Confinement : Les commerçants partagés entre « inquiétude » et « compréhension »

Le confinement a un impact économique sur les commerces de vallée de Seine encore ouverts qui tentent de s’adapter au mieux. Des municipalités souhaitent les aider à s’orienter vers le commerce en ligne.

« Les commerçants sont partagés entre l’inquiétude, car il y a une vraie inquiétude dans un certain nombre d’activités, et en même temps la combativité. » Le maire de Mantes-la-Jolie et président de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO), Raphaël Cognet (LR), décrit ainsi l’état d’esprit des commerçants locaux, affectés par le confinement et la fermeture des commerces en centre-ville jugés « non-essentiels » par le gouvernement, pour lutter contre l’épidémie de Covid-19. Les commerçants ayant tiré les rideaux de leurs entreprises, en attendant leur réouverture, ne sont cependant pas les seuls à manifester de la peur concernant l’avenir de leurs sociétés.

En effet, c’est également le cas de ceux continuant à exercer leur profession comme l’a constaté La Gazette en allant, du 4 au 6 novembre, à la rencontre de ces derniers dans différents centres-villes de vallée de Seine. Bien que la majorité d’entre eux comprenne les décisions gouvernementales pour lutter contre le coronavirus et s’adapte aux contraintes sanitaires, beaucoup de commerçants craignent pour la pérennité de leurs entreprises si le confinement venait à se poursuivre au-delà du 1er décembre et ­notamment durant les fêtes de Noël.

« D’un point de vue sanitaire, oui, on comprend [les mesures du gouvernement]. Après, c’est vrai que d’un point de vue économique, en direct, c’est assez compliqué pour les commerçants et les gens de façon générale. Et puis, même pour l’avenir, on ne sait pas comment on va rattraper le retard », s’inquiète le gérant d’une boulangerie-pâtisserie implantée à Poissy et souhaitant rester anonyme. Il précise aussi que, dès le premier jour du second confinement, son chiffre d’affaires a fondu de « 45 % » contre « 60 % », en moyenne, au premier confinement du 17 mars au 11 mai et qui était, selon lui, plus « strict ».

Malgré tout, le gérant avoue avoir été de nouveau obligé de mettre certains membres du personnel en repos et d’avoir réduit ses heures d’ouverture en ouvrant soit plus tard ou en fermant plus tôt selon les jours. La possibilité du prolongement du confinement l’inquiète en tout cas énormément. « À Noël, c’est à peu près 45 % de notre chiffre d’affaires à l’année qu’on va faire sur une période d’un mois et demi. Cela risquerait d’être problématique, ne serait-ce parce qu’on va produire beaucoup moins, donc ce sera moins de revenus à la fin de l’année », ajoute-t-il.

Ce constat est partagé par l’Union des commerçants et des artisans de Poissy (UCAP). « On navigue un peu à vue, l’anticipation est compliquée car on n’a pas de visibilités », déclare l’association en faisant référence aux difficultés des commerçants à se projeter dans l’avenir.

« Le sur-place me faisait gagner des sous mais j’ai perdu cette part-là », déclare le gérant de la boulangerie de la gare aux Mureaux faisant partie de l’enseigne L’Excellence, Atif Ouindi.

« Si on ne sacrifie pas l’économie, on sacrifie des humains parce que le virus est en train de se propager […]. Pour moi, je comprends le confinement. Il est préférable à l’économie parce que, là, on est en train de compter des morts », rétorque, quant à lui, le gérant d’un magasin d’entretien automobile situé aux Mureaux et qui a vu son chiffre d’affaires être divisé, « plus que par deux », tout comme au premier confinement. « On n’est pas à la place des médecins pour savoir si c’est nécessaire, s’il fallait faire mieux […]. Si on regarde nos propres intérêts, on n’est pas content, mais si on regarde l’intérêt du pays, on ne sait pas », complète Antoine Nassar qui tient une enseigne d’alimentation générale à Poissy et qui affirme connaître actuellement une baisse de fréquentation de l’ordre de « 50 % » en raison notamment parfois de la rupture de certains produits comme, par exemple, « la farine » et « les œufs ».

