSEO avant le vote. Je m’engage avec beaucoup d’optimisme dans cette période de trois mois où on va aller à la rencontre de nos concitoyens et écouter ce qu’ils ont à dire, et on va essayer de trouver le moyen que ce PLUI trouve une finalité positive d’ici le mois de décembre. »

PHOTO : LA GAZETTE EN YVELINES