Rénovation urbaine : les élus attendent toujours l’État

Lors de l’inauguration de l’espace Jean-Louis Borloo, les élus locaux représentant différentes collectivités ont a nouveau tancé l’État, en retard selon eux sur le plan de la rénovation urbaine.

Lorsqu’il s’y était rendu le 13 juin 2017, Jean-Louis Borloo avait découvert le local qui porterait son nom, rue des Pierreuses, à l’entrée de la cité de la Noé. Un peu plus de trois ans plus tard, le 1er octobre dernier, l’ancien ministre, notamment délégué à la ville entre 2002 et 2004, et fondateur de l’Agence nationale de rénovation urbaine (Anru), s’est rendu une nouvelle fois à Chanteloup-les-Vignes pour y découvrir le lieu entièrement rénové.

L’espace Jean-Louis Borloo, initialement dédié au lien social comme l’indiquait La Gazette en 2017, sera finalement la Maison du projet de cité éducative, ­lancé en 2016 par les équipes de la maire DVD Catherine Arenou. Si des visuels de la future cité éducative, baptisée Simone Veil, seront présentés au public (voir encadré), le lieu a été une nouvelle fois le réceptacle des griefs des collectivités locales, mairie, communauté urbaine, Département et Région, envers l’État et l’Anru. Ils ont notamment fustigé un manque d’ambition et de moyens de la part de l’État.

« Quand on a commencé à travailler sur la cité éducative, en janvier 2019, […] on allait d’endroit en endroit, on démultipliait les lieux de rencontres, explique la maire chantelouvaise à propos de la destination de l’espace Jean-Louis Borloo. […] Pour penser à la même chose, il faut un lieu ­commun qui est le lieu de personne et de tout le monde. »

Et le nom de Jean-Louis Borloo apparaissait comme une évidence. « Pour progresser il faut savoir prendre des risques et sortir du cadre, Chanteloup s’est construite de cette manière, rappelle-t-elle. Il était donc normal que Chanteloup rende hommage à celui qui incarne le mieux cette façon de faire. »

L’ancien ministre est en effet à l’origine du premier plan de rénovation urbaine qu’a connu la ville en 2005, en période d’émeutes urbaines, et qui s’est achevé en 2015. « C’[était] quoi les émeutes ? C’était juste un cri, on est aussi de la République. Et elles n’ont pas été résolues que par la force publique, insiste Jean-Louis Borloo. […] Ça a été résolu parce que deux ans avant avait été lancé un plan et que les grues de la rénovation urbaine étaient la première main tendue de la République dans ces quartiers. La rénovation urbaine elle s’appuyait déjà à l’époque sur l’internat d’excellence, les zones franches urbaines, les mamans-relais, toute une ­mobilisation. »

Une mobilisation qui depuis quelques années ferait défaut au niveau des gouvernements successifs. « À la base, l’Anru ce n’était pas une agence d’État, c’était une bande qui se réunissait et qui se disait dans ce quartier, il faut vraiment faire le truc à fond, précise-t-il de sa vision des choses. […] C’était le bureau de confiance. […] Tu arrives à mobiliser huit milliards d’euros par an et puis tout d’un coup, tu ne sais pas pourquoi, les réunions deviennent compliquées, t’as des mecs de Bercy qui viennent aux réunions, qui imposent des normes nouvelles, on ne maintient pas l’effort de manière constante. »

Ce manque d’efforts, les élus présents ce jour-là le déplorent à des degrés divers. « Je serais certainement injuste si je disais que rien n’a été fait, les choses ont été faites, mais jamais la même ambition portée, tance Catherine Arenou. L’ambition actuellement, la volonté, ce sont les territoires qui la portent. »

Le nom de Jean-Louis Borloo apparaissait comme une évidence. « Pour progresser il faut savoir prendre des risques et sortir du cadre, Chanteloup s’est construite de cette manière, rappelle la maire DVD Catherine Arenou. Il était donc normal que Chanteloup rende hommage à celui qui incarne le mieux cette façon de faire. »

Et malgré les avancées, notamment en juin 2019, la situation financière ne semble pas s’être débloquée. « Une convention qui devait être signée depuis plus d’un an a fait des allers-retours pendant le temps du Covid, on était à des virgules qui n’étaient pas aux bonnes places, fulmine l’édile chantelouvaise. Quand on en est là, ça veut dire qu’à un moment donné on recule le temps de l’utilisation de l’argent. Si on recule le temps d’utilisation de l’argent, ça veut dire qu’on n’a pas l’ambition. »

À ses côtés, le président de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise et maire de Mantes-la-Jolie, Raphaël Cognet abonde : « La réunion prépare toujours la réunion d’après. À un moment tu te dis ce n’est pas possible, quand est-ce qu’on décide en fait ? Et quand tu te décides à signer, ça prend huit mois pour signer les papiers. » En novembre 2019, il annonçait en réunion publique que la signature de la convention avec l’Anru concernant la deuxième phase de rénovation urbaine du Val Fourré, n’était qu’une question de « semaines », elle n’a toujours pas été signée, déplore-t-il ce jour-là. Il plaide pour une « ­décentralisation » des décisions.

