Élections municipales : la proposition de loi qui ne passe pas dans les villages

Adoptée jeudi 3 février à l’Assemblée nationale, la proposition de loi prévoit de modifier le mode de scrutin dans les communes de moins de 1 000 habitants.

C’est un texte de loi qui n’a pas fini de faire débat et en particulier dans les Yvelines. Jeudi 3 février, les députés ont adopté, en première lecture, une proposition de loi visant à généraliser le scrutin de liste, avec une obligation de parité, dans les communes de moins de 1 000 habitants. Si la mesure, prévue pour s’appliquer dès les prochaines élections municipales en 2026, a reçu l’aval des différentes associations de maires, d’irréductibles villages yvelinois s’y opposent pourtant farouchement, les élus pointant une mesure « en décalage avec la réalité rurale ».

Adoptée par 105 voix contre trois dans l’hémicycle, la proposition de loi d’Élodie Jacquier-Laforge, députée Modem de l’Isère, semblait pourtant faire consensus. Et pour cause, l’ambition de cette dernière est louable : établir la parité dans chaque conseil municipal de France, y compris dans les plus petites ­mairies rurales.

La proposition de loi MoDem prévoit ainsi d’abandonner le scrutin majoritaire plurinominal en place, et que, pour se présenter, les candidats devront obligatoirement se réunir sur une liste comportant autant d’hommes que de femmes. Une contrainte qui inquiète de nombreux élus yvelinois comme le prouve le courrier envoyé fin janvier par l’association des maires ruraux des Yvelines (AMR 78) à la présidente de la commission des lois constitutionnelles, Yaël Braun-Pivet (LREM).

Dans ce dernier, l’association présente un sondage effectué auprès de ses adhérents. Parmi les 35 répondants, « dont 25 communes totalisant moins de 1 000 habitants », l’association fait savoir que « 76 % » ne sont pas favorables au scrutin de liste paritaire. Pour les maires interrogés par La Gazette, ce changement viendrait compliquer encore davantage la recherche de candidats.

« C’est une idée à la cornecul d’un député hors-sol qui n’a jamais mis les pieds dans le rural, dénonce le maire de Jambville, Jean-Marie Ripart (SE). Quand on sait qu’on a déjà énormément de mal à trouver des volontaires, si en plus on impose la parité dans un scrutin de liste, ça va vraiment devenir très compliqué. Ce n’est pas être misogyne, sectaire ou conservateur mais être pragmatique et voir la réalité en face. »

Dans son courrier, l’AMR78 invite le législateur à « faire confiance aux élus de terrain » pour arriver progressivement vers la parité sans passer par le scrutin de liste. « L’histoire de la parité c’est très inégal selon les territoires, appuie de son côté Bruno Millienne, député MoDem de la neuvième circonscription des Yvelines qui n’a pas voté la proposition de loi née de son groupe politique. Si on prend mon territoire, on doit être à 44,5 % en termes de parité dans les communes de moins de 1 000 habitants, donc il n’y a pas de réelle nécessité, en tout cas pour nous, à être au scrutin de liste pour avoir la parité. »

Même si localement les femmes ne sont pas totalement absentes du paysage politique rural, reste que, parmi la trentaine de communes de moins de 1 000 habitants qui composent la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO), seules quatre sont aujourd’hui dirigées par une femme.

« Ce qui est compliqué c’est d’avoir des femmes qui s’engagent alors qu’elles ont des enfants, un travail, comme les hommes envie de faire du sport, de faire pleins de choses et en plus je pense qu’il n’y a pas encore partout la parité à la maison… », analyse la conseillère déléguée de la communauté urbaine et maire de Guerville, Evelyne ­Placet (SE).

Mixité mise à part, la question du pluralisme politique fait également débat. Pour Cédric Szabo, le directeur de l’association des maires ruraux de France (AMRF), qui plaide pour le scrutin de liste, celui-ci permettra de « consolider les communes, de travailler avec un projet et une majorité clairs mais également à l’opposition de se structurer ». À l’inverse, les élus locaux, estiment eux, qu’il n’y aura souvent qu’une seule liste candidate, et ce, même si le projet de loi autorise le dépôt de liste incomplète.

Ils regrettent également la perspective d’abandonner la pratique du panachage, qui veut que l’électeur puisse rayer certains noms. « Dans les villages comme le nôtre, on connaît les gens pour qui on vote […] donc ça permet aussi à l’élu qui a reçu le moins de voix de se remettre en question sur son action », observe le maire d’Evecquemont, Christophe Nicolas (SE). Pour l’heure, l’avenir du texte de loi reste encore très incertain puisqu’avec le calendrier électoral, celui-ci ne devrait pas revenir à l’Assemblée nationale avant la ­prochaine législature.