Protocole fiscal : première étape vers la sortie de crise

Un protocole transactionnel a été signé entre les sept communes ayant réussi à faire annuler le pacte fiscal de 2016 et la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise, engendrant l’arrêt de tous les recours. Mais avant d’être appliqué, il devra être homologué par le tribunal administratif de Versailles.

Après plusieurs années de tensions et de recours judiciaires opposant sept communes (Andrésy, Chapet, Médan, Orgeval, Triel-sur-Seine, Vernouillet et Villennes-sur-Seine, Ndlr) sur les 12 de l’ancienne communauté d’agglomération des deux rives de Seine, à la communauté urbaine Grand Paris Seine Oise (GPSEO) autour du protocole fiscal, un protocole d’accord transactionnel semble avoir été trouvé. Il a été présenté et approuvé par le bureau communautaire, composé de l’exécutif de la communauté urbaine, et les sept communes requérantes qui se sont engagées à le présenter dans leurs conseils municipaux respectifs.

Lors de la séance du 11 février dernier, une délibération découlant de ce protocole portant sur « la fixation de la composante de neutralisation fiscale des attributions de compensation à compter de 2017 » a ainsi été présentée et votée à la très large majorité. Cependant, si les sept communes et GPSEO ont fait comme concessions réciproques d’abandonner les différents recours pendants devant les tribunaux portant notamment sur les attributions de compensation 2017 et 2018 et l’appel de cette décision, ce protocole transactionnel devra toutefois être avalisé par le juge administratif avant d’être mis en place.

Car depuis les fondements de la communauté urbaine au 1er janvier 2016, la question des relations financières entre les 73 communes et GPSEO « pourrit la vie communautaire », assure, lors d’une conférence de presse ce jeudi 11 février, le président de l’intercommunalité et maire de Mantes-la-Jolie, Raphaël Cognet (LR). La victoire des sept communes par décision du tribunal administratif de Versailles le 23 mai 2019, avait annulé le principe de neutralité fiscale et conduit à l’adoption d’un nouveau protocole dit de révision libre, encadrant la variation des attributions de compensations à plus ou moins 15 % du montant que les communes touchaient avant la fusion.

La signature de ce protocole transactionnel entérine ainsi cette révision libre, mais n’est pas sans conséquences sur les finances de certaines communes et de la communauté urbaine. Si pour 31 communes, la situation ne change pas, 12 d’entre elles se verront reverser 11,8 millions d’euros par GPSEO et 30 d’entre elles devront reverser à la communauté urbaine 3,4 millions d’euros, soit un delta de 8,4 millions d’euros pour GPSEO. Les sept communes de l’ex-CA2RS ont aussi renoncé aux versements de leurs attributions de ­compensation pour l’année 2017.

Dans les quatre conseils municipaux s’étant déjà déroulés, tous les maires ont assuré leur volonté de tourner la page de ce contentieux. « Si on s’était retrouvés tous seuls face à GPSEO on était morts, et surtout moi ce qui m’importait c’est l’avenir, les projets que nous allons avoir, assène lors de son conseil municipal le 4 février le maire de Villennes-sur-Seine, Jean-Pierre Laigneau (DVD). Je pense que c’est un bon accord. » Dans cet accord, « les attributions de compensation versées par la communauté urbaine à Villennes vont augmenter de 169 000 euros chaque année à compter de 2021, explique l’adjoint aux finances Adrien Perret. Villennes va toucher 169 000 euros par an sur la période de 2018 à 2020 sur trois ans, soit un peu plus de 500 000 euros pour solder le passé de ce contentieux. »

« Les discussions ont été menées depuis septembre jusqu’à il y a dix jours », abonde son homologue orgevalais, Hervé Charnallet (SE), lors du conseil municipal du 9 février dernier. Des discussions qui permettent à la commune de récupérer environ 405 000 euros sur la période citée. « Dans les comptes de la commune ça se traduit uniquement par un plus, rien n’avait été provisionné, rien n’avait été anticipé en disant nous attendons 200, 300 000 euros, ça avait été géré de façon très prudente », insiste-t-il.

À Vernouillet, le maire et également chargé de mission par GPSEO sur cette question, Pascal Collado (SE), explique à son conseil le 10 février : « Ce protocole repose sur un principe relativement simple, c’est nous appliquons la loi et strictement la loi qui est d’abandonner 15 % de nos allocations compensatrices, ce qui est quand même une somme non-négligeable pour Vernouillet puisque ça représente 182 000 euros par an […], en contrepartie nous récupérons 255 000 euros également à vie. »

Une homologation devrait au contraire rendre ce protocole transactionnel « plus robuste juridiquement », insiste pour sa part Raphaël Cognet. « S’il n’est pas homologué, écoutez, nous aurons fait le maximum et nous verrons ce que nous pouvons faire de plus mais là je n’aurais pas forcément d’idée », tranche-t-il.

