Qu’il s’agisse des ordures ménagères, du verre ou du tri sélectif, le mode d’emploi change. Depuis le vendredi 1er janvier 2021, un nouveau système de collecte des déchets est entré en vigueur pour les 49 des 73 communes (*) de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO). Alors que sur l’ensemble du territoire la fréquence de collecte des ordures ménagères s’étalait d’une à six fois par semaine, aujourd’hui GPSEO souhaite « loger tout le monde à la même enseigne » en harmonisant la fréquence par zone de densité.
Une décision motivée par le besoin de faire des économies et qui impacte particulièrement les zones pavillonnaires et rurales. Certaines voix s’élèvent contre ce nouveau calendrier comme celles des maires de Triel-sur-Seine, Cédric Aoun (SE), de Conflans-Sainte-Honorine, Laurent Brosse (DVD), et de Carrières-sous-Poissy, Eddie Aït (SE) qui dénoncent face à leurs administrés une baisse du niveau de service pour un coût identique. Du côté des habitants, nombreux sont ceux qui s’inquiètent du stockage de leurs déchets ou que ces ramassages moins réguliers entraînent une explosion des dépôts sauvages.
« On a cherché à faire des économies donc à faire des regroupements de façon à avoir de meilleurs prix », explique Jean-Luc Gris (SE), vice-président de GPSEO, délégué à la gestion des déchets, à l’occasion d’un live le 8 décembre avec le maire triellois, pour détailler la nouvelle formule. Le territoire a été regroupé en trois lots géographiques, là où depuis 2016, 14 contrats différents maillaient la communauté urbaine. À noter que dans cette réorganisation, Limay reste en régie publique.
Trois marchés « déchets » ont donc été ouverts pour le ramassage entre Rosny-sur-Seine et Gargenville, de Juziers à Vernouillet et entre Triel-sur-Seine et Achères. « C’était aussi l’enjeu politique d’avoir une vraie concurrence sur le territoire », précise le vice-président de la communauté urbaine.
Pour autant, les règles appliquées seront les mêmes. Ainsi pour l’habitat individuel et le milieu rural, les ordures ménagères sont maintenant collectées une fois par semaine. « On s’est dit qu’on ait un pavillon à Conflans, à Triel, à Verneuil, à Meulan, dans des communes plus petites comme Tessancourt ou Evecquemont, ça reste un pavillon », justifie Jean-Luc Gris de ce choix. En ce qui concerne l’habitat collectif et les centres-villes, la collecte passera deux fois par semaine, « de façon à tenir compte, peut-être, de la faible disponibilité des trottoirs pour mettre des bacs », commente le vice-président aux déchets.
Dans la commune de Conflans-Sainte-Honorine, la réception, la semaine dernière, du nouveau calendrier de ramassage a suscité de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux. Beaucoup d’habitants s’étonnent de la baisse de fréquence faisant remarquer que leur production de déchets, elle, reste identique. « Avec le nouveau calendrier de ramassage, ils [les éboueurs] repassent que dans 15 jours ! Ma poubelle est déjà pleine ! », déplore Eric sur Facebook. Selon GPSEO, les habitants ayant ponctuellement de gros volumes de déchets pourront faire une demande pour obtenir des bacs plus importants.
« Dans le centre-ville de Triel […] ça ne va rien changer au final, il y a juste au niveau des pavillons et les secteurs les moins denses qui vont être impactés, analyse de son côté Cédric Aoun. Donc va falloir passer aux composteurs dans le tri des déchets et vraiment viser le zéro déchet même si ce n’est pas évident à faire pour tout le monde je l’accorde. »
Et effectivement parmi les habitants les plus impactés, comme Élodie à Conflans-Sainte-Honorine, la nouveauté a du mal à passer. « Je ne comprends pas du tout, écrit-elle sur Facebook. […] Moi qui suis en location dans un pavillon […] je me demande comment je vais faire pour garder mes ordures une semaine entière chez moi. »
Lors d’un live, le 22 décembre, Eddie Aït déplorait également ces changements. « Nous ne partageons pas les orientations prises par la communauté urbaine qui avaient été décidées avant les élections municipales et sans concertation avec la Ville », grince-t-il. Dans le même temps l’édile carriérois a annoncé qu’il soumettra une motion au prochain conseil municipal « pour demander des améliorations à ce système ». En attendant il invite ses administrés à manifester leur mécontentement auprès de GPSEO.
Sur la partie du tri sélectif, là encore les choses changent. Pour les zones les moins denses, le ramassage se fera deux fois par mois, et une fois par semaine dans les secteurs les plus peuplés. « On prévoit également l’implantation de points d’apports volontaires, là où ça semblera le plus judicieux, aux élus de les installer », dévoile Jean-Luc Gris.
