Le projet de port industriel de Triel est « abandonné »

Au bout de 1O ans de bataille, élus et associations ont finalement obtenu gain de cause, le projet de port industriel entre Triel-sur-Seine et Carrières-sous-Poissy a été « abandonné » par la société Haropa Port de Paris.

La nouvelle est tombée sur le site internet de la ville de Villennes-sur-Seine et ses réseaux sociaux le 27 octobre : le projet de Port de Triel est « abandonné ». Après dix ans de bataille, les opposants au projet de port industriel dit des 2 Rives de Seine, mené par Haropa Port de Paris, ont remporté une belle victoire pour les habitants et pour l’environnement.

Annoncée jeudi dernier lors d’une réunion entre les représentants de l’établissement public et le maire de Villennes, Jean-Pierre Laigneau (DVD) […], et sa conseillère municipale, Christine Hanon-Batiot […], selon le site de la Ville, la « bonne » nouvelle était en train de faire le tour des communes concernées, vendredi après-midi.

Il faut dire que ce projet impactait directement plusieurs communes. Situé sur environ 34 hectares, entre les villes de Carrières-sous-Poissy, Villennes-sur-Seine et Triel-sur-Seine, il devait se positionner sur l’actuel site de la marina Port Saint-Louis.

« C’est une victoire importante pour Villennes, ses habitants et son environnement, se réjouissent Jean-Pierre Laigneau, et Christine Hanon-Batiot, sur le site de la commune. Notre cadre de vie était en danger, ce projet présentait des risques pour la santé des habitants du territoire, des deux côtés de la Seine. La municipalité de Villennes-sur-Seine a beaucoup investi en frais juridiques pour contester les aberrations de ce projet, pour mettre en évidence la faiblesse de l’étude d’impact et le manque de précisions sur les activités prévues sur le site. Avec l’ensemble de la contestation, nous avons pointé les atteintes sonores et visuelles, les risques industriels, la dégradation environnementale et paysagère, les atteintes à la biodiversité et le déficit d’image que Villennes aurait subi. »

Contacté par téléphone, le maire de Triel-sur-Seine, Cédric Aoun (SE), se réjouit également de cette décision. « Je ne peux qu’être content, explique-t-il. Depuis le début du mandat, nous expliquons que nous sommes contre ce projet. C’était d’ailleurs une promesse de campagne. Nous avons énormément échangé avec la société porteuse du projet pour qu’elle comprenne bien notre position. Je me félicite également de voir qu’il n’est pas nécessaire d’engager des procédures pour finalement obtenir gain de cause. »

Contacté par La Gazette, le maire de Carrières-sous-Poissy, Eddie Aït (SE), s’est finalement exprimé dans un communiqué. Il se félicite de cette décision et rappelle que « si le projet initial de port, imaginé dans les années 90 et lancé au début des années 2010, devait permettre d’attirer les entreprises de la filière bois et le développement d’un pôle d’activité économique vertueux dédié à l’écoconstruction, on a assisté, au fil des années, à un basculement vers quelque chose de beaucoup moins qualitatif : une filière du retraitement de déchets. Ce n’était pas acceptable ».

Soutenant les associations environnementales dans leurs démarches contre le projet, Eddie Aït précise qu’il a « toujours soutenu le développement du fret fluvial comme alternative à la route, le projet apparaissait surdimensionné et à contre-courant des objectifs environnementaux d’autant qu’il se situait dans une Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (Znieff). Plus grave encore, le projet présentait des risques évidents pour les populations riveraines ».

Selon Haropa Port de Paris, « le projet sera redéfini et une nouvelle proposition sera faite en concertation avec le territoire local prochainement ».

