Le site pétrolier de TotalEnergies s’offre « la plus grande centrale solaire d’Île-de-France »

Des panneaux solaires à perte de vue. Au premier regard, à l’exception de nombreuses mesures de sécurité, rien ne ferait croire que l’on se trouve sur un site pétrolier. C’est pourtant sur un terrain du dépôt pétrolier de TotalEnergies à Gargenville que la compagnie multi-énergies de production et de fourniture d’énergies a décidé d’installer une centrale solaire. En septembre 2019, comme l’avait relayé La Gazette auprès de ses lecteurs, le projet initié en 2017 avait été retenu par la commission de régulation de l’énergie (CRE). Lors de l’inauguration de la centrale solaire, le 6 octobre dernier, TotalEnergies a affirmé qu’elle symbolisait l’ambition de la compagnie de vouloir développer les énergies renouvelables pour être un acteur majeur aussi bien en Île-de-France qu’à l’échelle mondiale de la transition énergétique.

« Cet ouvrage est emblématique de ce que TotalEnergies veut faire sur le territoire de l’Île-de-France […]. Quand on parle de transition énergétique, on voit bien que c’est une somme de mutations et, aujourd’hui, TotalEnergies fait sa mue dans les Yvelines tout comme elle le fait dans l’ensemble du territoire. Pour nous, quand on parle de transition énergétique, on marche sur deux jambes : décarboner la production et vous en avez là un exemple [avec la centrale solaire] et décarboner les usages [en changeant notamment les motorisations des modes de transport] », explique Élisa Cœuru, directrice régionale Île-de-France de TotalEnergies avant d’ajouter que la compagnie souhaite atteindre la « neutralité carbone en 2050 ».

« Cet objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050 est pour une compagnie pétrolière quand même un objectif très, très ambitieux mais elle s’en donne les moyens, poursuit Alexandre Morin, directeur du développement de TotalEnergies Renouvelable France. Elle investit énormément. Chaque année [cela représente] près de 4 milliards de dollars […]. C’est un effort considérable que fait la compagnie. » Selon Michiel Van Raebroeckx, directeur des établissements de Grandpuits (Seine-et-Marne) et Gargenville de TotalEnergies Raffinage France, la centrale solaire installée en vallée de Seine aurait coûté « plusieurs dizaines de millions d’euros ».

« [C’est] la plus grande centrale solaire d’Île-de-France qui produira 26 GWh (gigawattheures, Ndlr) par an d’électricité verte soit l’équivalent de la consommation annuelle d’environ 5 600 foyers et permettra d’éviter l’émission de plus de 2 900 tonnes de CO2 », déclare Thibaut Hernandez Lara, responsable des opérations et de la transformation du site TotalEnergies Raffinage France de Gargenville. Pour atteindre cette production, il affirme que « plus de 53 000 [panneaux solaires] » ont été installés sur une surface de « 25 hectares [soit] 25 % de la surface [totale] du site ». « Ce sont des chiffres à donner le tournis. C’est vraiment de l’industrialisation de masse du photovoltaïque », reconnaît le responsable des opérations et de la transformation du site gargenvillois.

« Cette nouvelle image que TotalEnegies tient à développer en termes d’énergies renouvelables [avec notamment la centrale solaire] est importante pour moi, pour ma Ville […]. C’est important aussi pour notre pays [qui] est aujourd’hui confronté à des problèmes énergétiques qu’on connaît tous », confie le maire de Gargenville, Yann Perron (SE), tandis que le député Nupes de la huitième circonscription des Yvelines, Benjamin Lucas, insiste sur la nécessité de « sortir de notre dépendance aux ­énergies fossiles ».

Comme l’explique Thibaut Hernandez Lara, responsable des opérations et de la transformation du site TotalEnergies Raffinage France de Gargenville, le site gargenvillois recense plusieurs activités dont « le stockage d’hydrocarbures, de gasoil pour le compte de l’État, et du stockage […] de kérosène envoyé aux aéroports de Paris »

Concernant le terrain ayant permis la construction de la centrale solaire à Gargenville, il appartient à TotalEnergies. « Le foncier [notamment en Île-de-France] est peu disponible pour construire. On ne peut pas construire une centrale solaire dans un champ qui se prête à l’agriculture donc le fait d’avoir un foncier disponible sur des usines pétrolières […] est important pour TotalEnergies. On a le foncier donc on concrétise des projets de taille », explique Michiel Van Raebroeckx.

Une centrale solaire est également prévue sur le site de Grandpuits dont le fonctionnement de la raffinerie a cessé « début 2021 ». « On va pouvoir y démarrer avant la fin de l’année une installation aussi grande que celle [de Gargenville] donc on va doubler notre capacité de production en Île-de-France », détaille-t-il. Tout comme le site de Grandpuits qui est historiquement lié à celui de Gargenville, la centrale solaire implantée sur les terrains de TotalEnergies en vallée de Seine n’est pas le seul projet attendu en termes de transition énergétique.