« Aujourd’hui c’est nous qui décaissons », tranche le président du Département, Pierre Bédier (LR), en évoquant le plan d’amorce de 700 millions d’euros lancé par la collectivité sur la période 2018-2024. « Personne n’a remplacé Jean-Louis Borloo. […] On attend qu’il y ait un nouveau souffle », lance-t-il. Seul représentant de l’État face à cette fronde, le préfet délégué à l’égalité des chances, Raphaël Sodini, a tenté de rassurer sur les priorités de ce dernier : « L’État est à vos côtés comme l’ensemble des collectivités territoriales, pas dans un esprit de rivalité, mais dans un esprit de concorde républicaine pour aider Chanteloup-les-Vignes et aider l’ensemble des villes en politique de la ville, à pouvoir avancer. »

S’il entend l’« impatience » des élus, il tient à rappeler que « l’une de mes premières tâches lorsque je suis arrivé, ça a été de me rendre à l’Anru pour discuter avec le directeur général qui m’a assuré que les projets yvelinois allaient sortir de terre ». Mais dans l’entourage de Catherine Arenou, on déplore que la ministre de la ville, l’ancienne députée yvelinoise Nadia Hai (LREM), n’ait pas fait le déplacement.

En guise de conclusion, l’ancien ministre a tenu à insister : « Je suis vivant, je vous assure et je suis encore capable d’en emmerder quelques-uns. » Porteur d’un message « d’espoir », Jean-Louis Borloo a appelé à « faire Nation » et à une prise de conscience collective. Une idée qu’il avait déjà évoquée dans son plan banlieues remis au Premier ministre en 2018, sous le nom de « Vivre ensemble, vivre en grand la République pour une réconciliation nationale ». Un rapport qui avait été à l’époque balayé par le président de la ­République, Emmanuel Macron (LREM).

Les premiers visuels de la cité éducative présentés

Lors de cette inauguration, les premiers visuels de la future cité éducative Simone Veil ont été dévoilés au public. Concernant le choix du nom, Catherine Arenou précise que le nom était déjà attribué au centre d’action communal et social et au point d’accès au droit. « Il se trouve que notre rénovation urbaine va démolir ce bâtiment là, précise-t-elle. On ne pouvait pas imaginer que la Ville de Chanteloup ne continue pas à demander à ce qu’un bâtiment, un lieu emblématique porte le nom de Simone Veil. »

À propos de la conception, « on a cherché à rassembler ces différents âges dans un projet global de campus qui rassemblerait les maternelles, [les primaires], un bâtiment, des coopérations dans lesquels ces différents programmes sont amenés à se croiser, on a travaillé à la mise en scène de ces relations », détaille Théodore Badia-­Berger, architecte-urbaniste.

Une passerelle sera construite pour rallier l’établissement au collège René Cassin qui sera également réhabilité. Au centre de la cité éducative, « un vide central qui sera un atrium et qui recevra les entrées et sorties de tous les étudiants, des parents et des associations et des équipes pédagogiques », souligne Théodore Badia-Berger.

À l’intérieur, « ce sur quoi on a travaillé c’est surtout l’interaction entre ces différents espaces, on est sur un terrain très pentu, on a cherché à profiter de cette disposition en créant des systèmes de rangs, de manière à ce qu’on n’ait pas un système de stratification scolaire, que l’enfant ne soit pas confronté à un escalier qui va l’amener à une strate supérieure mais au contraire à avoir des espaces fluides avec des rampes », poursuit Didier Badia-Berger, architecte-urbaniste.

« Le projet architectural est au service du projet éducatif, fait remarquer Cathy Lamouille, cheffe de projet cité éducative sur le volet éducatif pour la Ville. […] L’objectif c’est de réduire les inégalités de territoire, de construire un parcours de réussite des enfants de 0 à 25 ans en faisant alliance éducative. […] Chanteloup va pouvoir être dotée d’une médiathèque, d’un laboratoire de langues, d’un espace multimédia, d’une maison des familles, c’est assez innovant sur un territoire au niveau de la France entière, mais sur la ville de Chanteloup cela va être un atout énorme pour la population. »