Crédits photo : ArianeGroup_Eskenazi Dominique
La fusée Ariane 5 ne sera bientôt plus qu’un souvenir pour le site ArianeGroup des Mureaux. L’entreprise, dans laquelle travaillent environ 2 700 personnes dont 2 000 salariés, a terminé la fabrication de l’étage principal cryotechnique (EPC) de la dernière fusée Ariane 5. Le 5 décembre, pour la dernière fois, une opération minutieuse dite de désérection a eu lieu pour le basculer de la position verticale à la position horizontale. Cette action a pour objectif de placer, par la suite, l’EPC qui mesure une trentaine de mètres dans un conteneur sur mesure. Il quittera le site ArianeGroup des Mureaux par la Seine avant la fin de l’année (la date n’a pas été communiquée, Ndlr) pour le Havre (Seine-Maritime) avant de rejoindre Kourou, en Guyane, pour un 117e tir de la fusée Ariane 5. Selon ArianeGroup, son lancement est prévu pour « avril, mai 2023 » et devrait servir à la mission Juice de l’Agence spatiale européenne (ESA) consistant à envoyer une sonde vers les lunes glacées de Jupiter. Le 5 décembre, Hugues Émont, directeur du site ArianeGroup aux Mureaux, ne cachait pas son émotion à l’idée de dire au revoir au tout dernier EPC d’Ariane 5.
« Ariane 5, c’est 25 ans d’exploitation, déclare-t-il. C’est le 117e tir EPC d’Ariane 5 (deux supplémentaires ont néanmoins également été réalisés dans le cadre de la conception d’étages de qualification servant d’essais, Ndlr) qui va partir […]. Sur ces 25 ans, beaucoup de monde a contribué, plus ou moins sur l’établissement, à la réalisation de ces étages [principaux cryotechniques] […]. C’est une somme de métiers qui concourt à ces réalisations. C’est fort [en émotion de se dire que c’est le dernier EPC d’Ariane 5]. Le 10 novembre, on a fait un événement avec l’ensemble des salariés du site pour la livraison de ce dernier étage parce que c’est quelque chose qui est important pour l’établissement. Les salariés sont particulièrement fiers de la totalité de ces étages qu’on a [réalisés]. »
La fin de la réalisation des EPC d’Ariane 5 ne marque cependant pas l’arrêt de l’activité d’ArianeGroup aux Mureaux. « Nous avons lancé un autre programme [avec la réalisation des étages principaux cryotechniques d’Ariane 6] », explique Hugues Émont en insistant sur le fait qu’Ariane 6 sera davantage modulable qu’Ariane 5 et permettra notamment de transporter « jusqu’à 12 tonnes de charge utile » contre « un peu plus de 10 tonnes » pour sa prédécesseure.
Selon le directeur du site ArianeGroup des Mureaux, les coûts de production d’Ariane 6 dont le premier vol est attendu, selon l’ESA, pour « le dernier trimestre 2023 » seront également « réduits de moitié » par rapport à ceux d’Ariane 5 pour faire face à la concurrence. Pour cela, des modifications structurelles du site muriautin ont été nécessaires avec la construction d’un nouveau bâtiment dédié à la construction de l’étage principal cryotechnique d’Ariane 6. « Avec Ariane 6, tout se fait à l’horizontale. Il n’y a plus ces opérations d’érection et de désérection qui prennent du temps et qui sont des opérations sur lesquelles il faut prendre beaucoup de précaution. [Avec Ariane 6], tout cela aujourd’hui se fait à l’horizontale », détaille Hugues Émont.
La fonction du bâtiment ayant servi à la réalisation des étages principaux cryotechniques des fusées Ariane 5 et surnommé Hall Ariane 5 reste, en partie, à déterminer. Tandis que la partie basse du bâtiment qui servait à la fabrication du réservoir Ariane 5 est vouée à devenir un « hub logistique qui va permettre de prévoir la montée en cadence d’Ariane 6 », la partie haute du bâtiment ayant permis l’intégration des EPC d’Ariane 5 où se déroulaient notamment les opérations dites d’érection et de désérection n’a pas encore trouvé sa nouvelle vocation.
« On dit qu’on peut mettre l’Arc de triomphe dans [la partie haute de] ce bâtiment, déclare Hugues Émont. Cela vous donne une idée du volume de ce bâtiment […]. À ce jour, nous n’avons pas défini le programme qui va nous permettre de l’utiliser […]. Nous allons le mettre sous cocon de façon à ce qu’on ne consomme pas plus d’énergie que nécessaire. Quand on dit le mettre sous cocon, [cela signifie] qu’on va baisser la température au minimum, on va limiter les maintenances au strict réglementaire jusqu’à ce qu’on ait un programme qui permette de l’utiliser [ou si ce n’est pas le cas] on le démontera le moment venu de façon à pouvoir faire de la place pour d’autres activités. »