Critiqué ces dernières semaines pour avoir fermé certains commerces, le gouvernement assure en tout cas proposer aux entrepreneurs des aides financières pour les aider à faire face à la crise sanitaire. Dans un communiqué daté du 6 novembre et disponible sur le site internet de l’Élysée, elysee.fr, il promet que « l’aide financière sera encore plus massive qu’au printemps » avec, par exemple, la possibilité pour les sociétés de moins de 50 salariés ayant fermé administrativement de pouvoir « bénéficier d’une aide jusqu’à 10 000 euros par mois » et d’ « être ­exonéré de charges sociales ».

Pour les entreprises de moins de 50 salariés et les travailleurs indépendants poursuivant leurs activités mais dont le chiffre d’affaires a diminué « de plus de 50 % » une aide « jusqu’à 1 500 euros par mois » leur ait proposée. De plus, « les bailleurs seront incités, par un crédit d’impôt, à annuler au minimum un mois de loyer entre octobre et décembre pour les PME fermées administrativement, les restaurants, hôtels, cafés et salles de sport ». Grâce au prolongement des prêts garantis par l’État et étendus « jusqu’au 30 juin prochain, au lieu du 31 décembre », ainsi qu’à des prêts émanant directement de l’État à destination des entreprises, le gouvernement promet « qu’aucune entreprise ne sera sans solution de ­trésorerie. »

« Ce sont des effets d’annonce !, s’exclame Olivier Roger, le dirigeant de la boutique Le Spad spécialisée dans la vente, la réparation et la location de vélos à Conflans-Sainte-Honorine et qui affirme avoir perdu « 37 % » de son chiffre d’affaires suite aux mesures de couvre-feu et de confinement, par rapport à la même période l’an dernier. Les effets d’annonce, quand on les entend, c’est spectaculaire. On a l’impression qu’il n’y a aucun commerce qui va rester sur le carreau sauf que, dans la réalité, si vous ne remplissez pas toutes les petites cases et tous les petites astérisques, vous n’êtes éligibles à rien du tout. »

« J’ai des commerçants pour qui, aujourd’hui, c’est une question de survie et de quelques jours. On ne peut plus se dire « je vais avoir des aides mais cela va tomber en fin d’année, voire l’année prochaine » », prévient l’adjoint au maire chargé du développement économique, des commerces, de l’innovation et de l’emploi aux Mureaux, Davy Ramos.

Ces propos sont rejoints par l’adjoint au maire chargé du développement économique, des commerces, de l’innovation et de l’emploi aux Mureaux, Davy Ramos. « Les différentes aides restent de l’annonce. Maintenant, il faut les concrétiser. J’ai des commerçants pour qui, aujourd’hui, c’est une question de survie et de quelques jours. On ne peut plus se dire « je vais avoir des aides mais cela va tomber en fin d’année, voire l’année prochaine » », prévient-il en insistant sur la nécessité d’être présents aux côtés des « un peu plus de 300 commerçants » implantés sur la commune et dont aucun n’aurait définitivement fermé suite au premier confinement.

Pour cela, l’élu muriautin affirme proposer son aide pour les accompagner à remplir convenablement les dossiers de subvention. « On est aussi en train de travailler sur un processus accéléré, quand je dis accéléré c’est qu’on avait déjà l’idée en tête mais là on est en train de travailler pour le mettre rapidement en place, d’une sorte d’Amazon local pour permettre aux commerçants locaux de pouvoir continuer à faire de la vente en ligne, ajoute-t-il. L’idée c’est d’aller vers les magasins pour les aider à ouvrir leurs sites en ligne. »

« Il faut qu’on aide les commerçants à se moderniser, à se numériser, à organiser le click and collect. On est donc en train de travailler avec les commerçants de centre-ville pour les aider à passer ce cap difficile et les aider, encore une fois, à faire la transition numérique pour qu’on soit de plus en plus prêt à régler ces problèmes », complète Raphaël Cognet alors que son homologue conflanais, Laurent Brosse (DVD) affirmait le 5 novembre vouloir prochainement publier sur le site de la Ville et les réseaux sociaux « la liste de tous les commerçants qui font du click and collect et des restaurants faisant de la livraison ou du retrait ».

