Des friches polluées aux énergies renouvelables

Deux projets de fermes photovoltaïques ont vu le jour en vallée de Seine. Le premier, totalement privé, est porté par Total solar sur le site de la raffinerie gargenvilloise. Le second, soutenu par la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise, est géré par Urbasolar à Triel-sur-Seine.

Redonner une seconde vie à d’anciennes friches industrielles, dont les terrains sont pollués aux métaux lourds ou aux hydrocarbures, est parfois compliqué, en témoigne le casse-tête du devenir de l’ex-plaine maraîchère de Carrières-sous-Poissy, Triel-sur-Seine et Chanteloup-les-Vignes. Pourtant, deux projets similaires sont désormais en cours d’examen par l’État en vallée de Seine, pour redonner vie à ce type de terrains, déjà en friche ou ­post-industriels.

Le premier, en réflexion depuis plusieurs années, est une centrale photovoltaïque de 20 ha en sortie de ville de Triel-sur-Seine, le long de la RD 190, sur l’ancienne décharge des Grésillons. Le second projet est également une ferme photovoltaïque au sein de la raffinerie Total, à cheval sur les communes de Gargenville et Issou, comme le révèle Le Courrier de Mantes dans son édition du 17 avril. Une fois installés, les panneaux solaires serviront à produire de l’électricité qui sera réinjectée dans le réseau EDF.

Les deux enquêtes publiques autour de ce projet ont été lancées récemment, elles courent jusqu’au mardi 7 mai pour le projet triellois, et jusqu’au lundi 27 mai pour le projet de Total, à la satisfaction des maires des trois communes concernées. Cependant, dans des avis rendus respectivement le 2 février pour le projet triellois et le 14 mars pour le projet gargenvillois, la Mission régionale d’autorité environnementale (MRAE) émet des réserves concernant les impacts environnementaux, et préconise d’améliorer les gestions de risques d’incendies et d’explosion sur les deux sites.

Les deux projets ont répondu à un appel d’offres lancé par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), qui se termine en juin prochain. Ils restent donc en attente de l’aval de l’État. La Mission régionale d’autorité environnementale demande que dans les deux projets, les risques d’explosion, incendie, et que les études d’impact ­environnemental soient approfondies.

En réflexion depuis plusieurs années, une centrale photovoltaïque de 20 ha en sortie de ville de Triel-sur-Seine doit voir le jour le long de la RD 190, sur l’ancienne décharge des Grésillons.

« C’est un projet tout récent, on a commencé à en parler en janvier 2018, se souvient le maire gargenvillois Jean Lemaire (UDI), des prémices du projet porté par Total Solar, branche solaire du groupe pétrolier. C’est quelque chose qu’ils expérimentent à La Mède (Bouches-du-Rhône), autour de l’étang de Berre. »

Si la ferme solaire méditerranéenne comprend « 18 000 panneaux photovoltaïques » répartis sur « 12 ha », indique Total sur son site internet, le projet gargenvillois serait d’une toute autre dimension. S’étalant sur une surface de 24 ha, « le projet prévoit à terme 55 260 panneaux photovoltaïques », détaille l’entreprise dans un résumé non-technique du projet que La Gazette s’est procuré.

Une fois raccordés au réseau électrique, ces panneaux pourront alimenter « 8 376 foyers », détaille le document, avec une « production annuelle d’énergie moyenne de 27,64 GWh par an ». Ils seront déployés en plusieurs endroits du dépôt de carburant, à la place d’anciennes cuves ayant été démantelées. Les travaux devraient démarrer au deuxième trimestre de l’année 2020, avec une mise en service espérée au 1er janvier 2021.

Les panneaux photovoltaïques seront équipés de la technologie « tracker, qui permettent de suivre la course du soleil et les systèmes fixes », détaille le document. Cette technologie « a été préférée sur la base de critères économiques », poursuit-il, notamment le rapport entre l’investissement, le rendement et la durée de vie.

« La centrale a une durée de vie programmée de 20 à 30 ans. Toutefois, l’exploitation de la centrale pourrait durer 40 ans si les conditions économiques et techniques le permettaient », est-il écrit dans un rapport de la MRAE. Parmi les atouts évoqués par Total solar de l’implantation de ces panneaux, sont notamment soulignés « un ensoleillement suffisant […], un vaste terrain plat […], une opportunité d’exploitation pour un site sensible », la raffinerie étant classée Seveso.

Le soulagement est également de mise pour le maire DVD de Triel-sur-Seine Joël Mancel. Le projet de ferme photovoltaïque porté par la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO) et l’entreprise Urba 234, filiale d’Urbasolar, a failli ne pas voir le jour. En décembre 2017, le président de GPSEO et maire de Verneuil-sur-Seine, Philippe Tautou (LR) avait considéré dans les colonnes du ­Parisien qu’au vu de la configuration du terrain, implanté à la sortie de la ville le long de la RD190, il n’était « plus possible d’y aménager une ferme ­photovoltaïque ».

