Le 28 mars 2019, le mur vétuste et fragile de la maison centrale de Poissy, situé rue des Ursulines, s’effondrait. Quelques semaines plus tard, en visite sur place, la ministre de la justice Nicole Belloubet promettait 60 millions d’euros de travaux, dans le cadre d’un plan de réhabilitation global et un schéma directeur pour le mois de décembre. Elle réaffirmait également son souhait de voir l’établissement rester en ces murs, alors que le maire pisciacais Karl Olive (DVD) en espère toujours son déménagement.
Alors que l’élaboration de ce dernier a été reporté, ainsi que l’annonçait La Gazette dans son édition du 15 janvier, la direction interégionale des services pénitentiaires (DISP) de Paris a lancé, ce 6 mai, un appel à maîtrise d’œuvre pour la reconstruction du mur effondré. Contactée, la DISP de Paris espère lancer les sept mois de chantier prévus en février 2021 pour un coût évalué à 1,6 million d’euros HT.
« L’appel d’offres pour le recrutement du maître d’œuvre, publié le 6 mai 2020, fait suite à un long travail engagé en amont concernant l’étude de faisabilité ainsi que la négociation d’un protocole d’accord, signé entre la [direction de l’administration pénitentaire] et l’assureur de la société de gros œuvre titulaire du marché initial, de confortement du mur de l’avenue des Ursulines », explique la DISP.
En février dernier, le directeur interrégional des services pénitentiaires d’Île-de-France, Laurent Ridel, détaillait l’avancée de la procédure judiciaire, engagée entre l’administration pénitentaire et l’entreprise en charge des travaux de consolidation du mur. « La procédure judiciaire est terminée, expliquait-t-il. L’entreprise qui effectuait les travaux de renforcement de l’ouvrage, ayant commis une erreur, prendra en charge cette reconstruction. […] Il reste maintenant à définir le planning des travaux. »
Car ce sont des travaux de confortement du mur, et même une injection de béton qui sont à l’origine de son effondrement. La DISP prévoyait à l’époque « la mise en œuvre de murs de soutènement préfabriqués sur semelle en béton armé coulée en place, ainsi que le coulage de béton (en réalité mortier ou coulis, soit ciment + eau ou ciment + eau + sable, mais en l’absence de cailloux) en remplissage entre le mur existant et les murs préfabriqués », détaille le marché.
Des conséquences de ces travaux sur le mur d’enceinte déjà fragilisé, le marché poursuit : « Le coulage du remplissage, alors qu’il atteignait une arase d’environ un mètre au-dessus du niveau fini extérieur (côté avenue) a provoqué, du fait des efforts horizontaux de soutènement qu’il engendrait, l’effondrement du mur existant en pierre (mur d’environ 60 cm d’épaisseur). »
Depuis, la DISP envisage plusieurs scénarii pour ce chantier qu’elle espère lancer un peu moins de deux ans après l’effondrement du mur. Pour ce chantier, la DISP prévoit notamment « 426 650 euros » pour des travaux de « démolition et de butonnage (permettant de supporter le poids d’une structure horizontale, Ndlr) » et « 470 155 euros » pour la réalisation du nouveau mur à proprement parler.
« Ces scénarii doivent être confortés par les études de maîtrise d’œuvre », précise-t-elle, mais tous devront respecter certaines demandes et consignes comme « la démolition des ouvrages » précédemment construits et « partiellement effondrés » et la création de nouvelles fondations. Deux hypothèses semblent pour le moment retenues, mais la DISP insiste, ces avis seront soumis à l’architecte des Bâtiments de France.
Selon le marché, les études devront toutefois prendre en compte « deux scénarii » dont une partie aérienne comprise « entre trois et sept mètres de hauteur ». Le premier est l’élévation d’un mur d’enceinte voilé en béton armé,avec un « ravalement à la chaux ». Le second verrait, lui, la pose de « prémurs teintés dans la masse finition béton blanc, gommée ou sablée ». Tous devront être toutefois équipés d’un couronnement anti-grappin.
Concernant le mur d’enceinte de la rue des Prêcheurs, dont le mauvais état est également régulièrement pointé du doigt, la DISP fait savoir que « des travaux de sécurisation » ont été réalisés récemment. « La face intérieure est confortée par un étaiement métallique, la face extérieure du mur a fait l’objet d’une purge des enduits, annonce-t-elle.Une étude structurelle de l’ensemble des murs d’enceinte a été réalisée en 2019 et retransmise à nos partenaires dans le cadre des diagnostics et des travaux pour l’élaboration et la mise en œuvre du schéma directeur. »
Au sein de la maison centrale, cet agenda prévisionnel surprend quelque peu. « Les dernières nouvelles que l’on avait, c’était qu’il y avait encore des procédures pour savoir qui devait prendre en main les frais de réparation », précise un représentant syndical de Force ouvrière. Le son de cloche est similaire du côté du premier magistrat pisciacais. « Lorsque Nicole Belloubet était venue […] elle s’était engagée pour un schéma directeur à la fin de l’année 2019, cela avait été reporté avec ces problèmes de responsabilités dans la destruction et puis le Covid est passé par là », regrette Karl Olive.
L’élu voit en la reconstruction du mur une « boussole » et une « bonne nouvelle », tant pour la Chancellerie que pour la Ville. « C’est une bonne nouvelle pour la circulation dans Poissy, la vue dans Poissy et pour les résidents de la résidence pour personnes âgées, j’ose espérer que ça leur permettra d’avoir de nouveau un arrêt de bus », poursuit l’édile.
Il espère qu’au-delà de ce chantier, la Chancellerie ira « plus loin », que la simple reconstruction du mur, le maire pisciacais réaffirmant une fois de plus son souhait de voir déménager du centre-ville la maison centrale. « Je vais reprendre attache très bientôt avec Nicole Belloubet et lui proposer ce que nous souhaitons depuis que je suis élu », insiste-t-il. Selon lui, cela ne doit également pas faire oublier « le triste état » de l’établissement, conçu à l’origine en 1645 pour être un couvent, devenu maison centrale en 1821, rappelant qu’un incendie s’était déclaré le 15 mai dernier.
Le chantier ne devrait pas avoir d’incidence sur la vie des 193 détenus encore dans les murs de l’établissement pénitentiaire. Et visiblement peu d’incidence sur la vie du personnel. « On a pris l’habitude de voir ce mur-là comme ça, note le représentant Force ouvrière. […] On a pris le pli et on fait en sorte que cela se passe bien. Il n’y a pas forcément d’impatience de notre part. » Un autre syndicaliste, membre du bureau régional de la CTFC, souligne lui que « les problèmes de février (ou de nouvelles fissures avaient été découvertes dans le quartier d’isolement, Ndlr), ne sont pas réglés » et regrette un manque d’informations sur ces questions de la part de la DISP.
Le représentant de Force ouvrière se montre plus nuancé quand il s’agit du maintien ou non de la maison centrale dans le centre-ville. « Les informations que l’on a vont plutôt dans ce sens [du maintien, complète-t-il. On avait fait une sorte de sondage général auprès de tous les agents, on n’a pas encore eu tous les retours. Mais, dans la majorité, les premiers éléments qui nous sont remontés, les agents préféreraient rester sur place. » Pour autant, déménager la prison « repartir sur de nouveaux bâtiments permettrait aussi de régler pas mal de problèmes liés à l’infrastructure, fait remarquer le syndicaliste. Ce sera à l’État de trancher. »