Programme Leader : un renforcement des liens urbains et ruraux attendu

Bien que cette volonté du programme européen soit plutôt appréciée des représentants du monde agricole, ils espèrent surtout des financements de projets concrets pour leurs activités respectives.

« Agriculture et alimentation », « ressources naturelles et économie circulaire », « attractivité territoriale » et « offre de services de proximité en milieu rural ». Bien que leurs noms ne soient pas encore définitifs, ces quatre axes sont néanmoins ceux qui sont envisagés par l’Association pour le développement agricole durable en Seine aval (ADADSA) pour répondre à l’appel à projets émis par la Région pour le programme européen 2023-2027 de liaison entre l’action et le développement de l’économie rurale (Leader). Le 9 mai, lors de la présentation du bilan 2014-2020 de ce programme, l’association présente sur 66 des 73 villes de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO) a rappelé l’objectif, en Île-de-France, de rapprocher les mondes urbains et ruraux.

« On finance par ces fonds européens dans les régions autres que l’Île-de-France plutôt l’aménagement des bourgs ruraux, plutôt des cabinets médicaux, plutôt des commerces de proximité, ce genre d’infrastructures alors que nous, en Île-de-France, nous essayons, et c’est une particularité, de financer plutôt des programmes qui relient les habitants de ces zones métropolitaines à l’agriculture, aux espaces ruraux et aux espaces naturels et paysagers », explique, de l’appel à projets, la présidente de l’ADADSA et sénatrice LR des Yvelines, Sophie Primas.

Cette particularité avait notamment permis à Victoria Hutton, propriétaire d’un gîte équestre aux Alluets-le-Roi, de bénéficier du programme Leader. Comme le relatait La Gazette en avril 2021, le gîte, ouvert en janvier 2021, a bénéficié d’une aide de « 30 000 euros » dans le cadre du programme Leader. Le lieu, qui peut accueillir jusqu’à dix personnes, est ouvert aux randonneurs équestres, aux familles et aux enfants confiés à des éducateurs pour des séjours de rupture.

« J’avais une grosse maison, il y avait des vieilles écuries au fond du jardin et je voulais les transformer en gîte […]. J’ai eu la chance d’avoir cette aide là pour développer le projet. J’ai pu faire un gîte qui tourne, c’est plein jusqu’à fin août ! », se réjouit Victoria Hutton en insistant néanmoins sur le fait que la procédure demande « beaucoup de paperasses » et est particulièrement longue. Selon Adèle Maistre, animatrice Leader Seine aval, « entre le premier rendez-vous et le paiement, il faut en moyenne deux ans ». Cela s’explique notamment par le fait que les subventions sont versées à la fin du projet. Les dépenses, elles, ne doivent pas être engagées avant l’accord officiel de la Région.

À l’issue de la présentation organisée par l’ADADSA le 9 mai dernier, l’association a tenu deux ateliers de travail à Morainvilliers et à Jambville. Ils ont respectivement eu lieu les 30 et 31 mai derniers. Dans le cadre de l’appel à projets émis par la Région, leur but était de permettre à l’association de réfléchir aux actions pouvant être mises en place sur le territoire dans le prochain programme ­Leader. Pour cela, l’ADADSA avait notamment convié à l’atelier des agriculteurs et des transformateurs. Parmi les différents projets pouvant être proposés, l’association a évoqué le fait de pouvoir créer des signalétiques permettant aux habitants de reconnaître les différentes céréales ­rencontrées dans les champs.

« Sur notre territoire, on a une grande variété de production. Il y a peut-être un truc à travailler là-dessus sur une signalétique indiquant les fermes […] mais aussi une signalétique sur les productions, déclare Sophie Primas. À quoi cela sert-il ? Qu’est-ce-qu’on fait avec de l’orge ? Quand est-ce-que cela pousse ? Quand est-ce-que c’est planté ? Il me semble qu’avec cela il y a une action pédagogique qui va au-delà de se dire simplement « tiens, il y a une ferme » parce que les agriculteurs ne [peuvent pas en permanence expliquer leur profession] dans les cours des fermes. »

Plusieurs projets en vallée de Seine ont bénéficié de la programmation Leader 2014-2020. C’est le cas pour la modernisation des Moulins de Brasseuil (1), l’aménagement d’un gîte équestre aux Alluets-le-Roi (2) ou encore de l’aménagement d’une ferme pédagogique à Aubergenville (3).