Quelques mois plus tard, GPSEO décidait finalement de poursuivre le projet et de lancer un appel d’offres, remporté par la société Urbasolar. Sur le terrain de 20 ha, environ 42 500 panneaux solaires « fixes et orientés plein Sud, qui pourront fonctionner même si l’ensoleillement est faible », détaille Joël Mancel, seront implantés. « L’atout de ce terrain est qu’il y a un transformateur EDF à proximité », détaille l’édile triellois.

Selon l’élu, « les travaux de remblaiement devraient être terminés à la fin de l’année 2020 », le site devant accueillir encore des remblais issus des chantier de BTP franciliens d’ici à 2020 pour stabiliser le sol. « La première pierre, si j’ose dire, devrait être posée dans le courant de l’année 2021 », complète Joël Mancel du calendrier.

Les deux projets n’attendent désormais plus que l’aval de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), autorité administrative créée en 2004, chargée de réguler les secteurs de l’électricité et du gaz. « Il devrait être rendu dans le courant du deuxième semestre 2019, précise Joël Mancel. Cela a été un peu décalé, mais si l’enquête publique a été lancée, c’est que le projet a de bonnes chances d’aboutir. »

S’étalant sur une surface de 24 ha, « le projet [gargenvillois] prévoit à terme 55 260 panneaux photovoltaïques », détaille l’entreprise dans un résumé non-technique que La Gazette s’est procuré.

La centrale trielloise pourra alimenter « 6 835 foyers » pour « une production moyenne annuelle d’énergie de 18, 8 mégawatts-heure », détaille le résumé non-technique du projet. La durée d’exploitation de la centrale a été fixée à 30 ans et « la société Urbasolar s’engage à démanteler les p­anneaux photovoltaïques, est-il indiqué dans le dossier. À cet effet, les garanties financières seront constituées afin de ­permettre une remise en état du site. »

« Il ne devrait pas y avoir de nuisances, la direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie a rendu un avis favorable, souligne Jean Lemaire, favorable au projet dans sa commune de Gargenville. Il faut, aujourd’hui, trouver des alternatives, on ne peut pas refuser cette avancée. » Chez le voisin issoussois, le sentiment est identique. « Dès que l’on a été sollicités, nous avons émis un avis favorable, même si c’est au préfet que reviendra la décision », précise Patrick Perrault, adjoint en charge de l’environnement, au conseil ­communautaire du jeudi 11 avril.

À Triel-sur-Seine, l’autorité environnementale recommande cependant de « vérifier si le projet est soumis aux procédures d’autorisation ou de déclaration au titre de la loi sur l’eau », les futures installations étant susceptibles de modifier l’écoulement des eaux pluviales. Elle pointe également « un risque d’incendie et d’explosion […] lié au biogaz généré par le stockage des déchets non inertes » et que le site « génère des nuisances olfactives pour les riverains ». Afin de limiter les nuisances visuelles, la MRAE recommande « la préservation des rideaux d’arbres existants (ou leur ­création) et de la ripisylve (végétation de bord de rivière, Ndlr), pour ­constituer des écrans visuels depuis les routes et ­habitations situées à ­proximité ».

Sur ce dernier point, Urba 234 répond que le projet « intègre notamment l’implantation d’une végétation afin de constituer des écrans visuels », en particulier au Nord de la ferme photovoltaïque. Concernant les risques d’incendies et d’explosions, « de nouveaux puits de captage seront forés en périphérie du parc photovoltaïque […] Il n’y aura aucun puits de captage de biogaz dans l’emprise du parc photovoltaïque, uniquement le réseau souterrain déjà existant », assure l’entreprise.

Concernant le projet porté par Total solar à Gargenville, les inquiétudes sont similaires : « La compatibilité du projet au sein d’un site industriel est questionnée compte-tenu notamment des risques industriels et d’explosion. » D’autres enjeux sont également constatés par l’autorité environnementale, notamment concernant l’impact du projet sur la biodiversité.

« Un inventaire de la faune et de la flore a permis de s’assurer de l’absence d’espèces protégées sur la friche, détaille Aliénor Salin-Leteurtre, directrice du site Total gargenvillois depuis juin 2018, dans les colonnes du Courrier de Mantes. On nous a juste recommandé de ne pas goudronner le sol, pour préserver les populations de criquets. » Sur l’installation de la centrale photovoltaïque au sein d’un site industriel lourd et les risques d’incendie, elle rassure : « Les protections industrielles actuelles sont suffisantes pour maîtriser le risque, l’espacement entre les panneaux permettra d’éviter toute propagation d’incendie. »