« J’ai vraiment le sentiment de vider la mer à la petite cuillère », le maire de Vernouillet, Pascal Collado (SE), ne cache pas sa colère quand il évoque les amas de déchets qui sont déposés chaque semaine dans les chemins de sa commune et, à plus forte raison, sur l’ensemble de la plaine agricole. Sur le plateau de Vernouillet, il n’est d’ailleurs pas le seul élu à faire ce constat. De Verneuil-sur-Seine à Médan en passant par Morainvilliers, tous déplorent l’attitude de ces entreprises peu scrupuleuses qui économisent les frais de déchetterie en vidant les résidus de leur chantier à l’abri des regards.
Face à ce fléau qui coûte très cher aux collectivités, ces dernières souhaitent agir « pendant qu’il est encore temps ». Pour nettoyer, surveiller et sanctionner, certaines envisagent ainsi de joindre leurs moyens pour créer une « brigade verte » itinérante sur les points noirs du secteur.
« La situation, elle n’est pas nouvelle parce que malheureusement la plaine agricole de Vernouillet subit ces agissements depuis de nombreuses années voire depuis de nombreuses décennies, dénonce Pascal Collado. Et ce qui est le plus problématique c’est qu’à peine on enlève un dépôt, qu’on a presque un nouveau camion qui arrive. »
Pour preuve, le 2 février, une promeneuse, rencontrée au niveau du chemin de Marsinval, signale qu’elle a remarqué la présence d’un tout nouveau dépôt de gravats dans le sentier qui relie le chemin à la route de Bures. « Ça a été nettoyé il y a seulement quelques semaines, ce tas-là ça doit faire deux trois jours qu’il est là », s’énerve cette habituée des lieux. La sente est visiblement un lieu bien connu des pollueurs puisque au même endroit, en juin 2018, la caméra embarquée du service Google Maps avait déjà capturé un important tas de tôles en tous genres, déposé cette fois à l’entrée du chemin.
« En nous promenant dans la plaine des Hauts de Vernouillet, nous constatons régulièrement des dépôts de plastiques, bâches, appareils ménagers, couches pour bébés, canettes de bière ou masques usagés… », énumère cette fois un couple de riverains domicilié rue des Epinettes. Ces dépôts se faisant généralement sur des chemins communaux, il revient ainsi aux communes de supporter le coût du nettoyage. Rien que sur les douze derniers mois, la ville de Vernouillet a dépensé environ « 80 000 euros » rien que pour enlever les près de 145 tonnes de déchets abandonnés dans la plaine agricole.
« Il y a une exaspération très claire et très forte, à juste raison, de la population, qui ne peut plus accepter de ne pas pouvoir profiter des espaces naturels à cause des dépôts sauvages », rapporte l’édile vernolitain qui voit la situation s’empirer chaque semaine. À l’entrée des bois de Verneuil, dans le domaine de Marsinval, Jean-Pierre Grenier, le président de l’association Bien vivre à Vernouillet, partage également ce constat.
Ce mardi 2 février, il vient constater les derniers dépôts qu’on lui a signalé. Ici la terre est jonchée de tuiles et de carreaux de plâtre. « Le plus grave c’est qu’on retrouve souvent des tas amiantés parce que le transport et l’enlèvement de ce type de déchets sont soumis à une réglementation spécifique, fait remarquer Jean-Pierre Grenier en enjambant successivement bois morts et siège de voiture. Laissés là, dans les ronces, ça crée des dommages colossaux sur les sols et sur les espèces végétales. »
Pour anticiper plus efficacement de la naissance de ce type point noir, la Ville a lancé un partenariat avec l’association Déchargeons la plaine, qui a l’expertise de l’ancienne mer des déchets de Carrières-sous-Poissy. « L’objectif, grâce à l’application, dont on soutient le développement, c’est de pouvoir mieux identifier et suivre les dépôts sauvages, d’avoir un meilleur retour à la population sur les actions qu’on fait, explique Pascal Collado. Nos services municipaux peuvent être plus facilement mobilisés par cette application, même si la portée est limitée, un moment ou un autre on ne pourra pas être partout. »
Et c’est principalement pour cette raison que l’édile souhaite s’associer à certaines communes voisines afin de créer un dispositif de « brigades vertes », c’est-à-dire des patrouilles de gardes-champêtres dédiées à la question des dépôts sauvages qui pourraient naviguer entre les zones rurales.
Au début du mois de février les premières esquisses de ce projet ont été dessinées avec les communes de Verneuil-sur-Seine, Médan, Chapet, Villennes-sur-Seine, Morainvilliers et Orgeval. Si les quatre premières semblent séduites par l’idée, du côté des deux autres, on envisage plutôt une solution alternative « plus adaptée au territoire ».
