Contre les infections nosocomiales, l’hôpital se met en scène

Dans une chambre dédiée, les professionnels devaient repérer les erreurs d’hygiène disposées autour d’un patient fictif. Un jeu de rôle qui visait à sensibiliser et à évaluer de façon ludique.

Du 27 au 30 novembre, les praticiens de l’hôpital François Quesnay avaient troqué leurs blouses blanches contre un costume de Sherlock Holmes des temps modernes. La chambre aux erreurs d’hygiène était le théâtre de leurs investigations du moment. « C’est une pièce dans laquelle on a installé un patient fictif avec un scénario établi », font savoir d’une même voix Brigitte Castelli, infirmière hygiéniste, Marie-Laure Garnier, aide-soignante en neurologie, et Martin Bataille, praticien hygiéniste.

« Les membres du personnel hospitalier devaient entrer dans la chambre et repérer les huit erreurs d’hygiène volontairement disposées autour du malade », poursuivent les responsables de cette action. Pendant quatre jours, une soixantaine d’agents de l’hôpital, qu’ils soient infirmières, aides-soignants ou médecins, se sont pris au jeu de cet outil de simulation piloté par le Comité de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN) du centre hospitalier. L’objectif visait à sensibiliser les professionnels aux risques infectieux, qui selon les services peuvent s’en sentir assez éloignés.

« Il y a souvent une méconnaissance sur le matériel nécessaire à l’isolement, par exemple, en pédiatrie, il n’y a pas beaucoup de staphylocoques résistants, expose l’infirmière hygiéniste Brigitte Castelli. Donc souvent, les praticiens des différents services de l’hôpital ont les connaissances mais pas forcément les bons réflexes. C’était le but de la chambre des erreurs d’hygiène, leur rappeler les règles sur ce type d’isolement. »

« On ne devrait plus parler de maladies nosocomiales car cela n’évoque rien aux gens, mais plutôt d’infections associées aux soins, explique de son côté le docteur Martin Bataille. Il y a des infections pour lesquelles on ne peut rien, mais d’autres peuvent être évitées par des règles d’hygiène simples. » Une piqûre de rappel s’imposait donc, expliquant la mise en place de cette chambre des erreurs d’hygiène.

Le 30 novembre au soir, ce fut au tour de Laura, cadre de nuit au sein du centre hospitalier, de scruter attentivement le patient et son environnement dans un jeu de rôle qui se voulait le plus proche de la réalité. Le souffrant de 79 ans, qui a pris la forme d’un mannequin, a été mis en chambre d’isolement car atteint du staphylocoque, redoutable bactérie à l’origine de 16 % des germes isolés en France en cas d’infection nosocomiale selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

Les patriciens hospitaliers devaient entrer dans la chambre et repérer les huit erreurs d’hygiène volontairement disposées autour du malade.

L’aide-soignante en neurologie Marie-Laure Garnier joue le personnage de l’infirmière tête en l’air, coupable des huit erreurs d’hygiène. Cette dernière interroge Laura : « Le malade avait une couche de protection. Elle a été jetée dans la poubelle jaune réservée aux risques infectieux. Est-ce normal ? » Ainsi, ce produit d’hygiène devait prendre place dans la filière des ordures ménagères.

Une étourderie qui n’est pas sans conséquence pour l’hôpital, non pas sanitaire mais financière, comme le souligne Brigitte Castelli : « Cela représente un coût important puisque la facture, qui est de 120 euros la tonne pour les déchets ordinaires, s’élève à 1 200 euros la tonne pour ceux à risques infectieux. Il y a un véritable impact financier et environnemental. »

Bloc-notes en main, Laura poursuit son enquête : « Il y des erreurs également sur toi ? », demande-t-elle à sa collègue Marie-Laure Garnier, qui porte en effet un masque de protection inadapté à ce type de pathologie. Après une dizaine de minutes passées dans la pièce, la cadre de nuit a couché sur le papier les huit erreurs qu’elle a répertoriées. S’en suit un court débriefing avec l’infirmière Brigitte Castelli. Au total, Laura est créditée de sept « bonnes réponses ».

La jeune femme âgée de 27 ans a notamment signalé la sonde urinaire du patient à même le sol, l’absence de pancarte à l’entrée de la chambre qui indique que le malade est à l’isolement, ou encore une boîte à seringues et à aiguilles trop remplie. « Tu n’as pas noté le bracelet que porte la soignante », lui fait remarquer Brigitte Castelli, qui rappelle qu’aucun bijou ne doit apparaître sur les mains et les poignets des soignants, pour permettre une bonne hygiène.

En tout cas, l’exercice a semblé plutôt utile à la formation du personnel hospitalier. « Je trouve cela très bien, confie Laura, qui a rejoint l’hôpital mantais en 2013. Cela nous permet de réfléchir sur nos pratiques et d’être un peu plus attentifs. » Comme elle, ils sont nombreux au sein de l’établissement à s’être pliés à cet entraînement ludique. Et le résultat global serait plus que satisfaisant, à en croire Brigitte Castelli : « Il n’y a personne qui ait trouvé moins de cinq erreurs. La moyenne se situe entre six et sept bonnes réponses. »

PHOTOS : LA GAZETTE EN YVELINES