Le déménagement du siège de Calcia met le feu aux poudres

La récente décision du cimentier de déménager 250 emplois et son siège social dans les Hauts-de-Seine a provoqué l’ire des élus partisans de l’exploitation d’une carrière cimentière dans le Vexin. Ces derniers menacent de revenir sur leur soutien, notamment par une révision du plan local d’urbanisme intercommunal ce jeudi, pour en empêcher l’exploitation.

C’est peu dire que la décision du cimentier Calcia n’a pas franchement ravi certains, Pierre Bédier (LR), le président du Département en tête. Mi-décembre, Le Parisien révélait que l’entreprise, propriété du groupe HeidelbergCement, souhaitait transférer 250 postes et son siège à Nanterre (Hauts-de-Seine), alors qu’il était implanté à Guerville depuis une trentaine d’années. Jointe par La Gazette, la direction de Calcia confirme que le déménagement « partiel » aura bien lieu « dans le courant de l’année 2020 » et met en avant la nécessité de se rapprocher de ses clients.

« Trahison », s’émeuvent Pierre Bédier, les sénateurs Sophie Primas et Martin Lévrier et le président de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise Philippe Tautou (LR), reprochant au cimentier de rompre « un accord global » portant sur la préservation de l’emploi en vallée de Seine.

Un déménagement qui pourrait influencer sur la future exploitation d’une carrière cimentière dans le Vexin, autorisée par l’État en juin dernier. Lors d’une conférence de presse organisée le 10 janvier, Pierre Bédier et Philippe Tautou (LR), ont annoncé qu’une révision du plan local d’urbanisme intercommunal serait engagée à l’issue du conseil communautaire du 16 janvier prochain, pour empêcher cette extension, qu’ils avaient vigoureusement défendue en septembre 2018, si le cimentier ne revenait pas sur sa décision. Du côté des opposants historiques au projet, on préfère se montrer prudent en attendant le dénouement de ces revirements.

« J’ai toujours privilégié l’emploi dans une région qui souffre d’une insuffisance d’emploi et d’une désindustrialisation accélérée, rappelle Pierre Bédier de sa position. Je considère que c’est une trahison puisqu’il a été toujours convenu qu’il y aurait l’un et l’autre, que c’était étroitement lié. » Le point de vue n’est visiblement pas ­partagé par la direction de Calcia : « Il ne faut pas associer les deux sujets, un sujet industriel, celui de la carrière, doit s’analyser au sens d’un projet industriel. Le siège, il se trouve qu’il est de l’autre côté de Gargenville. […] Ce sont deux sujets qui sont totalement décorrélés et les associer est pour nous ­totalement irrationnel. »

Des raisons qui motivent ce départ du site guervillois des Technodes, la direction précise : « C’est un siège qu’il faudrait refaire complètement, il n’est plus aujourd’hui adapté aux normes des bâtiments tertiaires, […] en accessibilité, ce n’est absolument pas pratique. […] Il y a pour nous la facilité d’être plus proche de nos clients et de notre ­bassin commercial. » Resteraient ainsi les emplois liés à la recherche et au développement. « La décision a été prise au regard des lieux de résidence de nos ­salariés », poursuit la direction.

« J’ai toujours privilégié l’emploi dans une région qui souffre d’une insuffisance d’emploi et d’une désindustrialisation accélérée, rappelle Pierre Bédier (LR), président du Département, de sa position. Je considère que c’est une trahison puisqu’il a été toujours convenu qu’il y aurait l’un et l’autre, que c’était étroitement lié. »

Dénonçant une méthode de « patron-voyou », les quatre élus craignent eux « un plan social déguisé ». Ce que dément fermement l’entreprise : « C’est un déménagement sans aucun objectif de plan de sauvegarde de l’emploi. » La colère des élus autrefois soutiens du cimentier semble désormais difficile à apaiser. « Si retour il y a, on peut toujours discuter mais il y a une deadline, c’est jeudi à 16 h », insiste Pierre Bédier.

Ce jour-là, aura lieu le vote au sein du conseil communautaire de GPSEO du Plui. « Je voterai évidemment le Plui mais avec la certitude que nous pourrons réviser immédiatement », souligne Sophie Primas. « Le dialogue n’est pas possible avec certaines personnes parce qu’ils ne comprennent pas que l’impact local soit aussi important », regrette pour sa part Philippe Tautou.