« Est-ce-que vous croyez que cela intéresse vraiment les gens ? », demande une éleveuse de moutons installée sur la commune de Jambville. Devant son interrogation, l’ADADSA se montre optimiste et assure de l’existence d’un regain d’intérêt envers le monde agricole et rural. L’éleveuse, semble dubitative. « Je pense que cela n’intéresse pas les gens, ils ne respectent pas », confie-t-elle à La Gazette en mentionnant notamment le fait que certains propriétaires de quads ou de moto-cross ont l’habitude de passer à travers champs.

Contrairement à l’éleveuse, un brasseur semble, lui, emballé par cette idée. « Si quelqu’un passe en vélo devant un champ, qu’il voit du houblon et qu’après il arrive devant la brasserie et qu’on lui dit « ce que vous avez vu là, maintenant c’est ce que vous allez boire ici », [cela serait intéressant] pour montrer quel produit on va travailler, on va transformer », déclare-t-il en insistant sur le fait que beaucoup de transformateurs aimeraient se regrouper pour plus de visibilité.

Alors qu’Adèle Maistre évoque les difficultés des brasseurs à obtenir des subventions en raison du fait qu’ils doivent utiliser des matières premières franciliennes ce qui est particulièrement difficile à trouver pour l’orge malté, la conseillère régionale EELV, Ghislaine Senée, rappelle pourtant que « la filière brassicole est une filière qui se ­développe énormément en Île-de-France ».

L’idée soulevée par le brasseur d’aider un malteur qualifié à s’installer sur le territoire retient alors particulièrement l’attention d’Adèle Maistre. « Cela serait une super possibilité et il faudrait voir si on peut développer cet axe-là. Je suis contactée par beaucoup de petits brasseurs et aujourd’hui c’est impossible de les ­financer et c’est dommage », affirme-t-elle.

Outre le cas des brasseurs, Ghislaine Senée insiste également sur la nécessité d’aider les agriculteurs dans leur logistique de commercialisation. « On voit bien les difficultés que peuvent avoir les agriculteurs pour livrer les Amap et avec l’augmentation du prix du carburant, cela devient un enjeu, un point économique important », affirme-t-elle en insistant sur la nécessité des ­agriculteurs à travailler en réseau.

L’association pour le développement agricole durable en Seine aval (ADADSA) a organisé un atelier de travail pour réfléchir aux idées pouvant entrer dans le cadre de l’appel à projets émis par la Région pour le programme Leader 2023-2027. Des agriculteurs et des transformateurs étaient notamment conviés.

Alors que, le 9 mai, la question de permettre à davantage d’agriculteurs d’alimenter la restauration collective locale était soulevée, un maraîcher aux Alluets-le-Roi et à Orgeval intervient. « C’est vraiment très compliqué de trouver un contrat avec la restauration ou une commune ou quoi que ce soit. Quand on vend quelque chose, c’est court. Les fraises [par exemple] cela va durer un mois et ce sera terminé donc on ne peut pas faire un contrat sur l’année. On n’a pas que des fraises, heureusement […] mais c’est le problème de la production locale et de la vente directe. Ce sont des produits saisonniers », confie-t-il en citant parfois le cas de personnes lui demandant « des ananas ou des bananes ».

Le maraîcher insiste également sur l’importance d’aménager les chemins ruraux permettant de faciliter l’accès aux fermes et de permettre également aux agriculteurs de se rendre plus aisément sur leur lieu de travail en limitant les ralentissements de la circulation routière. Sur ce point, il est rejoint par l’éleveuse jambvilloise. « Le lien entre les agriculteurs et les urbains, ce sont nos chemins ruraux. C’est là où on voit les gens […]. Je pense qu’arriver à faire des pistes cyclables sur tout ce qui est chemins ruraux, chemins verts, permettrait d’y voir une nouvelle population », déclare-t-il en lançant néanmoins un avertissement : « Si [ces accès] sont trop biens, il y a une forte circulation et on n’est plus tranquille […]. Si ce sont des chemins creux, les gens se plaignent parce qu’ils sont défoncés ».

L’atelier concernant la finalisation de la candidature avant son dépôt était prévu le 16 juin. Il est finalement reporté aux alentours de « mi -septembre ». Selon l’association, l’appel à projets émis par la Région prévoit la sélection de « cinq GAL (groupe d’action locale, Ndlr) sur « sept candidats potentiels ». Sophie Primas se dit en tout cas confiante. « C’est un territoire qui est très particulier en Île-de-France », déclare-t-elle en insistant travailler sur les axes forts du territoire pour l’appel à projets.