Un « désastre écologique » à l’échelle de la commune. Les membres d’un collectif de riverains n’ont pas d’autres mots pour décrire le projet de construction du bailleur 1001 Vies Habitat dans le parc privé de l’Orangerie d’une superficie de 9 800 m² ayant appartenu à l’ancien président et empereur de Centrafrique, Jean-Bedel Bokassa. Dans la partie haute du parc, sur environ 1 000 m², le bailleur prévoit effectivement de construire 26 logements sociaux dans les prochaines années. Pour en faciliter l’accès, une vingtaine d’arbres ont été abattus. Parmi eux, le collectif de riverains est convaincu que 12 tilleuls étaient centenaires.
« À vue d’œil, on voit que certains arbres font plus de deux mètres de circonférence. On ne pourrait pas les enserrer à bout de bras. Par le biais d’un calcul […], on a une échelle de valeurs qui nous montre que ces arbres sont centenaires », affirme un des membres du collectif souhaitant rester anonyme. Le calcul en question consiste à mesurer la circonférence du tronc en centimètres à 1,40 mètre du sol, à diviser cette longueur par le nombre Pi puis à multiplier le résultat obtenu par le coefficient d’essence de l’arbre. Le tilleul étant un arbre à croissance rapide, ce coefficient est de 1,5 pour cette espèce végétale. De ce fait, pour un tilleul mesurant précisément deux mètres de circonférence à 1,40 mètre du sol, l’arbre serait âgé d’environ 95 ans. « Ce calcul ne donne pas l’âge précis mais une échelle de valeurs », poursuit-il.
L’information selon laquelle certains des arbres abattus seraient centenaires est cependant démentie par le maire SE, Fabrice Zuccarelli. « Contrairement à ce qu’on peut entendre, ce ne sont pas des arbres centenaires […], déclare-t-il. On a pris des mesures précises, ce ne sont pas des arbres qui font deux mètres de circonférence comme certains l’affirment. Ce sont des arbres qui tournent, en moyenne, autour de 50 centimètres de diamètre. » En appliquant le même calcul que précédemment pour les tilleuls, l’âge moyen de ces derniers serait donc d’environ 23,8 ans. « Au maximum [pour les troncs les plus gros], on est autour de 50 ans », ajoute l’édile.Selon lui, dans le parc qui était « laissé à l’abandon », plusieurs des arbres abattus étaient également malades. « Il faut savoir que sur ces tilleuls certains étaient pourris à l’intérieur. Ils faisaient partie du plan d’abattage mais, dans tous les cas, ils auraient donc dus être enlevés », explique Fabrice Zuccarelli. Ce propos ne manque pas de faire réagir le collectif. « Dans ce que nous avons pu regarder, il n’y avait qu’un arbre malade ! », rétorque le membre anonyme.
Quoi qu’il en soit, le maire insiste sur le fait que le bailleur s’est engagé à replanter plus d’arbres par la suite. « Il faut savoir que 1001 Vies Habitat va replanter des arbres. Il n’y a pas juste une coupe d’arbres. Derrière, il y a aussi un aménagement du parc [qui sera public] et, en plus de cela, avant la coupe, j’ai réussi à négocier avec eux qu’il y ait des arbres de plus de cinq mètres de haut qui soient plantés. Ce ne seront pas des petits arbres […]. Ce seront des arbres quand même volumineux qui seront plantés et, au final, dans ce parc-là, il y aura même plus d’arbres », détaille-t-il. « Goudronner et bétonner pour ensuite planter des arbres pour se donner bonne conscience et dire « on a fait un projet vert ». Pour nous, eh bien, c’est tout sauf vert », objecte le membre du collectif en ajoutant que non seulement la coupe des arbres a fait disparaître la faune locale mais aussi que les futurs arbres qui seront plantés, du fait de leur jeune âge, n’auront pas la même capacité de stockage du carbone que les arbres jugés centenaires. À la place des logements, le collectif aurait préféré l’installation, par exemple, d’un « parcours sportif ».
Au sujet de la construction des habitations, le collectif de riverains craint également que d’autres logements soient bâtis en plus des 26 prévus par le bailleur. Dans un document que s’est procuré La Gazette détaillant le contrat de vente signé entre l’Établissement public foncier d’Île-de-France (Epfif) en tant que vendeur et 1001 Vies Habitat en tant qu’acquéreur, le descriptif du programme formulé par le bénéficiaire prévoit effectivement la construction d’environ « 75 logements » en deux phases. La première prévoit la sortie de terre des 26 logements sociaux tandis que la seconde correspond à celle « d’environ 49 logements ».
« Aujourd’hui, il n’y a qu’un permis de construire sur ce terrain [déposé en 2018]. Il est de 26 logements sociaux », tente de rassurer le maire. Le collectif de riverains se tourne, en tout cas, vers la justice pour tenter d’interrompre le projet et est soutenu dans sa démarche par le collectif associatif Jade (Jonction d’associations de défense de l’environnement, Ndlr). « Nous attaquons sur la caducité du permis de construire [car] les travaux, au sens juridique, n’ont pas encore commencé [alors qu’ils auraient dû l’être]. On a dépassé la date du permis de construire donc à ce titre il est caduque. Nous attaquons donc pour que le maire reconnaisse la caducité du permis. Nous attaquons également pour qu’il fasse un arrêté d’interruption des travaux parce que, pour nous, le permis de construire est hors la loi », justifie le collectif de riverains de sa motivation à recourir à la justice. « 1001 Vies Habitat devait intervenir avant 2022 sur le terrain et il y a eu une démolition en 2021 qui fait partie du permis de construire, qui n’est pas indépendante. Ils sont donc bien intervenus sur le terrain », affirme Fabrice Zuccarelli avant d’ajouter : « Les avocats de chaque côté vont échanger pour voir justement si tout le monde est raccord. Si on trouve la moindre petite chose qui ne va pas, on fera le nécessaire pour qu’il y ait une régulation ou une suspension du permis. » Le projet de construction n’est donc pas prêt d’arrêter de faire parler de lui.