Le conseil municipal rendu caduque

Le maire est accusé par l’opposition d’avoir, lors de la séance du 20 mai, utilisé la voix d’une élue en instance de démission. Si la simple convocation de l’ex-adjointe a rendu le conseil caduque, l’édile souligne le flou administratif lié à la crise sanitaire.

Sur le bureau du procureur de la République, c’est une nouvelle plainte qui trouve son origine au conseil municipal de Carrières-sous-Poissy. Ce jeudi 21 mai, au lendemain d’une nouvelle séance mouvementée dans la salle du conseil, les trois groupes d’opposition emmenés par les candidats Eddie Aït (SE), Khadija Gamraoui (LREM) et Anthony Effroy (SE) ont annoncé par voie de communiqué, déposer plainte contre le maire sortant ­Christophe Delrieu (DVD) pour « faux en écriture publique ». Entaché d’un « vice de forme » ce dernier conseil municipal a d’ailleurs été annulé.

Les trois figures de l’opposition accusent l’édile d’avoir utilisé, lors du dernier conseil municipal le mercredi 20 mai, le pouvoir Sylvie Crignon, adjointe déléguée aux affaires générales en instance de démission depuis son élection dès le premier tour des élections municipales 2020 dans la commune d’Elven (Morbihan).

Si l’ex-adjointe a bel et bien transmis son pouvoir au groupe politique du maire en vue du vote, celui-ci n’était en revanche plus valable depuis le lundi 18 mai, date à laquelle les listes élues dès le premier tour des élections sont officiellement rentrées en ­fonction.

« Bien qu’il ait été rappelé au maire lors de la séance, que le Code électoral est sans ambiguïté – que tout membre d’un conseil municipal élu postérieurement conseiller dans une autre circonscription électorale municipale cesse d’appartenir au premier conseil municipal, celui-ci n’a pas tenu compte des avertissements, pourtant majoritaires, refusant de régulariser la situation et poursuivant l’examen des délibérations en se prévalant de la voix de l’élue ­bretonne », grincent les élus-­candidats dans leur ­communiqué.

De son côté, Christophe Delrieu, lui, plaide un imbroglio administratif en raison de la crise sanitaire. « Sylvie Crignon avait déjà fait le nécessaire pour démissionner en mars, assure le maire. Mais avec la crise son mandat a été prolongé ». Dans un courrier, daté du 14 mai que s’est procuré La Gazette, Stéphane Grauvogel, sous-préfet de l’arrondissement de Saint-Germain-en-Laye, indiquait au maire et à son ex-adjointe que « la loi promulguée le 23 mars 2020 qui prévoit que la prise d’effet du mandat électif est reportée [et] rend sans objet votre démission du conseil ­municipal de Carrières-sous-Poissy ».

Partant de ce postulat et sachant que les conseils d’installation ne pouvaient se tenir qu’à partir du samedi 23 mai, Christophe Delrieu « se pensait donc dans les clous. À la suite du conseil et après avoir échangé avec le sous-préfet, on s’est effectivement aperçu que Sylvie Crignon ne devait pas être convoquée », concède le maire carriérois.

En fin de journée, l’édile a donc annoncé aux élus qu’il annulait la dernière séance « compte tenu d’un vice de forme dans l’envoi des convocations ». L’occasion pour lui de balayer la plainte de la partie adverse : « Il n’y pas lieu de parler de faux en écriture publique puisque le conseil n’était pas correctement formé, ce qui le rend caduque. »

« Sans cette voix providentielle, il aurait été mis en minorité et aurait dû s’expliquer sur sa gestion autocratique de la crise », insiste Eddie Aït. Et pour cause, ce sont les groupes « Agir pour Carrières », « Bien vivre à Carrières » et « Les Carriérois d’abord », qui avaient sollicité, mercredi 20 mai, la convocation de ce conseil. Au vu des conditions, chaque élu présent ne pouvait recevoir que deux pouvoirs de son groupe, les opposants étant alors en mesure de présenter tous leurs pouvoirs, tandis que le groupe du maire s’en retrouve amputé.

« L’objectif était de lui retirer une nouvelle fois ses délégations, explique Eddie Aït. Le maire entretient une obscurité totale sur les nombreuses dépenses qu’il effectue ». Les mesures gouvernementales liées à l’état d’urgence sanitaire ont permis à Christophe Delrieu de récupérer les délégations que lui avaient soustraits ses opposants en octobre 2019. Un mois auparavant, le 20 avril, le conseil carriérois s’était déjà réuni à la demande de l’opposition avec le même ­objectif.

Selon nos informations, Christophe Delrieu devrait procéder à une nouvelle convocation début juin afin d’installer à ses côtés Stéphanie Jaffre, positionnée en 28e position sur la liste élue de 2014.