Nouveau quartier : déchets pneumatiques et chauffage par l’usine PSA

La collecte des déchets par tuyaux pneumatiques est certaine, la récupération de l’énergie de l’usine voisine du groupe PSA souhaitée. Elles  pourraient toutes deux être mises en place au sein de Rouget de Lisle, dont l’aménageur compte bien décrocher le label écoquartier.

L’une est une première dans les Yvelines, l’autre est une première en Île-de-France. Deux innovations sont au cœur du projet de construction de la Zone d’aménagement concertée (Zac) Rouget de Lisle, anciennement appelée Zac Bongard puis Zac Eoles. Pour décrocher le label écoquartier, le maître-d’œuvre, l’aménageur public Citallios, mise notamment sur un système de collecte pneumatique des déchets, ainsi que sur la récupération hypothétique de « l’énergie fatale » de l’usine automobile du groupe PSA pour alimenter son réseau de chaleur.

Lundi 3 juin, au forum Armand Peugeot, les riverains de Noailles comme des alentours du futur ensemble résidentiel se sont réunis pour découvrir l’avancée des travaux du quartier, situé à quelques centaines de mètres de la gare, jouxtant le pôle tertiaire comme l’usine du groupe PSA. De premiers habitants pourraient s’y installer dès l’été 2019 (voir encadré) avec la fin annoncée des travaux des premiers îlots. En tout, plus de 2 000 logements doivent être disponibles avant 2023.

« On a travaillé sur la gestion des déchets avec un souhait qui était à ­l’origine émis par la Ville […] de mettre en place une collecte pneumatique des déchets », explique à une cinquantaine d’habitants Vincent Marie, chef de projet pour Citallios. Ce système consiste à installer un réseau de collecte de déchets communs à l’échelle de plusieurs rues ou d’un quartier. Deux types de bornes seront installées, reliées à des tuyaux de grand diamètre.

Des bornes pour les particuliers seront installées dans les immeubles pour que les habitants puissent déposer les sacs poubelle. Pour les entreprises, des bornes d’apport seront disposées dans les espaces ­publics. Dans les deux cas, les déchets sont ensuite aspirés et envoyés dans un réseau de tuyaux souterrains, puis acheminés jusqu’à un terminal de collecte commun. Les déchets sont stockés dans un immense container avant d’être ­évacués.

« Il y aura encore la collecte du verre parce que ça, ça ne passe pas dans les tuyaux, mais par contre les autres déchets, les ordures ménagères et les emballages seront collectés par ce dispositif », indique Vincent Marie. Ce système de collecte de déchets est utilisé en Suède depuis les années 1970 et en Espagne depuis plus de 20 ans. La ville de Barcelone dispose ainsi d’un réseau de plus de 40 km de tuyaux souterrains pour la ­collecte pneumatique de ses déchets.

Des premiers habitants pourraient s’y installer dès l’été 2019 avec la fin annoncée des travaux des premiers îlots.

En France, la commune de Romainville (Seine-Saint-Denis) a été une pionnière en la matière en installant ce système dans deux quartiers en 2011. Le projet avait coûté à l’époque plus de dix millions d’euros, pour desservir plus de 2 600 logements. Lors de l’aménagement d’une partie du quartier parisien des Batignolles, la capitale a également opté pour une collecte du même type. Dans les Yvelines, Poissy est la première commune à vouloir y passer.

« On est à quatre millions, mais on estime que sur un écoquartier, autant tirer le fil jusqu’au bout », déclare le maire Karl Olive (LR) du coût d’installation du système de collecte pneumatique des déchets pour le quartier de 2 000 logements. « On fera un plan pluriannuel d’investissement parce que c’est de l’investissement, et l’autre partie sera prise par le maître d’ouvrage, donc par Citallios », explique l’édile.

Dans le quartier Rouget de Lisle, les premiers habitants devront ­cependant attendre un peu avant de découvrir ce système. « Cette collecte pneumatique, elle entrera en service notamment quand les lots D et G (situés au Sud du terrain, en cours de programmatio, prévus pour accueillir logements et bureaux, Ndlr) seront réalisés, puisqu’elle nécessite la construction d’un terminal pour aspirer les déchets », explique Vincent Marie.

« On a déjà tiré dans le sous-sol les tuyaux du nouveau système pneumatique dans la perspective de la mise en service de celui-ci pour desservir les lots A,B et C », indique-t-il. Des bornes d’apports volontaires pour ces premiers immeubles livrables ont donc été installées, mais elles sont vouées à disparaître avec l’arrivée de ce nouveau type de collecte. « C’est un des sujets d’innovation pour ce quartier et pour améliorer la qualité du cadre de vie », précise Vincent Marie.

