Le numérique éloigne nombre d’administrés des services publics

Réunis mardi 2 avril à la préfecture des Yvelines pour leur bilan annuel, les délégués du Défenseur des droits ont mis en relief les problèmes causés par la généralisation des échanges numériques.

À l’occasion de la présentation du bilan annuel des délégués du Défenseur des droits, mardi 2 avril à la préfecture des Yvelines, ont annoncé de nombreuses recommandations permettant de créer un accès facilité aux services publics. Leur bilan annuel met en relief une augmentation des réclamations en 2018, avec 1 767 saisines dans les Yvelines (contre 1 614 en 2017, Ndlr).

Mais la fracture causée par la généralisation du numérique dans l’accès aux services publics en constitue le point le plus saillant, dans le département comme en France. Cet éloignement concerne les citoyens disposant d’une connexion trop médiocre, ou n’ayant pas internet faute de moyens, comme bien des personnes âgées mises en difficulté par manque d’habitude. Mais une partie des jeunes, habitués au téléphone plus qu’à l’écran d’ordinateur, nécessaire pour des échanges complexes avec ­l’administration, seraient aussi concernés.

« Comment moderniser sans exclure ? », s’interroge Ali Fathi, délégué du Défenseur des droits à Sartrouville. Dix à douze millions de français, soit 20 % de la population nationale, seraient en effet éloignés des outils numériques… et de plus en plus écartés des échanges avec les services publics. Les délégués du Défenseur des droits, institution chargée de résoudre les différends entre citoyens et administration, sont en première ligne pour le constater.

Une réclamation sur deux concernant le domaine social est ainsi liée à la difficulté de compréhension et d’accès au numérique. Nombreux seraient les réclamants empêtrés dans des problèmes de ce type, à l’instar de ce couple qui a réalisé, en consultant son compte bancaire, qu’ils ne touchaient plus leurs Allocations aux adultes handicapés (AAH) dont ils étaient bénéficiaires, donnent en exemple les délégués.

Ils se rendent alors à la Caisse d’allocation familiale (Caf). Ils y découvrent qu’une notification de suspension de cette allocation leur avait été envoyée par courriel et que les délais pour déposer un recours amiable étaient désormais dépassés. Ne possèdant ni ordinateur, ni internet faute de moyens suffisants, ils font appel au délégué du Défenseur des droits. Son intervention a permis à ce couple de déposer leur recours contre la décision.

Selon les délégués yvelinois, les victimes de cet éloignement causé par le numérique seraient d’abord des personnes situées en zone blanche, mal ou non couverte par des réseaux de téléphonie fixe ou mobile. Ils évoquent aussi les personnes âgées, parfois mises en difficulté par le nombre d’identifiants et de mots de passe à retenir. Mais les jeunes seraient également concernés, « plus souvent sur leurs smartphones que sur des ordinateurs » et donc peu volontaires pour des démarches administratives complexes sur internet, expique le délégué sartrouvillois.

Le manque d’outils numériques, la crainte et la pression du « dernier clic » pour finaliser une demande, seraient également des facteurs de rupture. « Cette évolution a entraîné une destruction du lien social » juge Guy Tavenard, délégué du Défenseur des droits à Trappes. « On voit apparaître dans le paysage des médiateurs du numérique, pour évidemment accompagner les administrés et pour faire en sorte que l’administré s’approprie les outils », avance Ali Fathi des pistes de solution.