Bataille du rail : acte II et fin des négociations ?

Les arbitrages définitifs doivent être rendus dans les prochains jours. Les joutes verbales entre élus yvelinois et normands se poursuivent, les premiers craignant toujours une suppression d’arrêts en heure de pointe du soir.

La question de la desserte des gares du Mantois par les trains normands en heure de pointe, du soir comme du matin, est en passe d’ être bouclée. Selon nos informations, les arbitrages concernant ces arrêts devraient être connus dans les prochains jours, alors qu’un accord hors heure de pointe semble déjà avoir été trouvé, rapportait la semaine dernière Paris-Normandie. L’an dernier, La Gazette révélait que plusieurs arrêts étaient menacés aux heures de pointe du matin et du soir. Les négociations se sont poursuivies âprement entre les conseils régionaux de Normandie et d’Île-de-France.

L’heure de pointe matinale a finalement été « sanctuarisée » pour les arrêts en gare de Mantes-la-Jolie. Un nouveau cadencement a été proposé en gares de Rosny-sur-Seine et Bonnières-sur-Seine (voir notre édition du 6 mars). Mais les élus yvelinois demeurent inquiets concernant la suppression éventuelle de deux trains en heure de pointe du soir, ce que la Région Normandie dément fermement, tout en assurant vouloir augmenter les directs entre Paris, Le Havre et Rouen (Seine-Maritime). Une position qui mécontente forcément les élus yvelinois, et inquiète du côté de Vernon (Eure).

Dans le cas où un accord ne serait pas trouvé, la convention actuelle, et non celle actuellement négociée, s’appliquerait à partir de 2020. Bien que les négociations avancent, la transmission d’informations entre Régions, puis avec les élus locaux et les usagers concernés, est difficile, voire carrément contradictoire. « Depuis plusieurs mois, on voit bien que cette question est devenue politique », analyse Louis Gomez, président du Comité des usagers de l’Ouest francilien (et conseiller municipal d’opposition à Bonnières-sur-Seine, Ndlr), des tensions autour de ces dessertes le long d’une ligne totalement saturée en heure de pointe.

Plusieurs élus normands étant présents au sein du gouvernement, « Valérie Pécresse (LR, présidente de la Région Île-de-France, Ndlr) nous dit qu’il y a une très forte pression des élus normands pour la suppression de ces arrêts », note Raphaël Cognet, (LR), maire de Mantes-la-Jolie. Côté normand, le conseil régional, sollicité par La Gazette, renvoie plutôt la balle aux élus franciliens.

« L’info selon laquelle on supprimerait des trains en heure de pointe est absolument fausse, est-il fermement rétorqué. Nous, dans la négociation, ce qu’on a, ce n’est absolument pas une réduction, mais un maintien à l’identique, alors que l’Île-de-France nous demande une augmentation des arrêts à Mantes, ce qui est assez mal vécu à Vernon. »

Un mal-être que confirme Didier Jaumet, président de l’association d’usagers eurois Vernon train de vie (VTV) : « On nous dit que l’Île-de-France bloque. » Des revendications mantaises dont il a connaissance, il détaille : « Mantes voulait quatre directs par heure… et à Vernon on n’aurait pas droit à un seul ? En plus, cette grille horaire pour Mantes tient compte de la grille horaire 2024 avec RER E. » De quoi mécontenter les élus vernonnais, qui selon nos informations, se prépareraient également à se mobiliser. Contactées, la mairie comme l’agglomération n’ont pas répondu aux sollicitations de La Gazette.

Les quatre directs par heure en heure de pointe semblent pourtant une préoccupation bien lointaine ce vendredi 22 mars, sur le parvis de la gare mantaise. Raphaël Cognet, son homologue rosnéen Pierre-Yves Dumoulin (LR), ainsi que d’autres élus des deux communes sont présents pour alerter les usagers. Une pétition est mise en ligne à l’initiative de la mairie mantaise. Ce lundi 25 mars, elle avait recueilli 2 000 signatures, papier, courriels et site internet confondus.

Il y est demandé au premier ministre et ex-maire du Havre Edouard Philippe (LREM), comme au président de la Région Normandie Hervé Morin (UDI), « de prendre en considération la galère que vivent les usagers de la gare de Mantes-la-Jolie et de ne pas leur ajouter de nouvelles difficultés », en supprimant deux arrêts en heure de pointe du soir.

Cependant, les premiers concernés reconnaissent un manque d’informations provenant des négociations en cours. « On râle avant de savoir, sourit le Rosnéen Pierre-Yves Dumoulin, également vice-président en charge des mobilités pour la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO). Honnêtement, on ne sait pas quels trains sont concernés. »

« Les Normands, eux, ils voyagent assis », tance Raphaël Cognet alors qu’est abordée la dégradation des conditions de transports dans ces trains possédés et gérés par la Normandie.

Son homologue mantais se montre un peu plus précis, sans se prononcer sur les trains visés. « On nous a dit que les menaces pesaient sur les trains de 18 h 30 et 19 h 30 », souligne Raphaël Cognet. L’information d’une éventuelle suppression agace les usagers qui s’apprêtent à prendre leur train ce matin-là. « On s’en fout des Normands, nous aussi on veut être représentés ! », lance une Mantaise excédée en signant la pétition.