Le maire rappelle de ce choix que « 160 bornes d’apports volontaires » auraient dues être installées sans ce système. Le chef de projet de Citallios loue pour sa part la disparition des déchets des rues et la réduction des nuisances liées au ramassage. « Les camions, quand ils viennent, ils entrent simplement dans un terminal, ils prennent le container et ils repartent, détaille-t-il. Ce n’est pas un camion qui s’arrête tous les 10 m, qui gêne la circulation, qui fait du bruit, etc. »

Mais ce n’est pas la seule innovation du quartier Rouget de Lisle. Pour alimenter le réseau de chaleur de la Zac, une alternative aux systèmes traditionnels est en effet envisagée par la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO) et le groupe PSA. Pour la première fois en Île-de-France, l’énergie dite « fatale » produite par l’usine automobile de Poissy pourrait être utilisée. À ce stade, le projet est cependant encore hypothétique.

« Il y a une opportunité de par la situation géographique », précise le groupe PSA, sollicité par La Gazette. Le site de production se situe en effet à quelques dizaines de mètres du nouveau quartier, de l’autre côté des voies ferrées. « C’est quelque chose que l’on a mis en place à la fonderie de Charleville-Mézières (Ardennes). Mais ce n’est pas la même production de chaleur qu’une usine, il faut vraiment voir si c’est ­possible », poursuit l’entreprise.

« Cette collecte pneumatique, elle entrera en service notamment quand les lots D et G seront réalisés » explique Vincent Marie, chef de projet chez Citallios.

L’examen d’une mise en place de ce système remonte désormais à plus d’un an, elle était ainsi déjà ­évoquée par la mairie de Poissy dans l’étude d’impact du futur quartier datant du 10 avril 2018. La communauté urbaine a lancé récemment un appel d’offres pour que soit réalisée une étude de faisabilité sur la ­récupération de cette énergie fatale.

« La particularité de GPSEO est qu’on a encore aujourd’hui des usines industrielles qui produisent de la chaleur fatale, qui part aux petits oiseaux, expliquait déjà en janvier 2018 Eric Roulot (PCF), son vice-président à l’environnement et maire de Limay. L’enjeu, c’est la captation de cette chaleur-là pour permettre de chauffer ou d’alimenter des réseaux de chaleur ».

La chaleur produite par bien des entreprises industrielles est appelée « chaleur fatale » ou « chaleur perdue », car elle n’est pas utilisée. Elle peut néanmoins servir à alimenter des réseaux internes au sein des entreprises, ou des réseaux externes, en alimentant des logements en chaleur, voire même en électricité.

À Poissy, cette chaleur pour l’instant évacuée et peut-être bientôt ­récupérée représente une ­quantité importante d’énergie, selon une étude de prospection déjà réalisée par l’énergéticien Engie au sein de l’usine automobile. Selon le récent appel d’offres d’études complémentaires, cette étude « confirme le potentiel de valorisation de cette chaleur pour alimenter » le nouveau quartier.

Côté chiffres, il existe selon l’étude d’Engie un potentiel énergétique récupérable total d’environ 6,7 MW, dont « un gisement haute température de 1 MW à 300°C ». Mais la majeure partie de la chaleur proviendrait d’installations dégageant une chaleur bien plus modérée : « 1,5 MW entre 30 et 40 °C, 1,5 MW à 30 °C, 2 MW entre 30 et 40 °C, 700 kW entre 30 et 33 °C », expose des « gisements basse température. »

« Les bâtiments raccordés en trois phases, consommeraient (chauffage et ECS inclus) 1 863 MWh en 2019, 6 319 MWh en 2027, et 11 334 MWh en 2035 », expose du futur quartier l’appel d’offres. Rouget de Lisle se chauffera-t-il grâce à l’usine ? « C’est trop tôt pour nous pour se prononcer, c’est toujours intéressant, mais nous avons une équation économique à ­tenir », conclut le groupe PSA.

Eté 2019 : l’arrivée des premiers habitants

Le quartier Rouget de Lisle s’étend sur plus de 10 ha et se situe à quelques centaines de mètres de la gare, sur l’ancienne friche industrielle Derichebourg. Les premiers immeubles, soit les lots A, B, C et E, plus proches de la rue de la Faisanderie et de la future extension du boulevard de l’Europe, seront livrés à l’été 2019. « On est à peu près à 85 % de réservations […] on est en fin de commercialisation et tout s’est bien passé », annoncent les responsables de Sogeprom (filiale de la Société générale qui a commercialisé le projet, Ndlr), lundi 3 juin devant les habitants du quartier.

De la construction des derniers lots, soit les lots D, G et F, au sud de l’ancienne friche, Vincent Marie, chef de projet pour l’aménageur public Citallios (maître-d’œuvre du projet depuis 2015, Ndlr) explique la nécessité d’acquérir certaines propriétés pour pouvoir les démolir et construire les nouveaux immeubles. « À l’horizon 2022 », assure le chef de projet de la livraison des derniers immeubles. Le quartier comporte plus de 2 000 logements dont 25 % seront des logements sociaux.