Les lycéens confrontés aux fausses informations et aux réseaux sociaux

Le dispositif Dés-Infox a été lancé le 28 septembre auprès d’une classe de 2nde du lycée Jules Ferry. Les adolescents ont notamment travaillé sur les mécanismes de l’information.

Le 28 septembre dernier, la MJC-Les Terrasses a été le théâtre d’un dispositif particulier. Développé depuis deux ans par la Confédération des MJC (maisons de la jeunesse et de la culture) de France, Dés-Infox, outil d’éducation aux médias et à l’information, a été utilisé pour la première fois par une classe de 2nde du lycée Jules Ferry. Divisés en deux groupes, chacun avec une animatrice, les adolescents ont travaillé sur les différents mécanismes de fabrication et sources de l’information. Une attention particulière a été portée sur l’usage des réseaux sociaux.

« On avait un outil qui s’appelle Comprendre pour agir contre la haine, […] et on abordait un tout petit peu la question des fake-news et des réseaux sociaux, rappelle de l’historique Nadia Benichou, directrice du réseau des MJC du Rhône et de l’Ain et co-conceptrice de Dés-Infox. On s’est rendus compte à l’usage […] [qu’]on n’était pas si armés que ça sur ces questions-là donc en fait on a décidé de se doter d’un outil complémentaire et dont l’objet serait vraiment comment on sait qu’une information est une fake-news ou pas et surtout quelle émotion elle nous provoque. »

« J’ai appris qu’il ne faut pas se fier qu’à ce qu’on dit en fait, analyse Ilan, 15 ans. Si on m’envoie quelque chose sur les réseaux, j’ai tendance à croire que c’est vrai. […] Je me dis que s’il l’a vu c’est que c’est vrai et je ne vérifie pas. » Avec ses camarades, pendant une heure et demie, Ilan a notamment appris à classer les différentes sources selon leur crédibilité, des on-dit à la parole d’expert, en passant par les ­témoignages et les études scientifiques.

Et pour appuyer les différences d’interprétation, Nadia Benichou va se baser sur deux Unes réalisées par les lycéens en toute fin d’atelier. « Vous avez deux articles différents, avec la même information, une explosion à la piscine, indique-t-elle. Vous aviez chacun des témoins qui vous disaient la même chose et d’autres qui vous disaient des choses différentes. »

La première Une a pour titre « Attentat chimique à la piscine : les collégiens traumatisés », la seconde « Accident de gaz à la piscine ». Des différences que l’animatrice explique : « Chaque journaliste a une sensibilité, a des émotions, ils ont un angle de vue, ils voient des témoins que d’autres ne voient pas, ils ont des informations différentes, et un même témoin peut ne pas avoir vu la même chose et ne pas en retenir la même chose. »

« J’ai appris qu’il ne faut pas se fier qu’à ce qu’on dit en fait, analyse Ilan, 15 ans. Si on m’envoie quelque chose sur les réseaux, j’ai tendance à croire que c’est vrai. […] Je me dit que s’il l’a vu c’est que c’est vrai et je ne vérifie pas. »

Les élèves avaient déjà été sensibilisés en amont sur cette question. « Je leur avais montré une fake news qui avait été lancée par un internaute sur Twitter, comment il avait réussi à manipuler l’image pour faire passer son message, quels étaient les moyens qu’il avait utilisé et quels étaient les moyens pour eux de déchiffrer cette fake news pour ne pas tomber dans le panneau », souligne Victor Krivine, professeur d’histoire-géographie. Élements de linguistiques, mais aussi historiques sont déployés par le dispositif, afin de donner des clés de compréhension. « Cela leur permet de comprendre que le monde est complexe, qu’une vérité assénée comme ça n’est pas forcément une réalité et qu’en plus les vérités changent dans le temps », appuie Nadia Benichou.

 

Pour autant, lancer Dés-Infox à Conflans-Sainte-Honorine n’avait rien d’un hasard pour Nadia Bénichou, la commune ayant été le théâtre de l’assassinat de Samuel Paty le 16 octobre 2020. L’enseignant avait été accusé sur les réseaux sociaux de stigmatiser la communauté musulmane dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression. « C’était le coeur du problème effectivement [les réseaux sociaux], estime-t-elle. Comment une information diffusée sur les réseaux sociaux amène à la mort de quelqu’un ? » Un raisonnement que reprend Alexis, lui aussi élève de 2nde : « Ils essaient de nous sensibiliser pour éviter que des évènements comme ça ne se reproduisent. C’est quand même grave ce qui est arrivé, personne ne mérite de subir ça, donc il faut éduquer les ­populations. »

Pour Matteo, ce dispositif devrait être présenté « au moins une fois dans le parcours scolaire ». La Confédération des MJC espère d’ici quatre ans former 100 000 animateurs à ce dispositif. « Globalement ça fait 5 à 600 000 jeunes qui vont avoir vu l’outil d’ici quelques années », complète Nadia Benichou.