Comme un symbole. Le territoire qui abrite la décharge sauvage la plus célèbre de France, appelée communément « mer des déchets », est également celui qui s’apprête à accueillir tout un pôle dédié au traitement et à la valorisation de ses futurs déchets.
Micro-usine de méthanisation, ressourcerie, ainsi que serres maraîchères. Au total trois projets devraient voir le jour sur le site de l’usine d’incinération Azalys, située sur la route départementale 190, avec l’objectif « d’y construire un pôle d’excellence », affirme Jean-Luc Gris (SE), président du syndicat gestionnaire d’Azalys, Valoseine, et également vice-président de la communauté urbaine, Grand Paris Seine et Oise, délégué à la gestion des déchets. Les ouvertures s’échelonneront probablement jusqu’en 2024, en fonction de l’avancée de chaque projet.
Au mois de juin dernier, la communauté urbaine GPSEO publiait la commande d’une étude de faisabilité pour l’implantation d’une ressourcerie sur du foncier lui appartenant, en périphérie de l’usine d’incinération Azalys. Comme à Mantes-la-Jolie avec la ressourcerie Aptiprix, ou à Ecquevilly avec La Gerbe, le site aura pour vocation de collecter les objets dont les personnes se débarrassent avec l’idée de les réparer puis de les revendre.
« Les déchetteries de Conflans-Sainte-Honorine, Achères, Orgeval et Carrières-sous-Poissy n’offrent pas de zone de réemploi à ce jour, bien qu’une réflexion soit portée en ce sens dans le cadre du plan stratégique de modernisation des déchetteries », explique la communauté urbaine dans son cahier des clauses techniques particulières.
« La réflexion, c’est de dire stop à l’enfouissement, martèle Jean-Luc Gris. Il y a encore trop de produits qui ne sont pas valorisés. » Selon le rapport annuel du service public de gestion des déchets réalisé par la communauté urbaine, il semblerait qu’il y ait effectivement des leviers qui peuvent encore être actionnés sur le sujet du réemploi des déchets ménagers, comme les encombrants par exemple : « Sur l’année 2018, les DMA (déchets ménagers et assimilés, Ndlr) représentent 376 kilos par habitant sur le territoire de GPSEO, soit un rapport supérieur à la moyenne nationale mais inférieur à l’Île-de-France. »
Il s’agira d’une ressourcerie qui sera propre à Valoseine, le nouveau syndicat issu du mariage entre le syndicat intercommunal de destruction des résidus urbains (Sidru) et le syndicat intercommunal de valorisation des traitements et des déchets urbains (Sivatru, voir notre édition du 26 août), puisqu’elle sera implantée sur ses parcelles, côté Azalys.
D’ailleurs, si la restructuration des deux anciens syndicats, chacun gestionnaire d’une déchetterie de part et d’autre de la route départementale, « ne remet pas du tout en question le projet », selon son président, « on voit désormais les choses différemment ».
« On reconfigurerait les accès aux déchetteries qui sont aujourd’hui très peu pratiques et peuvent créer un débordement de circulation sur route », reconnaît-il. Pour l’heure, ni le syndicat ni la communauté urbaine n’ont communiqué sur la superficie ou le coût du projet.
« Avec la reconduction, depuis le 1er janvier 2018, du contrat de délégation de service public, attribué à Suez, on a jusqu’en 2026 pour faire cette ressourcerie et un projet de serres maraîchères », fait savoir le président de Valoseine. Car le syndicat compte bien profiter des synergies dont il bénéficie déjà sur son site pour élargir son offre. Des serres maraîchères pourraient ainsi voir le jour autour de l’usine d’Azalys. « Il s’agira de cultures hors-sols bien entendu », précise Jean-Luc Gris, car depuis le 31 mars 2000, un arrêté préfectoral interdit la production de plantes légumières et aromatiques sur l’ensemble de l’ex-plaine maraîchère.
Pour le syndicat, tout l’intérêt est de pouvoir utiliser l’excédent d’électricité et d’eau produit par l’usine d’incinération pour chauffer et alimenter ces futurs points de récolte. « Nous avons prévu un à deux hectares d’emprise sur le site, mais si cela fonctionne bien, on pourrait peut-être s’étendre sur la plaine et élargir sur dix hectares », confie le président de Valoseine.
Ce dernier nuance toutefois son propos affirmant « que l’objectif n’est pas de devenir le plus gros vendeur et de concurrencer les producteurs locaux ». En ce qui concerne l’exploitation de ces serres, elle pourrait être confiée à la Ferme de Gally, située sur la commune de Saint-Cyr-l’École. Pour ce projet comme celui de la ressourcerie, l’échéancier reste encore flou : « D’ici trois ans, on aura une idée beaucoup plus précise », estime de son côté Jean-Luc Gris.
Initialement prévue pour tourner à plein régime au mois d’octobre, Modolu’O Yvelines, la micro-usine de méthanisation et troisième projet imaginé dans ce futur « pôle d’excellence », sera finalement opérationnelle « aux alentours du mois de juin », comme l’estime Sébastien Gacougnolle, le co-fondateur de Tryon environnement qui pilote le projet.
