Sept personnes mises en examen, dont deux collégiens

Les cinq majeurs ont été placés en détention provisoire, les deux mineurs remis en liberté sous contrôle judiciaire.

Quatre jours après l’attentat ayant conduit à la mort de Samuel Paty, sept personnes ont été présentées à un juge antiterroriste, dans le cadre de l’ouverture d’une information judiciaire pour les chefs de « complicité d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste, de complicité de tentative d’assassinat sur une personne dépositaire de l’autorité publique en relation avec une entreprise terroriste et d’association de malfaiteurs terroristes en vue de commettre des crimes d’atteinte aux personnes », a fait savoir lors d’une conférence de presse donnée le 21 octobre, Jean-François Ricard, procureur général du parquet national antiterroriste (PNAT).

Ces sept personnes sont trois proches d’Abdoullakh Abouyezidovitch Anzorov, le père de famille ayant dénoncé le cours de Samuel Paty, Brahim C., le militant islamiste Abdelhakim Sefrioui et deux collégiens, âgés de 14 et 15 ans. « Poursuivre de jeunes mineurs dans un dossier terroriste, qui plus est dans un dossier criminel, n’est pas inédit mais interroge, souligne Jean-François Ricard de l’audition des adolescents. L’enquête a établi que si l’auteur des faits bénéficiait du patronyme de l’enseignant, du nom et de la localisation du collège, en revanche, il ne disposait pas de moyens lui ­permettant de l’identifier. »

Le meurtrier a ainsi proposé à l’un des deux collégiens « entre 300 et 350 euros » pour identifier Samuel Paty. « Le collégien qui a reçu l’argent, accompagné d’un de ses camarades, a donné alors une description physique de Samuel Paty, note Jean-François Ricard. Ce dernier leur a alors déclaré avoir l’intention de filmer le professeur, de l’obliger à lui demander pardon pour la caricature du prophète, de l’humilier, de le frapper. »

Au micro de BFMTV, maître Charles-Emmanuel Herbière, avocat de l’un des adolescents assure qu’il « commence à réaliser ce qu’il a engendré ». Et précise du comportement de son client : « Il vient d’une famille assez pauvre. Quand le terroriste est arrivé et lui a mis l’argent dans les mains, il a vrillé ». Les deux collégiens ont finalement été remis en liberté sous contrôle judiciaire, tandis que les cinq majeurs ont été placés en détention provisoire.

Deux autres personnes, proches du terroriste et s’étant spontanément présentées aux policiers ont été déférées. Il s’agit d’un jeune homme de 19 ans, Azim E., « ami de longue date de l’auteur des faits », l’ayant accompagné dans une coutellerie à Rouen (Seine-Maritime) pour l’achat d’un couteau retrouvé sur les lieux du meurtre. Un second jeune homme de 18 ans, Naïm B., identifié comme le chauffeur du terroriste l’ayant amené à Rouen et Conflans-Sainte-Honorine, a aussi été entendu. Tous deux « contestent à ce stade avoir eu connaissance du projet mortifère de leur ami », précise le procureur. Un dernier ami, Yussuf C. également âgé de 18 ans, a aussi été entendu, « du fait de contacts très rapprochés et d’un partage manifeste de l’idéologie radicale », avec Abdoullakh Abouyezidovitch Anzorov.

Concernant Abdelhakim Sefrioui et Brahim C., le père à l’origine de la diffusion de vidéos appelant à l’exclusion de Samuel Paty, « leur déferrement s’inscrit dans le cadre de l’analyse d’un lien de causalité direct entre leurs agissements et la mort de Samuel Paty, précise Jean-François Ricard. […] Il est aujourd’hui clair que le professeur était nommément désigné comme une cible sur les réseaux sociaux par les deux hommes, aux moyens de manœuvres et d’une ­réinterprétation des faits. »

Le procureur du PNAT évoque notamment la temporalité de diffusion des vidéos et l’emploi du temps de sa fille : « Il est établi que c’est en réalité le mardi 6 octobre qu’a été dispensée la leçon dans la classe de la jeune fille. Il est également établi que cette dernière était alors absente pour maladie. » Dans ses vidéos, Brahim C. donnait notamment l’emplacement du collège et le nom de Samuel Paty.

« La procédure a en effet permis la mise à jour de plusieurs contacts téléphoniques et écrits entre Brahim C. et Abdoullakh Abouyezidovitch Anzorov à compter du 9 octobre et jusqu’au 13 octobre suivant », relève Jean-François Ricard. Lors de sa garde à vue, il « réfutait toute volonté de violence à l’encontre de l’enseignant ». Son avocat, maïtre Nabil El Ouchiki insiste sur BFMTV : « S’il avait eu une quelconque idée de ce qui allait se produire, il n’aurait jamais diffusé cette vidéo. » Pour sa part, Abdelhakim Sefrioui assure « n’avoir envisagé qu’une réaction citoyenne et une sanction administrative contre Monsieur Paty » face à ce qu’il estime être une stigmatisation de la communauté ­musulmane.