Pour le maire, « le renoncement d’Haropa Ports de Paris était attendu et nécessaire pour avancer vers un développement plus durable de la Boucle de Seine. L’étude d’une solution de simple desserte fluviale va dans le bon sens. Elle est favorable au développement du quartier d’activités dit Ecopole Seine Aval ». L’ambition de la ville de Carrières-sous-Poissy est bel et bien de « développer un quartier d’activités durable, créateur d’emplois, […], de vie et adaptable aux besoins de demain, au service d’un territoire ressource qui ne veut plus être servant. » Concluant sur le besoin de concertation pour « la future desserte fluviale ». Une « commission extramunicipale susceptible de rassembler riverains, associations environnementales, acteurs institutionnels et collectivités territoriales impliqués », devrait prochainement être créée.

Immédiatement entrées en résistance, les associations de défense de l’environnement, l’Association pour la Protection et la Tranquillité de l’Environnement des Rives de Seine (APTERS) et Rives de Seine Nature Environnement (RSNE) restent prudentes comme l’explique à La Gazette en Yvelines, Anthony Effroy, président de RSNE et élu d’opposition (SE) à Carrières-sous-Poissy. « Nous attendons le retrait des autorisations administratives pour nous désister de notre pourvoi devant le conseil d’État. Ce projet aurait eu des impacts négatifs sur les berges de Seine ainsi que sur l’environnement. Nous ne comprenions pas la cohérence d’avoir un port à déchets à proximité d’habitations. Nous sommes favorables à la conservation d’une activité de plaisance pour qu’il y ait une cohérence avec le parc du peuple de l’herbe et le château Vanderbilt par exemple. Cette cohérence vous ne la retrouveriez pas avec un port à déchets. » Et de poursuivre : « Nous ne sommes pas surpris de l’abandon de ce projet. Quand on voit la redéfinition du territoire, nous comprenons que cela n’était plus une ambition de Port de Paris. En plus, nous nous rendons compte qu’à toutes les phases réglementaires de la procédure, il y a eu une contestation du projet avec par exemple un avis défavorable du rapporteur public. Pour nous, ce qui était le plus surprenant c’est que la Cour d’Appel ait désavoué les juges du premier degré en estimant ce projet légal. C’est cela qui était surprenant. »

Même son de cloche du côté de l’APTERS. « Depuis 12 ans, l’APTERS s’est battue en justice contre cette initiative économiquement et écologiquement irresponsable. Nous saluons donc le courage des dirigeants d’Haropa pour cet abandon de projet, assure Bruno Lemière, le président. Notre association restera toutefois vigilante. Représentants des riverains, nous sommes convaincus que le site de la Marina a un vrai potentiel et mérite mieux qu’un développement industriel. C’est dans ce sens que l’APTERS a entamé les travaux d’études d’un projet de tourisme écoresponsable dans lequel nous souhaitons impliquer tous les acteurs locaux. Les difficultés seront nombreuses mais un projet raisonné devrait permettre de concilier développement économique et tranquillité des riverains… »

Contactée, la société Haropa Port de Paris a apporté une réponse de circonstance à La Gazette en Yvelines : « Il est important de rappeler que la décision de la Cour administrative d’appel de Versailles a donné gain de cause à Haropa Ports de Paris pour créer un port industriel sur les communes de Triel-sur-Seine et Carrières-sous-Poissy », tient à rappeler la société dans sa réponse. Et de préciser par ailleurs par la voix du directeur général délégué de Haropa Port de Paris, Antoine Berbain, que « nous nous avons à cœur de prendre en compte les inquiétudes exprimées par les différents acteurs dans le cadre de cette procédure et de renouer le dialogue afin d’aboutir à une vision partagée de la desserte fluviale de la Boucle de Chanteloup ». En conclusion, Haropa Port de Paris assure que « le projet sera redéfini et une nouvelle proposition sera faite en concertation avec le territoire local prochainement ».

Sur le site de Villennes-sur-Seine, la municipalité assure désormais qu’Haropa Port de Paris va se tourner « vers l’étude d’une solution de simple desserte fluviale de la Boucle de Chanteloup, à concerter avec l’ensemble du territoire ». La Ville « s’engage à suivre de près » cette « réorientation » […] « pour continuer de protéger son territoire et ses habitants ».