C’est dans une ambiance des plus électriques que s’est déroulée la première réunion concernant le projet de nouveau quartier sur les bords de Seine de Verneuil-sur-Seine. Elle marque le début d’une concertation publique qui s’achèvera le 20 avril. Devant une salle comble, Amélie Bonnet, directrice de projets urbains d’Urbanera, entité du groupe Bouygues Immobilier, et Alexandre Bouton, directeur de l’agence d’architecture-urbanisme Urban Act, ont dressé le tableau d’un projet pour le moins controversé.
La zone concernée se situe entre les étangs de la Grosse pierre et du Gallardon, à proximité du centre nautique et est accessible par le chemin de la Seine et le pont du Rouillard. Ce projet d’aménagement consiste à y installer un véritable quartier composé notamment d’un port de plaisance, d’une marina, de logements et commerces de proximité, ainsi qu’une nouvelle école. L’engagement financier de la commune pour ce projet s’élèverait à un peu plus d’un million d’euros.
« On a voulu un quartier qui ne soit pas uniforme, mais avec plusieurs ambiances, avance Alexandre Bouton. Il y aura une partie portuaire, avec une façade commerciale et des cafés où on pourra vraiment profiter de la Seine. » Des propos corroborés par Amélie Bonnet, selon laquelle l’idée consiste à « faire la part belle aux enjeux récréatifs ». Mais les Vernoliens présents lors de la présentation n’ont pas semblé convaincus. « C’est le Club Med, en fait ! » s’exclame l’un d’eux.
Face aux habitants qui remettaient en question l’intérêt du port, le maire Philippe Tautou (LR) n’a pas manqué de répondant : « L’Établissement public foncier d’Île-de-France (EPFIF, actuel propriétaire du terrain, Ndlr), il a quoi comme fonction ? D’acheter des terrains pour construire. […] Donc aujourd’hui, si d’aventure ce projet ne se faisait pas, forcément que vous auriez dans les années qui viennent un autre projet. L’EPFIF vendra les terrains et fera construire. […] Si c’est pour ne pas faire un port mais réaliser quand même 400 logements, ça n’a strictement aucun intérêt. C’est pour ça que j’ai essayé de travailler sur un projet plus intelligent. »
Près de 600 logements, mêlant logements individuels, intermédiaires et collectifs, devraient voir le jour sur les bords de la Seine, dont « 25 % pour du logement social, des logements intermédiaires et du logement à l’accession à la propriété », précise Amélie Bonnet. « Pour le Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) que vous avez voté, c’est 15 % de logements sociaux pour 20 000 habitants. Nous sommes une ville de 16 000 habitants, donc vous n’avez pas besoin de 25 % », proteste un habitant, aussitôt repris par le maire : « Toutes les constructions qui sont faites aujourd’hui ou qui seront faites dans les années qui viennent doivent impérativement avoir 25 % de logements sociaux. […] On a légèrement passé le seuil des 25 %, cela veut dire que maintenant, pour tout nouveau projet, si on ne construit pas de logements sociaux, on ne sera plus, sur la commune, à 25 %. »
« Six cents logements, ça fait au moins 1 200 véhicules à garer. […] Qu’est-ce qui est prévu pour la circulation, le stationnement et l’environnement ? » interroge une habitante. Urbanera annonce un nombre de deux parkings par logement individuel, 1,5 place pour les logements collectifs. Amélie Bonnet indique également vouloir privilégier « l’accessibilité douce » notamment grâce à un « renforcement de la piste cyclable ».
Néanmoins, les deux heures de présentation et de discussion n’auront pas suffi à convaincre. « Moi je suis arrivé au mois d’août à Verneuil après avoir quitté la région parisienne sous prétexte de trop de densité, trop de bruit, pas assez de nature, témoigne un Vernolien. On a choisi cet endroit qui nous paraît unique. J’ai été complètement atterré quand j’ai compris ce projet. […] Des logements, il y en a pléthore en Île-de-France, ce sont des royaumes de béton. Aujourd’hui il y a des gamins au collège qui font grève parce qu’ils ne connaissent pas leur avenir et on arrive encore à sortir des projets comme ça, c’est complètement ahurissant. »
Cohabiter avec l’aérodrome des Mureaux
« Est-ce que les gens qui vont acheter ces appartements savent qu’il y a un tour de piste (trajectoire effectuée par un avion aux abords d’un aérodrome pour atterrir dans des conditions normales de sécurité, Ndlr) juste au-dessus ? » relève un Vernolien. En effet, l’aérodrome des Mureaux se trouve à seulement quelques centaines de mètres de la zone dédiée au projet d’aménagement. « Je vais relancer tous les notaires et toutes les agences pour leur dire qu’il existe un terrain d’aérodrome historique sur lequel il y a 12 000 mouvements par an, et qu’ils doivent informer tous les acheteurs potentiels », tente de rassurer Eugène Dalle, président du Syndicat intercommunal à vocation unique (Sivu) de l’aérodrome. Il assure que les distances de sécurité prévues par le code du décollage sont respectées : « Vous avez aussi un plan d’exposition au bruit. […] Actuellement, notre tour de piste ne gêne que 50 personnes par ville. » Une affirmation qui a suscité la vive indignation des habitants.
La LPO compte bien bloquer le projet
La Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) s’est elle aussi, dès le départ, formellement opposée au projet. Pour Eric Grosso, bénévole de l’association, la création de ce nouveau quartier pose deux problèmes majeurs, le premier étant la rupture de la continuité écologique le long de la Seine. « On va avoir sept kilomètres de berge avec des bâtiments qui vont être construits en plein milieu », s’indigne-t-il. Le second problème, est l’impact que cela risque d’avoir sur les oiseaux d’eau qui hibernent à l’étang du Gallardon. « Ça n’a pas du tout été pris en compte, regrette Eric Grosso. On va amener 1 500 personnes le long d’un étang. […] Le Gallardon est plus profond que les autres étangs, il est le dernier à geler. Il fait office de refuge pour les oiseaux d’eau. » En partenariat avec l’Association de défense des intérêts des Vernoliens (Adiv), la LPO compte engager des démarches pour empêcher le « déclassement de la zone naturelle ».