Le vice-président de la communauté urbaine pose également les atouts d’un tel calendrier : « L’objectif étant de travailler aussi sur un niveau de service qui nous permettait de cibler des actions : la partie « peser embarquer » qui permet d’identifier, sur la commune de Triel par exemple, une détérioration sur la collecte des emballages recyclables. Et on pourra cibler des actions précisément alors qu’aujourd’hui on n’a pas ces éléments-là, ce qui fait qu’on applique à tous le même régime sans forcément tenir compte des habitudes des habitants. »
« Les rues de Conflans vont devenir des poubelles des dépôts sauvages un peu partout » s’inquiète Dominique de cette mesure. Un autre internaute craint, quant à lui, que les habitants ne prennent plus la peine de trier leurs déchets et profitent des collectes d’ordures ménagères, plus nombreuses, pour évacuer le maximum. Une inquiétude visiblement partagée et anticipée par Cédric Aoun : « Effectivement le risque est forcément plus important, là par contre ça va être les pouvoirs de police du maire et je vais renvoyer sur la police municipale de Triel et donc notamment la mise en place de tout ce qui est brigades vertes et de pièges photographiques, ce sont des choses qui sont actuellement à l’étude. »
Pour la collecte du verre, GPSEO souhaite également « généraliser » l’apport volontaire et arrêtera donc en conséquence progressivement le ramassage en porte-à-porte. « Si on le fait, c’est parce que les performances en terme de recyclage ne sont pas bonnes […] et au final ce verre-là, il repart à l’incinération parce qu’il ne peut pas être lu par l’équipement du centre de tri. Donc l’apport volontaire va permettre de valoriser mieux un matériau qui est recyclable à l’infini plus facilement que le plastique », justifie Jean-Luc Gris, le 8 décembre.
« Là par contre, c’est une vraie perte de service », relève Cédric Aoun qui avait déjà interpellé le président de GPSEO, Raphaël Cognet (LR) sur le sujet. « Ces divisions et cette suppression, sans aucune diminution de la Teom (taxe d’enlèvement des ordures ménagères, Ndlr) correspondante, ne sont pas acceptables sans compensations », écrivait-il dans un courrier daté du mois de juillet dernier. Lors de son live, l’édile regrettait qu’aucune ligne n’ait pu être bougée, les appels d’offres étant déjà validés. « On va juste pouvoir faire des avenants », souligne le maire triellois. Interpellé par ses administrés sur Facebook, Laurent Brosse indique également qu’il s’était opposé à ce projet « mais cela n’a rien changé ».
Avec actuellement 30 zones différentes, dont les taux varient de 4,04 à 11,25 %, la question de la taxation reste encore en suspens. « C’est un sujet qui avait été volontairement mis de côté pour le moment tant qu’on n’avait pas un service qui était harmonisé sur l’ensemble du territoire, confie Jean-Luc Gris. Maintenant on va rouvrir le sujet de façon importante, […] c’est-à-dire est-ce qu’on continue avec une taxe d’enlèvement des ordures ménagères, est-ce qu’on passe sur une redevance incitative, [ou] sur un système qui serait entre les deux, la loi nous permet une certaine souplesse, à nous de voir ce qui peut s’appliquer sur l’ensemble du territoire. »
Pour les élus, il s’agit d’un sujet épineux puisque la partie collecte, traitement, gestion des déchetteries, n’est pas entièrement financée par la Teom. « Cette compétence est déficitaire, il y a entre cinq et huit millions d’euros qui ne sont pas financés, explique Jean-Luc Gris. Il faudra qu’on trouve le bon curseur. »
(*) Les vingt-quatre communes restantes, allant d’Aulnay-sur-Mauldre aux Mureaux, en passant par Verneuil-sur-Seine et Aubergenville, n’appliqueront ce nouveau système qu’en 2022.
La collecte des encombrants désormais en porte-à-porte
Après une phase expérimentale menée depuis le 3 août 2020, la communauté urbaine étend et son service de ramassage des encombrants pour les 44 communes de moins de 2 500 habitants. Ces dernières bénéficient désormais d’une collecte des encombrants, « réutilisables ou recyclables », à domicile.
Ainsi les déchets comme le mobilier, la literie ou la ferraille sont pris en charge, dans la limite de 5 m³. « Ça va permettre de préserver un certain nombre de matériaux qui aujourd’hui ne sont pas valorisés et en mettre à disposition dans des ressourceries », lance, le 8 décembre, Jean-Luc Gris. Il s’agit aussi d’une réponse à l’augmentation de la taxe sur les activités polluantes calculée sur le nombre de tonnes enfouies ou incinérées. La prise de rendez-vous se fait par téléphone au 0 800 403 640, du lundi au vendredi de 10 h à 14 h et de 15 h à 18 h.
En revanche pour les communes plus grandes, la fréquence de collecte des encombrants elle aussi diminue. « C’est une grande baisse de service parce que là, trois fois par an ça va être très compliqué, il ne va pas falloir se tromper de jour de collecte », tonne une nouvelle fois Cédric Aoun. En réponse Jean-Luc-Gris indique : « On est aussi en train de réfléchir pour avoir des plages horaires plus importantes sur les déchetteries donc ça fera l’objet d’une modification d’ici 18 mois ».