L’alternative numérique pour permettre aux commerces de continuer à fonctionner, malgré la crise sanitaire, est d’ailleurs encouragée par l’État. Selon le communiqué du 6 novembre de l’Élysée, « 100 millions d’euros sont prévus pour accompagner les petites entreprises qui veulent se numériser. Elles ne sont, par exemple, qu’une sur trois à disposer aujourd’hui d’un site Internet ».

Alors que les élus et le gouvernement appellent, dans la mesure du possible, à consommer auprès des entreprises locales, le maire de Conflans-Sainte-Honorine prévoit de prendre des mesures en conseil municipal pour relancer l’attractivité en centre-ville dans le cas où le confinement cesserait avant Noël. « On s’apprête à mettre en place un système de bons d’achats pour les commerces [co-financés par la Ville et les commerçants]. Forcément, si les commerces sont fermés, on ne pourra pas les mettre en œuvre […] mais on va quand même le voter », déclare-t-il en insistant sur le fait que cela permettrait de relancer l’attractivité du centre-ville auquel il est particulièrement attaché.

« On navigue un peu à vue, l’anticipation est compliquée car on n’a pas de visibilités », déclare l’Union des commerçants et des artisans de Poissy (UCAP) en faisant référence aux difficultés des commerçants à se projeter dans l’avenir.

Cette proposition devrait probablement ravir Olivier Roger. « Aujourd’hui, il n’y a plus personne dans la rue, déplore-t-il. Plus personne ne se ballade, ne va faire ses courses. À cette époque de l’année, d’ordinaire, il y a énormément d’effervescence dans la rue ! C’est plus que démoralisant. »

En attendant la levée du confinement, les commerçants encore ouverts sont contraints de s’adapter. Ainsi, une couturière mantaise a connu une évolution de son activité professionnelle en vendant davantage de produits de mercerie au détriment des commandes de retouche sur les vêtements. Cette adaptation passe également par le respect du protocole sanitaire. C’est pourquoi le gérant de la boulangerie de la gare aux Mureaux, faisant partie de l’enseigne L’Excellence, Atif Ouindi, a été contraint de fermer la restauration sur place. « Le sur-place me faisait gagner des sous mais j’ai perdu cette part-là », dit-il en nuançant néanmoins sa perte de chiffre d’affaires tout en désignant les chaises empilées sur les tables.

« On a mis des parois de séparation entre nous et nos clients qui datent du premier confinement, détaillent, quant à eux, les gérants de la maison de la presse à Poissy. C’était du bricolage mais cela fonctionne très bien. On n’accepte pas plus de deux, voire trois clients maintenant que tout le monde respecte un petit peu mieux les distances de sécurité et le port du masque est obligatoire. Et s’il y a la queue, pour éviter qu’il y ait un attroupement, on va servir dehors les gens qui savent ce qu’ils veulent. »

C’est justement le respect de ce protocole sanitaire qui conduit le président de l’association des commerçants Cœur de Mantes, Arnaud Léonard, à regretter la fermeture de certains commerces de proximité durant le confinement au profit des grandes surfaces qui ont néanmoins dû fermer les rayons jugés « non-essentiels ». « Je pense qu’on a moins de chance d’attraper le coronavirus quand on est deux ou trois clients dans un petit commerce local que 500 [dans un ­hypermarché] », regrette-t-il.