Alors que Thibaut Hernandez Lara explique que le site gargenvillois recense plusieurs activités dont « le stockage d’hydrocarbures, de gasoil pour le compte de l’État, et du stockage […] de kérosène envoyé aux aéroports de Paris », Michiel Van Raebroeckx ajoute : « Il y a un nouveau visage donné au site de Gargenville […]. Une des transformations de Grandpuits va connaître justement une suite ici sur Gargenville. C’est la bioraffinerie. Une bioraffinerie va utiliser des matières premières issues [par exemple] d’huile de cuisson ménagère [ou] de graisse animale. Ce sont des déchets qui vont être transformés en produits nobles notamment en du carburant aérien durable et qui donc, du coup, rejette beaucoup moins de CO2 par rapport à son alternative fossile. Ce sont 20 000 tonnes par an de ces nouvelles molécules qui vont être produites dès 2025 sur Grandpuits, acheminées par train ici pour être déchargées sur Gargenville, être mélangées et envoyées à nos clients habituels que sont les ­aéroports de Paris ».

Cette nouvelle activité va nécessairement impliquer des changements pour le site de vallée de Seine. « On va devoir beaucoup travailler sur une mise à jour de nos systèmes d’exploitation, sur un Upgrade (une mise à niveau, Ndlr) technologique de nos bacs de stockage. On va devoir construire un quai de déchargement pour pouvoir rentrer les molécules depuis le wagon et […] on va devoir aussi changer tous les débits à la hausse dans l’usine pour rentrer et sortir les produits pour être plus efficaces », énumère Thibaut ­Hernandez Lara des transformations à venir.

Selon 78Actu, ces transformations sur le site de Gargenville ne sont pas sans conséquence sur l’emploi. Le 11 février 2021, le média yvelinois relatait le fait qu’en raison d’un plan de sauvegarde de l’emploi, « le site pétrolier de Gargenville perdra près de trois quarts de ses salariés avec le projet de transformation du site ». « Sur les 42 salariés de Total Gargenville, il en restera 13 […], témoigne un employé sous couvert d’anonymat à 78Actu. Les intérimaires vont aussi être ­touchés. »

Le groupe pétrolier contacté, à cette époque, par nos confrères se veut rassurant. « Total conduira ce redéploiement industriel sans aucun licenciement, grâce à des départs en retraite anticipés et des mobilités internes vers d’autres sites du groupe, en fournissant à chaque collaborateur une solution adaptée à sa situation », indique-t-il à 78Actu en insistant sur la création de « 1 000 emplois » durant les trois années de construction de nouvelles unités à Grandpuits et Gargenville.

Le 6 octobre dernier, lors de l’inauguration de la centrale solaire, Élisa Cœuru a, en tout cas, insisté sur la nécessité de former les jeunes aux métiers de la transition énergétique. « On a un axe très fort chez TotalEnergies qui est d’accueillir un certain nombre de jeunes pour justement promouvoir l’apprentissage, l’alternance et donner à voir ces métiers de demain […], argumente-t-elle. Le mot photovoltaïque [par exemple] n’est pas encore rentré dans les mœurs. Quand on dit panneau solaire, oui, [on comprend], mais photovoltaïque, [non]. Cela nécessite encore de faire connaître ces métiers et de donner à voir aux jeunes qui doivent se décider très tôt pour des filières. Pour les stages de troisième, je trouve cela très important de donner à voir à ces jeunes les métiers de demain et les filières techniques qui vont faire l’attractivité du territoire et notre souveraineté énergétique. Je pense que cela est aussi une bonne façon ­d’accompagner le futur. »

Plusieurs transformations attendues sur le site de Grandpuits

Outre l’installation prochaine de panneaux solaires et la création d’une bio-raffinerie, le site pétrolier de Grandpuits (Seine-et-Marne), historiquement lié à celui de Gargenville, va également se tourner vers le ­recyclage des matières plastiques.

« Sur le site de Grandpuits, TotalEnergies met en œuvre une nouvelle coopération avec un spécialiste dans le métier de recyclage chimique de déchets plastiques. Il y aura 15 000 tonnes par an de [déchets] plastiques recyclés », déclare Michiel Van Raebroeckx, directeur des établissements de Grandpuits et Gargenville de TotalEnergies Raffinage France. Concernant le calendrier, il affirme que « cette unité est maintenant en cours de construction [et que] le premier coup de pelle pour le génie civil va être au mois d’octobre 2022 ».

TotalEnergies qui a une usine de polymérisation de PLA (l’acide polylactique est un polymère biosourcé, Ndlr) en Thaïlande va également en développer une sur Grandpuits. « On a déjà une unité de fonctionnement en Thaïlande et donc la deuxième pour TotalEnergies serait celle de Grandpuits qui sera la première en Europe », détaille Michiel Van Raebroeckx.