Le numérique, nouvel outil de campagne électorale

Les scrutins des élections départementales et régionales auront lieu les 20 et 27 juin prochains. Alors que les contraintes sanitaires sont toujours en vigueur, bon nombre de candidats se tournent vers les réseaux sociaux pour faire campagne, tout en maintenant les tractages.

« Ils nous ont sorti des consignes générales et on s’adapte. » Le 7 mai dernier, la maire de Chanteloup-les-Vignes et candidate à sa réélection dans le canton de Conflans-Sainte-Honorine, Catherine Arenou ( DVD) évoquait la nécessaire adaptation des candidats pour les élections régionales ou départementales, dans un contexte de crise sanitaire bouleversant les codes. Les candidats interrogés par La Gazette ont tous pointé le recours aux réseaux sociaux et le besoin de réinventer cette campagne électorale, en suivant le protocole édicté par le ministère de l’intérieur. Mais ils s’inquiètent également de l’abstention et d’une possible confusion, les deux élections se déroulant en même temps les 20 et 27 juins prochains.

Publié ce 19 mai, ce protocole sanitaire adressé aux candidats suit, comme le déconfinement au niveau national, plusieurs étapes et précise les modalités d’organisation des réunions électorales. Jusqu’au 8 juin, « en espace clos et couvert, la tenue de réunions électorales est autorisée, sous réserve du respect d’une jauge d’accueil de 35 % », détaille ainsi ce protocole, qui précise que les participants à ces réunions devront « être assis et respecter une distance physique d’au moins un mètre entre chaque personne avec port du masque ». Ces règles s’appliquent aux réunions en plein air, quand il est possible d’identifier une capacité maximale. Dans le cas contraire, le strict respect des gestes barrières est demandé. Entre le 9 et le 29 juin, cette jauge maximale sera portée à 65 %.

Des conditions qui ont encouragé les candidats à organiser des meetings virtuels, à l’image de la présidente de la Région, candidate à sa réélection, Valérie Pécresse (Libres!). « Qui aurait imaginé, en période Covid, de faire un meeting de lancement de campagne de 4 000 personnes ?, s’interroge-t-elle au soir du lancement de sa campagne, en direct sur Zoom le jeudi 6 mai. Alors oui, certains pensaient que c’était impossible de faire campagne en Covid, vous prouvez qu’on peut le faire ! » Lors de cette soirée, elle appellera également ses soutiens à se montrer offensifs : « Allez convaincre, allez partout : sur les marchés, dans les écoles, dans vos zooms, sur vos tchats. »

Un changement de méthode est aussi à noter du côté de la majorité départementale Ensemble pour les Yvelines (EPY), emmené par le président sortant et candidat dans le canton de Mantes-la-Jolie, Pierre Bédier (LR). « Le samedi 1er mai dernier, la réunion d’investiture de l’EPY qui se tient traditionnellement à huis clos, s’est déroulée en direct depuis les 21 cantons yvelinois […] grâce à l’utilisation combinée d’un logiciel de visioconférence, d’une plateforme de streaming et des réseaux sociaux », fait-elle savoir dans un communiqué de presse. Le 9 mai dernier, il était possible pour les utilisateurs de Facebook de suivre en direct les candidats dans leurs opérations de tractage.

« J’aurais préféré vous avoir devant nous, vous savez, ces soirées de lancement de campagne où dans les Yvelines en général on se retrouve au Palais des congrès de Versailles et puis et vous êtes là et vous êtes présents et il y a tous ces drapeaux qui s’agitent », regrette Ghislaine Senée (EELV), conseillère régionale et tête de liste yvelinoise de l’Ecologie évidemment. Elle aussi a fait un lancement de campagne virtuel, via Facebook, le 4 mai dernier.

La responsable de section du PS Michèle Christophoul constate l’impact du télétravail : « Moi qui ai l’habitude de tracter ici c’est vrai que je suis surprise qu’on ne voit pas grand monde. »

Si elle est consciente de toucher les jeunes électeurs, plus habitués à ces modes de communication, elle en souligne les limites par rapport aux actions de terrain. « Pour nous c’est assez frustrant et puis on va sur le terrain mais on est toujours en petit comité, […] dans le pavillonnaire c’est encore possible, on parle dans le jardin mais en faire [du porte-à-porte] dans les immeubles bien évidemment que non, tant pour les équipes que pour les personnes, détaille-t-elle. C’est très frustrant parce que normalement, ce sont ces moments-là où on est sur le terrain qu’on peut élaborer, ­co-élaborer, entendre les ­critiques… »

Pour la tête de liste socialiste yvelinoise et adjointe muriautine, Diyenaba Diop, un équilibre est à trouver : « Je crois que c’est aussi à nous de nous adapter avec de nouveaux formats : vidéos tutoriels, mais ça pousse à se réinventer en tant que candidat, c’est d’autres formes de militantisme. » Pour autant, d’autres méthodes plus traditionnelles ne sont pas proscrites par le protocole sanitaire mis en place. « Le contexte ne va pas nous empêcher de distribuer les tracts dans les marchés », assure le maire de Conflans-Sainte-Honorine et binôme de Catherine Arenou, Laurent Brosse (DVD). Des opérations qui permettent selon lui de faire de la pédagogie auprès des électeurs : « L’autre contexte particulier c’est quand même la concomitance des élections régionales et moi j’espère qu’il n’y aura pas de confusion. »

« On va faire de la politique à l’ancienne, du boîtage, on va tracter, lance l’adjoint muriautin et candidat PS pour le canton des Mureaux, Boris Venon. Il va quand même falloir convaincre sur le terrain. » Mais là aussi, la crise sanitaire ne facilite parfois pas la tâche, tant les habitudes ont été bouleversées. En tractage pour les élections régionales le 30 avril dernier à la gare de Vernouillet-Verneuil, la responsable de section du PS, Michèle Christophoul, constate l’impact du télétravail : « Moi qui ai l’habitude de tracter ici c’est vrai que je suis surprise qu’on ne voit pas grand monde. […] Il y a très peu de monde par rapport à ce qu’on voit habituellement. Même du côté des autres listes pour l’instant on n’a pas vu grand chose à part des affichages. »

De nombreux candidats reconnaissent en effet que la campagne, pour l’une ou l’autre des élections, n’a pas encore démarré. Et beaucoup craignent également l’abstention, mêlant incompréhension, lassitude et envie de passer à autre chose. « J’ai milité depuis quasiment le mois de septembre pour qu’on dissocie les deux élections, rappelle le maire DVD de Poissy, Karl Olive, candidat à sa réélection lors des départementales. […] Ça va être Koh-Lanta pour organiser les élections pour les collègues, et ça va être Recherche électeurs désespérément pour faire venir justement les électeurs dans les urnes parce qu’aujourd’hui, je pense que les Français ont autre chose à penser que les élections, nous on ne nous parle pas d’élections sur le terrain, on nous parle vaccination et comment remplir le frigo. »