Raphaël Cognet « est le maire de Mantes désunie »

Alors que l’élection municipale partielle se profile, Pierre Bédier (LR), président du Département et conseiller municipal mantais, revient sur sa relation avec le désormais ex-maire, son attachement pour la ville, et le devenir de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO).

Pourquoi avoir choisi d’entrer en guerre ouverte avec Raphaël ­Cognet ?

Je me suis interrogé. Est-ce que tu fais comme si tu ne voyais pas qu’il est inapte à la fonction de maire ? Que tu considères que ce n’est pas ton problème ? Ou, alors que tu portes un amour immodéré à cette ville avec sa part d’irrationalité, tu n’es pas obligé que cette ville ait un autre maire et que c’est la seule façon d’arriver à faire que les choses se fassent ?

J’ai estimé en mon âme et conscience, que je devais ça à Mantes-la-Jolie, que l’amour que je porte à cette ville m’obligeait à le faire. Mais c’est totalement inconfortable pour moi. Une fois de plus, je passe pour un méchant et je n’ai aucun plaisir à passer pour un méchant, ça ne m’amuse pas. Mais je devais ça à Mantes et aux Mantais.

En démissionnant, Raphaël Cognet a indiqué vouloir retrouver une certaine indépendance…

Il a toujours été indépendant. Quand Raphaël Cognet qui voulait être député, en 2017, il avait monté un groupe de travail contre Cécile Dumoulin (pressentie à l’époque pour être candidate, Ndlr). [Au vu des résultats de la présidentielle] je pense que le meilleur des candidats serait le maire de Mantes-la-Jolie parce qu’il viendra avec un électorat, qui vote pour son maire, […] parce que Michel était un maire apprécié […]. Et de ce fait je demande à Raphaël s’il ne serait pas plus intelligent de commencer par être maire pour s’inscrire dans la durée, apprendre, pour ensuite s’il le veut parce que Michel est comme moi, il n’est pas éternel, éventuellement devenir député, mais en ayant capitalisé les connaissances qui lui permettraient de devenir député.

Il y avait donc un plan de carrière convenu entre vous ?

Raphaël Cognet était 17e sur la liste de 2014. Il n’a jamais été fléché comme étant le successeur, ce sont les hasards de la vie qui ont fait que ça s’est passé comme ça. […] On me parle de déni de démocratie de vouloir faire voter le conseil municipal pour élire un maire. Quand Monsieur Cognet est devenu maire en 2017, on a donc fait un déni de démocratie, il aurait du à ce moment-là le refuser puisqu’il est maintenant convaincu que ça l’est.

Vous lui reprochez de ne pas avoir su gérer les dossiers ­emblématiques de la Ville ?

Quand monsieur Cognet dit l’Anru c’est réglé, Coeur de Ville c’est réglé, il ment sur les deux points. C’est-à-dire que les deux grands dossiers, ceux qui doivent changer Mantes, sont des coups de com. […] Nous sommes en train de signer un protocole Anru, dans lequel il y a des engagements de la communauté urbaine qu’elle ne peut pas tenir puisque la communauté urbaine n’a pas l’argent. Le protocole qui a été préparé par la communauté urbaine est un faux, par la force des choses.

Fin 2019, Raphaël Cognet démissionne de la présidence du conseil de surveillance des Résidences Yvelines-Essonne. Y avait-il des tensions autour de la réhabilitation de la Croix-Ferrée ?

Quand Monsieur Jammet accuse monsieur Cognet d’avoir voulu changer le peuplement de la Croix-Ferrée, c’est vrai, monsieur Cognet l’a dit. Il l’a dit dans son bureau, un lundi matin, devant le DGS, devant le député, devant le premier adjoint et devant l’adjoint à l’urbanisme qui peuvent en témoigner, il l’a dit : je veux changer le peuplement. Et je lui ai dit : « monsieur le maire, un c’est illégal […] deux c’est stupide politiquement parce que ce sont des gens qui te sont favorables et troisièmement, c’est ça le plus grave, c’est immoral, on ne chasse pas les pauvres ». Notre première divergence démarre là.

Et donc nos relations se sont dégradées au fur et à mesure du temps, parce que je voyais bien que nous n’avions pas la même vision de la Ville. Je suis pour Mantes unie et je vois bien que lui n’est pas dans ce raisonnement. […] Lui il est le maire de Mantes désunie et ça c’est pour moi rédhibitoire.

Pourquoi votre choix s’est porté sur Jean-Luc Santini ?

Jean-Luc n’a jamais aspiré à être maire, il ne me l’a jamais dit et quand le choix s’est fait il a été extrêmement tourmenté de me dire oui. J’ai dit Jean-Luc il n’y a que toi qui peut y aller parce qu’il n’y a que toi qui a l’expérience pour finir ce mandat et pour le finir au mieux des intérêts de Mantes. […] Notre seul intérêt c’est les Mantais et Mantes, on n’en a pas d’autres.