« L’analyse des risques n’a pas été bien faite. […] À partir du moment où ils ont eu les signatures, ils ont commencé à nous quitter », ajoute Martin Lévrier des possibles conséquences de ce déménagement, sur le personnel, mais aussi sur l’environnement partenarial du cimentier. « Vous avez des gens qui ne peuvent avoir une activité économique qu’en liaison avec nous, ils font partie de l’économie administrée, détaille Pierre Bédier. Ils obtiennent une autorisation et le lendemain, ils nous font un bras d’honneur. »

Ayant rencontré la secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire Emmanuelle Wargon la veille sur différents sujets environnementaux, le président du Département poursuit : « Elle comprend bien nos préoccupations, elle est sur le deuxième volet [environnemental], l’entreprise qui a pris des engagements contre la pollution ne va pas les tenir, pour elle c’est ­inacceptable. »

L’élu fait ainsi référence à la modernisation de la cimenterie gargenvilloise, implantée depuis 1921 dans la commune et employant actuellement 90 personnes. Une modernisation, notamment le changement des filtres d’aération pour lutter contre l’émission de particules fines, que le cimentier conditionne à l’exploitation de la ­nouvelle carrière.

« Tout est suspendu aux différents recours, tant qu’il y a des recours majeurs, il est difficile de se prononcer [d’un début d’exploitation], souligne-t-on chez Calcia. On a eu l’autorisation préfectorale, on fait tout pour garder cette autorisation justement, l’usine est en mi-capacité depuis trois ans pour justement faire la jonction avec la future carrière, on fait tout pour qu’il y ait cette ­carrière. »

Le 23 janvier sera d’ailleurs rendu le jugement par la cour d’appel de Versailles concernant le recours déposé par l’Association vexinoise de lutte contre la carrière cimentière (AVL3C – Zone 109) et le Parc naturel régional du Vexin contre la classification de la nouvelle carrière en projet d’intérêt général (Pig), obtenu en 2015. « Il y a un autre recours portant sur le renouvellement du Pig qui est donné pour une durée de trois ans, poursuit Dominique Pélegrin, la présidente de l’AVL3C. Il a été donné en mai 2015, ils l’ont renouvelé en juin. On a argué qu’ils avaient fait un ­renouvellement hors-délai. »

« Tout est suspendu aux différents recours, tant qu’il y a des recours majeurs, il est difficile de se prononcer [d’un début d’exploitation], souligne-t-on chez Calcia. On a eu l’autorisation préfectorale, on fait tout pour garder cette autorisation justement, l’usine est en mi-capacité depuis trois ans pour justement faire la jonction avec la future carrière, on fait tout pour qu’il y ait cette carrière. »

Le cimentier n’a en revanche pas souhaité commenter la mise en demeure récente du préfet yvelinois. Le 20 décembre, ce dernier a mis en demeure le cimentier de « respecter les dispositions des articles suivants de l’arrêté préfectoral du 10 novembre 2015 ». Calcia doit ainsi s’assurer que « l’aire d’entreposage des déchets dangereux [de la cimenterie] est conforme à son arrêté d’exploitation », dans un délai de six mois.

Aujourd’hui les élus semblent douter de cette modernisation. « Les engagements qui avaient été pris étaient à la fois la préservation du site et de l’emploi sur le site de Guerville, mais aussi la rénovation et des investissements tout à fait importants garantissant la modernisation de cette cimenterie mais aussi la lutte contre les pollutions, les particules fines qu’émet cette entreprise, insiste Sophie Primas. Aujourd’hui, ce pacte de confiance est mis à la poubelle. »

Dans les colonnes du Parisien, la présidente de la Région, Valérie Pécresse (Libres) a également annoncé son intention de s’opposer au projet de carrière cimentière : « Nous avons attendu, essayé de comprendre le projet et entendu les inquiétudes des élus, des associations et des agriculteurs. Sur le plan environnemental, il semble daté, dépassé. »

Les opposants historiques au projet, parmi lesquels l’AVL3C – Zone 109, se montrent eux prudents mais ont d’ores et déjà appelé à une manifestation sur le parking de la salle des fêtes de Gargenville ce jeudi 16 janvier, où doit se tenir le conseil communautaire. « Trois-cents emplois, mais la santé des habitants c’est quoi ? [La pollution de] l’eau c’est quoi ? » argue la présidente de l’AVL3C, Dominique Pélegrin, craignant un possible revirement du cimentier en faveur d’un maintien aux ­Technodes.

Elle invite plutôt à réfléchir à la « reconversion » de la cimenterie gargenvilloise et espère une prise de position du président de la république Emmanuel Macron, à l’instar du dossier Europa city. Ce mégacomplexe de loisirs et d’activités devait voir le jour à Gonnesse dans le Val-D’Oise. Face à une forte opposition, Emmanuel Macron avait finalement annoncé l’abandon du projet en novembre dernier.

 

Mise à jour du 17/01/2020 : Une mise à jour a été fait concernant le nombre d’emplois transférés à Nanterre. La première version de ce texte portait ce nombre à 150, il s’agit en réalité de 250 emplois qui seront transférés, avec le siège social. La rédaction présente ses excuses aux lecteurs pour cette erreur