Mantes innovaparc : d’ici 2030, tomates et poissons le long de l’A13 ?

L’Etablissement public d’aménagement du Mantois Seine aval a retenu le projet du promoteur Pichet pour l’aménagement d’un lot de 40 000 m² misant sur agriculture et pisciculture urbaines.

Une nouvelle étape est franchie pour le futur quartier d’activités Mantes innovaparc, à deux pas de la sortie de l’A13, entre l’usine Sulzer et l’hôtel d’entreprises Inneos. Vendredi 21 juin, le promoteur Pichet a été choisi, au terme d’un appel à idées lancé il y a environ un an et d’une présentation devant un jury, pour aménager un « macro-lot » de 40 000 m². D’ici 2030 pourrait donc voir le jour un ambitieux ensemble regroupant bureaux et activité avec de l’agriculture urbaine. Dans un premier temps, des jardins familiaux seront aménagés.

À l’automne dernier, deux projets avaient été retenus par l’Etablissement public d’aménagement du Mantois Seine aval (Epamsa), à l’issue de la consultation. Ce sont ces deux projets portés respectivement par les promoteurs Alsei et Pichet qui se sont affrontés ce 21 juin. Le premier souhaitait porter le futur quartier par la création d’un parc de loisirs avec trampolines et salles d’escalade, le second misant plutôt sur le développement de la permaculture et de l’aquaponie, afin de favoriser les circuits courts comme une production agricole locale.

« Il s’agit du plus beau foncier de l’agglomération mantaise », se félicitait le 21 juin dernier Pierre Bédier (LR), président de l’Epamsa, du Département et membre du jury, du choix du promoteur Pichet « à la quasi-unanimité ». Lors de l’appel à idées, l’aménageur public avait fait part de sa volonté de ne surtout pas voir s’implanter uniquement des activités logistiques, et de sa difficulté à attirer d’autres types d’entreprises. Désormais, il se satisfait du caractère « créatif, adaptable et évolutif » du projet de Pichet.

Le groupe Alsei proposait de son côté « la pérennité, la sécurité et l’ouverture au territoire », indique Abdelkader Kourisna, responsable commercial Île-de-France Nord et Ouest du promoteur. Il prévoyait ainsi la création en premier lieu d’un pôle loisirs accueillant « un trampoline park, une salle d’escalade, un foot en salle, un espace de coworking, une crèche, une aire de loisirs pour les enfants, des jardins et un espace de convivialité » pour les salariés et les habitants, ainsi que la création d’une application spécifique pour la vie du quartier.

Le promoteur veut « rassembler 20 000 m² d’activités et de bureaux, dont 9 000 m² de serres en toitures, 4 000 m² d’espaces dédiés à la permaculture et 320 places de stationnement ».

La deuxième phase se concentrait ensuite sur le pôle d’entreprises, pour créer une offre hôtelière au sein du macro-lot « afin d’aider à l’implantation de grands groupes », souligne le responsable commercial en insistant sur « l’interchangeabilité » des différentes phases d’aménagement. Un projet jugé ­finalement « trop classique » pour les cinq membres du jury, comptant en sus de Pierre Bédier : Philippe Tautou (LR), président de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO), Harris Bodard, délégué général de l’association d’entreprises Essor 78, Emmanuel Mercenier, directeur général de l’Epamsa, et Christian Devilliers, architecte-­urbaniste du quartier.

Face au projet Alsei, le groupe Pichet propose de « rassembler 20 000 m² d’activités et de bureaux, dont 9 000 m² de serres en toitures, 4 000 m² d’espaces dédiés à la permaculture et 320 places de stationnement qui peuvent être réversibles ». Ces dernières sont en effet intégrées dans un silo en mezzanine, précise Jérôme Nicot, directeur des consultations et de l’innovation urbaine pour le groupe.

Si des serres seront installées sur les toits, les rez-de-chaussée de certains bâtiments pourraient être dédiés à l’aquaponie, soit l’élevage de poissons dont les excréments nourrissent les plantes cultivées au-dessus. « On ne pouvait plus opposer développement urbain et développement durable, la ville et la campagne, opposer les start-up et les grands groupes industriels », poursuit-il de la réflexion menée.

« Le Mantois c’est un territoire composé à 80 % d’espaces naturels, une place importante de la monoculture, mais aussi une tradition maraîchère ancrée », expose le directeur. D’où l’idée de créer un « quartier productif », explique Valérian Almaric, architecte pour Ilimelgo, avec une production espérée de « 140 tonnes de tomates, 280 tonnes de poissons et 100 tonnes de fruits et légumes », soit « un rendement à même de nourrir 25 000 personnes », détaille l’architecte.

Si des serres seront installées sur les toits, les rez-de-chaussée de certains bâtiments pourraient être dédiés à l’aquaponie, soit l’élevage de poissons dont les excréments nourrissent les plantes cultivées au-dessus.

Ce projet serait facilité par « le dynamisme » du Mantois dans plusieurs domaines, estime Mathilde Schiettecatte, ingénieure agronome pour Merci Raymond, spécialiste de l’agriculture urbaine : « Les exploitations céréalières, en particulier celles qui développent une activité maraîchère […], les réseaux de distribution en circuit-court […] les formations, à l’image du lycée agricole Sully. »

Les différents acteurs espèrent aussi réussir à implanter « un espace de transformation, un restaurant locavore et une conserverie-légumerie », et proposer des formations non-qualifiantes, sous forme de stages, dans les domaines de la transformation et de la vente. Présent lors de cette restitution, le maire de Buchelay Paul Martinez (SE) s’est, lui, inquiété de la possible mise en concurrence avec les structures déjà existantes, comme les marchés locaux ou les boutiques de producteurs.

« L’idée est de les intégrer dès le départ », assure Mathilde Schiettecatte. « Le modèle de l’agriculture urbaine est en train, sans doute, de se mettre en place, mais encore en question, interroge l’architecte Christian Devilliers. Êtes-vous certains de pouvoir réaliser 25 000 m² d’activités et si ce n’est pas en une phase, qu’est-ce qui garantit la faisabilité des autres ? »

« 20 000 m², ça ne correspond même pas à la commercialisation des cinq dernières années », remarque avec pessimisme un spécialiste local de la vente de locaux commerciaux. Le groupe Pichet se montre quant à lui confiant et indique « croire en l’adresse avec l’arrivée prochaine du RER E ». Même si aucune date n’est encore avancée, l’horizon 2030 est évoqué : « Il y a un désir immédiat d’intervenir, de redonner ce site aux riverains en y apportant les jardins familiaux dans un premier temps. Le temps deux, c’est l’arrivée des opérateurs comme Veolia, afin d’activer les espaces de ­permaculture et ­d’aquaponie. »

Crédits photo : GROUPE PICHET