Un point fait cependant tiquer son opposition, concernant la possibilité de formuler de nouveaux recours dans les années à venir. « L’impossibilité de recours qui est inscrite dans le protocole c’est, une fois que le protocole sera homologué par le juge administratif, qu’on ne peut plus attaquer l’objet des décisions et délibérations afférentes, précise l’édile vernolien. […] Ça n’opère absolument pas sur les possibilités de recours s’il devait y en avoir […]. La Ville garde de facto la possibilité pour les décisions à venir. […] Le protocole ne peut absolument pas entériner et limiter nos actions dans les années à venir. »

Cette impossibilité de recours s’applique ainsi aux différents représentants des communes requérantes. Une subtilité qui n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd à Andrésy. « Je ne suis absolument pas concerné par cet article et on verra la suite », tranche Denis Faist (DVC), ancien premier adjoint, désormais conseiller municipal d’opposition et également ancien compagnon de route de Pascal Collado sur cette question, lors de la précédente mandature. « La commune s’engage à ne plus faire de recours, en tant que conseiller municipal, même d’opposition, le juge fera obstacle après, en tant que citoyen, je ne sais pas », nuance toutefois le maire d’Andrésy Lionel Wastl (EELV).

Avec ce protocole transactionnel, Andrésy concède 557 000 euros au titre de l’année 2017, mais en récupère quatre fois la somme. « Cette délibération indique qu’il serait d’intérêt que la commune d’Andrésy solde le contentieux l’opposant à la communauté urbaine, fait remarquer Denis Faist. Je m’interroge sur ce qu’est cet intérêt ? Est-ce de renoncer à faire valoir la loi, en lésant ainsi les contribuables andrésiens, pour ne plus subir de chantage à la subvention, de chantage à la signature de documents nécessaires à la vie de la commune, à l’absence de travaux de voirie, à l’ostracisation des élus de notre ville, etc. »

La réponse de Lionel Wastl est courroucée. « On n’est pas là pour savoir si ce protocole est légal ou illégal, s’agace-t-il.[…] La nouvelle majorité veut sortir de cette ostracisation, on veut des investissements de voirie à Andrésy, on veut que le projet gare avance, que le projet urbain partenarial (en attente depuis 2019, Ndlr) soit signé et puisse financer l’extension de l’école Denouval. » Quant à la validation du protocole transactionnel par le tribunal administratif, Denis Faist émet quelques réserves. « Ce protocole n’entrera en vigueur qu’une fois l’homologation faite par une juridiction administrative. […] Ce sera [la] même que ce[lle] qui devra procéder à quelques vérifications avant de valider cet accord. Pensez-vous sincèrement que le tribunal administratif puisse valider la délibération sur les anciennes attributions de compensation définitives de 2017, alors qu’il a annulé les provisoires et que le montant de la neutralité fiscale est strictement identique ? »

En attendant cette décision qui devrait intervenir « avant l’été », selon Raphaël Cognet, les sept communes comme GPSEO ont en tout cas la sensation d’avoir réussi à tourner la page. En cas de non-homologation, « nous nous aurons fait notre travail et tenté de sortir de cette impasse », tranche le maire d’Andrésy. Une homologation devrait au contraire rendre ce protocole transactionnel « plus robuste juridiquement », insiste pour sa part Raphaël Cognet. « S’il n’est pas homologué, écoutez, nous aurons fait le maximum et nous verrons ce que nous pouvons faire de plus mais là je n’aurais pas forcément d’idée », tranche-t-il. « J’appelle de mes vœux un chapitre 2 de cette histoire commune basée sur une dynamique de solidarité, de travail partenarial à travers tout notre territoire et une volonté partagée de grandir et prospérer de manière ambitieuse et harmonieuse », souligne pour sa part Pascal Collado.

Désormais, un travail doit s’effectuer sur la répartition des paiements, l’application des 15 % entraînant des difficultés financières pour les communes concernées. « Nous souhaitons également au nom du groupe Ensemble pour GPSEO, compte-tenu des conséquences financières pour les budgets communaux, qui vont devoir pour certaines rembourser des sommes très importantes qu’un étalement des sommes dues soit possible sur plusieurs exercices budgétaires », demande ainsi Lionel Giraud (DVG), maire d’Issou et président du groupe Ensemble pour GPSEO. « On est en train de discuter sur les concessions, les délais de paiement, l’étalement dans le temps pour éventuellement n’assassiner personne, expliquait ainsi Raphaël Cognet en conférence de presse. C’est valable aussi pour ce que va donner l’agglo en direction des communes, la question se pose de la même façon pour l’agglo, on n’a pas huit millions d’euros à sortir cash comme ça. »

Crédits photo : CAPTURE ECRAN YOUTUBE – COMMUNAUTE URBAINE GRAND PARIS SEINE ET OISE