« C’est un outil qui permet de lutter,certes, contre les dépôts sauvages et même de faire de pouvoir faire de la prévention et de la sanction, détaille Fabien Aufrechter (LREM), le maire de Verneuil-sur-Seine. Ça va concerner en particulier les abords de la forêt, de la base de loisirs mais aussi dans certains espaces quasi-urbanisés comme celui des Clairières. C’est un dispositif qui est à mes yeux essentiel. »
« Je ne donnerai pas suite, c’est trop compliqué au niveau de la définition du périmètre, indique quant à elle, Fabienne Devèze (SE), la maire de Morainvilliers. On a la chance que ce problème soit encore marginal dans notre commune même s’il vaut toujours mieux agir en prévention que trop tard. Je pense qu’on ne coupera pas à de la création de poste, on va voir comment nous pouvons adapter ça à nos besoins. » Sachant que la commune d’Orgeval semble partager le même point de vue, l’élue n’exclut pas de poursuivre la réflexion avec celle-ci qui semble plus en phase avec ses problématiques.
Concernant le nombre de « gardes-champêtres » qui pourrait composer ces « brigades vertes », cela reste à définir en fonction de l’investissement total que pourront mobiliser les quatre communes. « Le budget prévisionnel, optimiste, d’investissement et de fonctionnement a été fixé à 370 000 euros annuels », confie-t-on dans l’entourage de Pascal Collado.
De même, la participation de chaque commune n’est pas encore définie. « C’est quelque chose qui se fera au prorata soit du nombre d’habitants, soit des surfaces agricoles et naturelles à surveiller, soit une combinaison de tout ça, il y a plusieurs possibilités qui ont été mises sur la table », avance la maire de Médan, Karine Kauffman (SE). Cette dernière voit en cette collaboration l’opportunité de trouver une solution cohérente pour le plateau.
« Aujourd’hui on ne sait pas comment se débarrasser de ce fléau national, on a bien le sentiment de ne pas être tout seul dans ce cas-là, néanmoins, on est très seul dans les solutions », juge-t-elle en précisant que sa commune consacre entre 5 000 et 10 000 euros par an à l’enlèvement des dépôts sauvages.
« Sur l’aspect de la répression, c’est quelque chose qui est travaillé de façon conjointe, puisque de fait les dépôts sauvages ne se limitent pas qu’à Vernouillet et quand on agit sur un secteur ça peut avoir des conséquences sur les villes limitrophes », ajoute Pascal Collado. Lui-même avoue avoir le sentiment d’être davantage touché depuis la fermeture et le nettoyage, par le Département, de la plaine de Carrières-sous-Poissy.
Pour l’élu, il est probable que les camions qui déchargeaient autrefois dans la mer des déchets aient changé d’itinéraire. « Ce n’est pas du tout pour contrebalancer ce qui est fait ailleurs, mais je ressens quand même une augmentation des dépôts liée à cette action », avance-t-il.
Interrogé d’ailleurs sur une possible participation du Département, dont le tracé de son projet de contournement de la RD154 traverse la plaine de Vernouillet, au nettoyage, Pascal Collado insiste : « Notre action n’est pas conditionnée aux partenaires, même s’il est vrai que le Département a énormément agi sur la plaine de Carrières. » De son côté, le Département assure qu’il pourrait prendre, si besoin dans le cadre du chantier, à sa charge le nettoiement des secteurs concernés par le tracé de son projet routier.
Carrières-sous-Poissy réclame 80 millions d’euros « en réparation du préjudice écologique »
Après avoir déposé une plainte contre X pour pollution aux métaux lourds dans l’ex-plaine maraîchère, la Ville s’est désormais constituée partie civile dans cette affaire. Avec cette démarche, le maire, Eddie Aït, réclame près de 80 millions d’euros en guise de « réparation » pour l’épandage des eaux usées de la ville de Paris dans sa commune.
« Je compte sur la justice pour faire appliquer le principe du pollueur-payeur dans cette affaire », explique l’édile carriérois jeudi 18 février par communiqué de presse. Eddie Aït espère ainsi que l’instruction permettra « de trouver le ou les responsables de cette pollution endémique qui a complètement hypothéqué la vocation agricole de cette plaine, déséquilibré la faune et la flore de notre territoire et mis en danger la vie de nos habitants ».
Pour la Ville, les quelque 79 111 509 euros réclamés au titre du préjudice écologique correspondent plus précisément aux compensations pour la perte de taxe générale sur les activités polluantes, coûts de confinement et d’évacuation des terres polluées, frais de travaux de dépollution, pertes de taxe foncière et de taxe d’habitation, « et préjudice moral ». Pour rappel après l’année 2 000, les terres agricoles de la plaine sont devenues inexploitables et inconstructibles.
La municipalité a d’ailleurs installé, en octobre 2020, une commission extra-municipale qui sera amenée à travailler sur le devenir et le développement de l’ex-plaine maraîchère.