Selon plusieurs informations concordantes, les deux trains concernés seraient les directs Paris-Mantes puis omnibus Vernon de 18 h 33 et 19 h 32. Ils ne feraient pas l’objet d’une suppression, mais seraient avancés à 18 h 13 et 19 h 13. En revanche, seul le direct Paris-Vernon de 18 h 50 serait conservé en tant que tel, les liaisons de 18 h 30 et 19 h 23 basculant sur les nouveaux horaires d’omnibus.

« Les Normands, eux, ils voyagent assis », tance Raphaël Cognet alors qu’est abordée la dégradation des conditions de transports dans ces trains possédés et gérés par la Normandie, déjà pleins à leur arrivée en gare de Mantes-la-Jolie. « Mantes est en Île-de-France, nous sommes à 50 km de Paris, nous avons le droit à des conditions de transport décentes, poursuit-il. Les Normands veulent rouler sur des voies franciliennes mais ne pas s’arrêter dans leurs gares. » Et d’espérer que, si tel était le cas, une pénalité soit appliquée à ces trains.

La saturation de ces TER et autres Intercités agace également côté normand, mais pas pour les mêmes raisons. « Le fait de mettre des arrêts [en Île-de-France], c’est qu’il n’y a que des Franciliens qui prennent le train alors que c’est des trains normands, insiste ainsi la Région Normandie. Au bout d’un moment, il faut aussi penser aux Normands qui prennent le train et le paient trois fois plus cher. »

En président d’une association d’usagers reconnue pour son expertise, le Bonniérois Louis Gomez enjoint à raisonner « en termes de desserte et de solidarité et non pas en tronçons ». Il appelle également élus et comité d’usagers à se coordonner : « Le plus important, c’est la mobilisation […]. Si tous les élus de la vallée de la Seine commencent à se mobiliser de leur côté, on ne va pas s’en sortir. »

Une réunion d’informations, dont la date n’est pas encore fixée, pourrait être organisée pour évoquer ces questions de dessertes, en présence d’Île-de-France mobilités, l’organisme satellite de la Région Île-de-France chargé des transports. « Actuellement, il y a un manque de présence de la Région et d’Île-de-France mobilités sur le terrain (le président du groupe LR, majoritaire au conseil régional, était présent en gare vendredi matin, Ndlr), il y a un déficit d’informations de leur part », regrette le président du comité d’usagers.

Ligne J : jusqu’à Vernon, nouvelles rames et trains supplémentaires sérieusement étudiés

La Région Île-de-France souhaite dissocier cette démarche des négociations concernant la desserte des arrêts yvelinois par les trains normands en heure de pointe. Il n’empêche, elle a annoncé, le 19 mars dernier par un communiqué de presse, le déblocage de « 350 000 euros pour étudier le possible déploiement du Francilien (rames les plus récentes, Ndlr) sur la ligne J entre Mantes-la-Jolie et Vernon (Eure) ». « Le prolongement de certains trains J5 jusqu’à Vernon fait effectivement partie du scénario qui est étudié en ce moment entre la Région Normandie et la Région Île-de-France, notamment le week-end » précise la région Normandie : « D’un point de vue technique, ces trains vont déjà aujourd’hui jusqu’à Vernon pour y être stationnés, mais n’offrent pas de service commercial. » Toutefois, précise la collectivité, elle n’a « pas connaissance précise de cette étude, de son objet, ni de son montant ». « Ce sont des études et des travaux qui vont effectivement se faire », confirme le conseil régional d’Île-de-France des travaux qui « serviront à l’adaptation des infrastructures (principalement la modification des quais de gare, Ndlr) entre Mantes et Vernon pour pouvoir faire circuler des trains Franciliens. » Il poursuit : « La Région va mettre des trains supplémentaires pour compenser l’arrêt des trains normands à Bonnières et Rosny ». La Région se montre catégorique : « La région finance au titre du contrat de plan Etat-Région l’adaptation d’une ligne pour faire circuler de nouveaux trains. Cela n’a strictement rien à voir avec le passe Navigo. » « C’est un projet à très long terme, actuellement il y a un problème de voies, il y a peu d’emprises disponibles », nuance des délais Louis Gomez, président du Comité des usagers de l’Ouest francilien, tout en restant optimiste sur cette réalisation. Côté Vernonnais, la nouvelle est accueillie avec beaucoup moins d’enthousiasme que chez le Bonniérois. « On dit régulièrement « être Gisorés ». Quand vous voyez la desserte de Gisors… » réagit avec amertume Didier Jaumet, président de l’association d’usagers Vernon train de vie (VTV), en référence au prolongement de la ligne J6 vers Gisors (Eure) via Conflans-Sainte-Honorine. L’entrée de Vernon dans la tarification francilienne serait « une boîte de Pandore », pour lui impensable : « Certains (notamment les usagers occasionnels, Ndlr) pensent qu’il serait mieux de bénéficier du passe Navigo. Quand on voit la qualité de transport en Île-de-France, on veut rester sur les grandes lignes. »