La demeure appartenant à la Ville et surnommée maison Lalisse n’a pas fini de faire parler d’elle. Le devenir de l’imposante bâtisse en meulière située sur un terrain d’environ 8 000 m² à l’intersection de la route de Rangiport et de l’avenue Victor Hugo est effectivement incertain. En 2018, l’ancien édile, Jean Lemaire (SE), avait effectivement signé une promesse de vente de ce bien communal à un investisseur privé pour un montant d’environ « 450 000 euros ». Opposé à cette transaction immobilière, son successeur, Yann Perron (SE), n’a pas signé la vente définitive. Devant le tribunal administratif, en mai dernier, il a notamment invoqué un prix de vente trop faible.
Pour justifier son désaccord, le maire actuel s’appuie notamment sur une estimation faite par le service des Domaines. Selon le site internet Maires de France, toute cession d’un bien immobilier communal dans les villes de plus de 2 000 habitants doit effectivement obligatoirement « être précédée d’un avis du service des Domaines portant sur le prix de vente envisagé ».
« [Après mon élection en 2020], ma curiosité m’a fait ré-estimer le bien par les Domaines […] et il s’est avéré que l’estimation des Domaines pour la promotion immobilière était de 1 750 000 euros […] alors que mon prédécesseur avait signé la promesse de vente avec un montant de 450 000 euros ce qui représente [environ] un quart du prix. C’est totalement ubuesque ! », déclare Yann Perron, le 26 septembre, en insistant sur le fait que l’emplacement est idéalement situé, à proximité des bords de Seine et de l’autoroute 13 ainsi que de la gare d’Epône Mézières qui doit accueillir, dans les prochaines années, l’arrivée du RER E.
Pour l’édile, le manque à gagner pour les finances de la commune aurait donc été considérable. « La différence représente en gros un million d’euros de rentrée supplémentaire pour la Ville. Un million d’euros ! Avec la nécessité aujourd’hui de la conversion énergétique des bâtiments, l’amélioration de l’isolation, on a énormément de contraintes et on doit aujourd’hui passer par des investissements conséquents et minimiser au maximum nos dépenses de fonctionnement. Un million d’euros c’est donc considérable pour préparer l’avenir de cette ville », explique-t-il.
Contacté le 28 septembre, Jean Lemaire assure, lui aussi, de son côté, que le montant de la vente fixée à environ « 450 000 euros » pour cette transaction immobilière avait également obtenu la validation du service des Domaines. Selon l’ancien édile, l’explication concernant l’écart de prix s’explique par la nature de l’activité future souhaitée sur le bien communal en vente. « Les Domaines font leur évaluation en fonction de ce que vous souhaitez faire sur le terrain. [Si vous souhaitez] planter des choux, faire une activité économique ou faire du logement, l’évaluation des domaines sera différente à chaque fois », affirme-t-il en rappelant qu’il comptait transformer la maison Lalisse en un hôtel pour pallier le manque d’offres hôtelières aux alentours. « Il y a des hôtels dans le Mantois mais peu d’hôtels deux voire trois étoiles », reconnaît-il.
Pour Yann Perron, la promesse de vente auprès de l’investisseur privé aurait néanmoins été rédigée en des termes avantageux pour l’acquéreur dont il craignait par la suite qu’il ne revende la parcelle à des promoteurs immobiliers. « La promesse de vente était vraiment très étrange […], déclare-t-il. Au départ, il était [effectivement] prévu du développement économique sur la parcelle [avec] la construction d’un hôtel, etc. Cela c’était ce qui était indiqué dans la délibération du conseil municipal mais en aucun cas elle n’a été retranscrite dans la promesse de vente qui a été faite lors de la rédaction du compromis de vente où les conditions suspensives de l’obtention d’un permis de construire pour un hôtel, etc. n’étaient pas assurées. L’acquéreur avait la possibilité de faire de la parcelle ce qu’il voulait c’est-à-dire l’acquérir le matin et la revendre l’après-midi avec une plus-value substantielle dans le désintérêt total de la municipalité. C’était un coup magistral qu’il pouvait faire en l’espace de quelques heures. »
« Je ne magouille pas ! […]. L’acquéreur je ne le connaissais ni d’Ève ni d’Adam. Je ne vois donc pas pourquoi je l’aurais avantagé », rétorque Jean Lemaire en insistant sur le fait qu’il s’est tourné vers un investisseur privé suite à plusieurs retours négatifs de grands groupes hôteliers concernant le projet de construire un hôtel à Gargenville. Quant aux prolongations des promesses de vente réalisées, l’ancien maire assure que la volonté d’y construire un hôtel n’avait pas changé au cours du temps.
Après avoir refusé de signer la vente définitive de la maison Lalisse, Yann Perron s’est rendu au tribunal administratif le 31 mai dernier. Le délibéré est, lui, paru le 2 septembre. La municipalité a obtenu gain de cause. Selon 78Actu, l’argument retenu par les juges n’est cependant pas celui de la différence de prix mais plutôt que « la date butoir pour finaliser la transaction, le 1er octobre 2020, n’a pas été respectée ».
« Pour moi c’est une belle victoire politique et surtout une belle victoire morale et financière pour la Ville », se félicite Yann Perron en ajoutant que l’investisseur privé a également été condamné à verser à la Ville la somme de « 2 000 euros » de dommages et intérêts. « C’est, selon mon avocat, un signe évident de ne pas faire appel parce que s’il est condamné déjà à 2 000 euros sur la première audience il est susceptible de perdre à la deuxième et d’avoir encore des dommages et intérêts plus importants à régler », déclare-t-il. Le 2 novembre, l’édile affirmait ne pas avoir eu connaissance d’une demande du promoteur privé de faire appel en justice. Pour Jean Lemaire, l’obligation de l’investisseur privé à régler le montant de « 2 000 euros » à la Ville n’a cependant rien d’étonnant puisque la municipalité a obtenu gain de cause auprès de la justice.
Alors qu’aucun projet n’est actuellement clairement défini pour l’avenir de la maison Lalisse, Yann Perron ne cache cependant pas sa volonté d’y construire des logements. « Nous ce qu’on envisage c’est de valoriser le bien au maximum mais surtout développer un projet structurant pour l’entrée de ville, quelque chose qui donne une belle image de la ville […]. Il y aura un concours d’architecte, il y aura un programme immobilier d’habitation parce que, de toute façon, ce n’est pas une zone qui se destine au commerce », affirme-t-il.