Les clients de la fibre optique craquent

Entre des déconnexions à répétition chez les habitants et des installations anarchiques dans les rues, le réseau de fibre optique conflanais nourrit les plaintes depuis plusieurs mois. 

Jusqu’à plusieurs mois de panne dans certains foyers. Si le déploiement de près de 15 000 prises, lancé en 2014 par SFR, dans la commune, promettait l’ère du très haut débit, force est de constater que six ans plus tard, le sujet du réseau de fibre optique est encore un dossier sensible. Depuis de nombreux mois, les habitants de Conflans-Sainte-­Honorine sont excédés.

Après avoir suivi les retards sur le calendrier du déploiement, une réunion publique ayant été organisée à ce sujet en avril 2019, nombreux sont ceux qui accusent aujourd’hui des interruptions à répétition de leur connexion internet. La ­sécurisation des armoires à fibre optique, là où les câbles de tout un quartier convergent, s’affiche comme l’un des plus gros points noirs. Les sous-traitants des opérateurs sont ­également pointés du doigt.

« J’ai récupéré internet ce matin, ça faisait deux mois que j’en étais privé, déplorait récemment Fernando Maiques, un habitant du quartier Chennevières. Depuis ma souscription avec SFR en avril 2019, j’ai connu quatre ou cinq grosses pannes. » Un vrai calvaire pour cet informaticien dont l’entreprise est basée aux États-Unis. « Je travaille essentiellement depuis chez moi, donc ma connexion internet c’est mon outil de travail », souligne-t-il.

Ces dysfonctionnements, Fernando Maiques n’est pas le seul à les avoir constatés. En témoigne une note collée sur la porte de l’armoire à fibre optique du quartier, installée rue Pierre le Guen, tout près de la place de la Liberté. « SFR se moque de ses clients !! », peut-on lire sur ­l’équipement du fournisseur d’accès.

Devant l’armoire à l’intérieur de laquelle son logement est raccordé, le Conflanais se tire les cheveux. Il lui suffit d’ôter le maigre fil de fer qui maintient les portes closes pour constater l’origine du phénomène. Des boîtiers et tiroirs qui s’effondrent à l’ouverture des portes, un amas de branchements entremêlés « tel un plat de spaghettis », la pagaille règne en maître à l’intérieur de la boîte beige. « Je n’ai pas les mots, c’est inadmissible, s’indigne-t-il. J’ai des voisins qui sont carrément revenus à l’ADSL car SFR n’est pas capable de gérer ­correctement l’infrastructure. »

Selon lui, les raisons de ces coupures à répétition sont dues à l’intervention des sous-traitants des opérateurs qui interviennent sur l’armoire à fibre optique. « Un technicien m’avait expliqué que faute de place dans l’armoire, les sous-traitants de SFR débranchent certains clients pour en rebrancher d’autres à la même place. Pour preuve, quand il est intervenu sur l’une de mes pannes, il m’a proposé de me rebrancher derrière le tas de câbles pour que ce soit plus difficile de me débrancher à l’avenir. Et le fait est que ça fonctionne… Ça m’a offert plusieurs mois de répit ».

Au gré d’une rencontre fortuite avec un technicien arrivé sur place pour le compte d’un opérateur concurrent, celui-ci nous confirme qu’il s’agit bien là d’une pratique courante. « Nous sommes quasiment tous payés à l’intervention, souligne l’homme vêtu de son uniforme orange. Pour beaucoup, ils découvrent la situation une fois sur place, donc dans le cas où il s’agit de raccorder un nouveau client et qu’il n’y a pas de place disponible…et bien ils en trouvent une… », explique-t-il devant Fernando Maiques, ­circonspect.

En ouvrant l’armoire conflanaise, le technicien semblerait presque soulagé : « Franchement, on pourrait presque dire que c’est bien rangé ici, ironise-t-il tout en faisant défiler des photos sur son téléphone portable. Je suis intervenu sur des armoires dix fois plus endommagées que celle-ci. » Par chance pour les clients de ce ­prestataire, cette fois plusieurs emplacements sont libres dans l’espace alloué à l’opérateur. « De toute manière moi je ne peux pas débrancher quelqu’un comme ça car on m’impose d’envoyer un rapport d’intervention assez strict », explique le technicien, les mains empêtrées dans les ­branchements de ses ­prédécesseurs.

Devant l’armoire à l’intérieur de laquelle son logement est raccordé, Fernando Maiques se tire les cheveux.

Interrogé sur ces pratiques, Jean-Claude Brier, délégué régional Altice France, dont SFR FTTH est une filiale, indique « qu’il s’agit en effet d’un problème connu, que le groupe condamne ». Selon lui, le problème provient en partie de la mutualisation des équipements. « L’infrastructure doit être accessible à tous les opérateurs, de ce fait, au fur et à mesure des interventions, ça devient désorganisé », déplore Jean-Claude Brier. « S’ils ont un problème de qualité avec leurs sous-traitants, c’est leur job. Ce n’est pas aux clients de le supporter », fustige de son côté ­Fernando Maiques.

Submergé de courriers d’habitants sur le sujet, le maire, Laurent Brosse (DVD), déplore, quant à lui, que son action soit largement restreinte du fait que les armoires n’appartiennent pas à la Ville. En effet, à Conflans-Sainte-Honorine, c’est une filiale de SFR, SFR FTTH, qui gère le réseau de fibre optique. C’est donc elle qui ­intervient quand le réseau est en panne.

« Dans la période actuelle, où il y a beaucoup de télétravail, où les personnes âgées dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes sont en contact avec leur famille via le numérique, où les élèves des écoles ont accès à leurs cours à distance, il est fondamental que ça puisse bien fonctionner », souligne l’édile qui a saisi l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) en décembre dernier. « Nous n’avons pas encore eu de retour », regrette par ailleurs l’élu.

Cela dit, du côté des clients, le ton semble se durcir. « Désormais nous voulons des réponses claires avec des échéances », rapporte Fernando Maiques. « Tous les opérateurs d’infrastructure discutent avec les opérateurs commerciaux pour trouver une solution », assure Jean-Claude Brier. D’après lui, celle-ci pourrait prendre la forme d’un cadre d’intervention beaucoup plus strict pour les sous-traitants ou encore d’un système de serrure électronique implanté dans les armoires afin d’en renforcer la sécurité.

Laurent Brosse semble cependant déterminé à passer à la vitesse supérieure « en demandant l’aide » du secrétaire d’Etat au numérique. « Il y a toute une question de coordination à avoir entre les différents opérateurs, et une action de l’Etat à avoir notamment en matière de sanctions financières, car il n’y a que comme ça que ça fonctionne », juge l’édile.