Cette dernière s’installera d’ailleurs sur la parcelle initialement prévue pour l’installation des serres : un terrain vague inoccupé situé derrière l’usine d’incinération d’Azalys. « Mais on s’est rendu compte avec Valoseine qu’il y avait tout à fait la place pour les deux projets et que le nôtre pourrait être un catalyseur pour les serres en fournissant du fertilisant et de la chaleur », rapporte le co-fondateur de Tryon environnement.
C’est avant tout par sa petite taille de 2 000 m² que se démarque cette station de méthanisation qui a deux objectifs principaux. D’une part, proposer une alternative aux modèles traditionnels et volumineux d’usine de transformation des déchets alimentaires en biogaz, et d’autre part, de réponse à la demande de traitement de ces biodéchets à l’échelle locale. « En France, en méthanisation de biodéchets alimentaires, il y a très peu de capacité de traitement par rapport à la production, explique Sébastien Gacougnolle. Parallèlement, il y a un besoin qui augmente avec les réglementations qui sont apparues. » Depuis 2016, la loi « Grenelle II » impose aux professionnels « générant au moins dix tonnes de biodéchets par an » d’en assurer la valorisation.
Avec une capacité de traitement de 4 000 tonnes par an, qui pourra augmenter jusqu’à 8 000 tonnes, l’usine Modul’OYvelines collectera ainsi les déchets alimentaires dans un rayon de 20 kilomètres. « À titre comparatif, pour projet de méthanisation traditionnelle, on parle souvent en centaines de kilomètres, fait remarquer Sébastien Gacougnolle. L’implantation est géniale, car à proximité on a des surfaces agricoles en recherche de matière fertilisante organique, mais aussi des gisements de déchets importants. »
Pour le syndicat Valoseine, qui loue le terrain, « c’est une façon de lancer une expérimentation sur un site qui nous appartient pour voir comment ça fonctionne et savoir ensuite si l’on peut reproduire ce type d’investissement, qu’on pourrait cette fois prendre en charge, sur d’autres sites », explique son président, Jean-Luc Gris.
La société Tryon et sa future usine carriéroise ont également été sélectionnées par C’Midy, la société gestionnaire des cantines des collèges yvelinois, pour valoriser les déchets issus des plateaux repas des élèves.
« Les restes de cuisines organiques sont triés au collège par les élèves eux-mêmes, détaille de la démarche Rémi Vincent, le responsable de la restauration au sein du Département. L’objectif est de rééduquer les enfants afin qu’ils comprennent la lutte contre le gaspillage alimentaire ». À partir du mois de janvier, les 114 collèges vont être équipés pour trier leurs déchets avant la collecte.
« Ça représente les restes de 50 000 repas par jour », fait savoir Rémi Vincent, soit « 800 à 900 tonnes par an », selon les estimations de Tryon. Pour autant, tous ne seront pas valorisés à Carrières-sous-Poissy pour préserver un champ d’action de proximité. Le résidu « noble et propre » du procédé de méthanisation, appelé digestat, sera lui livré aux agriculteurs locaux pour épandage.
Du côté de la Ville, où une enquête publique a débuté le 4 septembre et se poursuit jusqu’au 2 octobre, si l’initiative est encouragée, on s’interroge sur la proximité de l’usine avec le projet d’aire de grand passage porté par GPSEO et sur les nuisances que pourrait occasionner une telle installation.
« Ce projet-là peut s’inscrire dans un projet global pour le réaménagement de la plaine, lance le maire, Eddie Aït (SE). Mais notre vraie question, c’est : quel est le gain pour les Carriérois en termes de service ? »
Sur cela, Sébastien Gacougnolle répond : « Ce qu’ils gagnent [les Carrérois] c’est prévenir de futurs actes de décharge sauvage de biodéchets, même si l’impact environnemental n’est pas comparable avec un pot de peinture, ou une gazinière. C’est également l’opportunité de faire partie de la boucle de collecte si la collectivité décide d’ouvrir un marché public : c’est tout ce que l’on souhaite ».
Un vœu partagé, ou presque. « On aimerait bien, mais pas en payant davantage, répond Eddie Aït, considérant que le territoire a déjà trop souffert sur le plan environnemental. On veut bien jouer le pari de l’installation vertueuse, néanmoins, il faut des garanties qui ne sont pas apportées aujourd’hui notamment sur les risques de nuisances. »
L’édile carriérois s’interroge surtout sur la méthode de déchargement des déchets qui se fait dans une trémie non couverte. « Les déchets sont caractérisés, séparés des erreurs de tri, puis envoyés en silo de stockage tampon confiné. Ils restent le minimum de temps dans la trémie qui est nettoyée après chaque déversement, assure le co-fondateur de Tryon. Si jamais il y a plus de nuisances qu’on pensait, on a prévu en espace et en conception de mettre un système d’aspiration pour être tranquille. »
Les services de la Ville et la société Tryon devraient s’entretenir ce mercredi 16 septembre sur ces sujets. Une réunion d’information conjointe devant les associations et les habitants pourrait être organisée prochainement.