Pendant ce temps, comme la loi le prévoit, Sidi El Haimer fait l’intérim. Certains réclament sa ­démission suite à sa mise en ­examen.

Je suis meurtri de ce qui lui arrive, parce que Sidi est un garçon d’une gentillesse fondamentale et d’une honnêteté absolue. Sidi, il est astucieux, il sait trouver des solutions et trouver des compromis, il est d’une grande subtilité et fondamentalement c’est un homme droit et honnête. Je ne crois pas un seul instant que Sidi ait trempé dans quoi que ce soit.

[…] Quand [Raphaël Cognet] dit que Sidi El Haimer a refusé de démissionner, il ne lui a jamais posé la question, jamais. Et quand je vois les mensonges de Monsieur Cognet et ce que me dit Sidi El Haimer je suis obligé de croire monsieur El Haimer qui ne m’a jamais menti, alors que monsieur Cognet me ment à chaque fois qu’il me parle.

Dans son édition du 12 janvier, Le Canard enchaîné, indique que vous semblez souhaiter une élection municipale partielle en ­septembre. Qu’en est-il ?

C’est impossible, légalement. J’ai été consulté par le préfet et j’ai dit deux choses. Premièrement, la communauté urbaine est en état de mort cérébrale, est-ce qu’il est normal que le président de cette communauté urbaine démissionne, alors qu’il a la possibilité de faire voter la nécessaire augmentation des impôts, qu’il ne veut pas assumer devant les Mantais et il va vouloir faire croire que c’est à Santini, El Haimer et Bédier de l’assumer, parce que nous sommes conseillers communautaires. C’est une manœuvre politicienne qui peut entraîner si le budget n’était pas voté dans les bonnes conditions, la mort de la communauté urbaine.

Deuxièmement, je considère pour ma part, puisque campagne électorale il va y avoir, il faut tenir compte de la situation sanitaire. Qu’on vienne m’expliquer comment on peut faire une campagne électorale puisque ça ouvrirait tout de suite, alors qu’on ne peut même pas tenir debout dans un bar. […] Je pense donc pour ma part qu’il faut faire une élection partielle très vite, avant l’été, entre l’élection présidentielle et l’élection législative. Le gouvernement fait ce qu’il veut, mais si on a un gigantesque cluster à Mantes, il prendra ses responsabilités. Une campagne électorale ça ne se fait pas depuis son canapé en faisant des vidéos, ça se fait au contact des gens et en leur expliquant que ce n’est absolument pas une querelle personnelle. Monsieur Cognet pense à lui d’abord, à Mantes et aux Mantais ensuite.

Comme pour les départementales, la campagne risque de se cristalliser autour de vous, qu’en pensez-vous ?

Rassurez tout le monde, je n’aspire qu’à la retraite. J’aimerais moins travailler, j’aimerais bien m’occuper plus de mes petits-enfants, j’aimerais bien faire plus la cuisine pour mes enfants, j’adore ça. Mais je remplirai mes devoirs pour Mantes et les Yvelines jusqu’au bout. Je considère que c’est mon devoir […]. Je n’ai pas vocation à redevenir maire de Mantes, pas plus qu’à contrôler la ville de Mantes, je n’ai pas vocation à être dictateur des Yvelines […].

Quand je suis arrivé ici à Mantes-la-Jolie, personne ne peut comprendre ce que j’ai ressenti. Je me suis senti investi d’une responsabilité. Le premier meeting que j’ai fait pour les municipales de 1995 sous forme de diner-débat avec comme orateur principal Franck Borotra (président du Département de 1994 à 2005, Ndlr) a rassemblé 800 personnes. Cette ville était tellement fracturée, il fallait la ressouder. Cette ville était dans le désespoir absolu et j’ai noué avec elle et ses habitants une relation amoureuse passionnée.

Je ne peux pas laisser partir cette ville dans le mur. Or elle va dans le mur. Croyez-moi, je m’en veux d’avoir confié le volant à un piètre conducteur.

On connaît donc vos préférences pour la mairie, qu’en est-il au ­niveau de la communauté urbaine ?

Le groupe majoritaire qui s’est réuni jeudi soir a choisi à l’unanimité de présenter Cécile Zammit-Popescu. J’ai cru comprendre que l’ensemble des groupes politiques, mais c’est à eux de le dire, était d’accord pour reproduire le consensus politique que j’avais à l’époque initié […] pour éviter ce que nous avions connu dans la ­précédente mandature.

Cécile a accepté, le bureau va rester sans doute à peu près identique, il va y avoir sans doute un changement de délégations, parce qu’elle veut réorganiser un peu les choses, c’est légitime […] Elle aussi c’est une femme qui donne parfois une impression un peu austère parce qu’elle est extrêmement sérieuse et travailleuse. c’est une femme droite et totalement imprégnée de l’intérêt général. Elle a de l’expérience, elle a redressé la Ville de Meulan de façon spectaculaire […] Ce sera entre nous une relation ­harmonieuse.