Les Yvelinois se mobilisent localement contre la réforme des retraites

Si le cortège principal des grévistes s’est élancé, à 14 h, place de la République à Paris, quelques manifestations locales avaient lieu dans les Yvelines comme à Poissy. Une vingtaine de personnes s’est rassemblée devant la mairie, à 10 h, pour finir à la cité scolaire Le Corbusier où des cars attendaient pour garnir les effectifs parisiens.

Contrairement aux onze ministres et au président de la République qui ont préféré la quiétude et la douceur de Barcelone, une vingtaine de personnes ont décidé de braver le froid pour se rassembler place de l’Europe à Poissy, juste en face de la Mairie le jeudi 19 janvier. À l’origine de ce rassemblement non déclaré, Vincent, professeur syndiqué chez SUD Éducation, qui a appelé en début de semaine plusieurs de ses collègues encartés chez d’autres syndicats comme la CGT, la SNES et FO. Le but : attirer un maximum de monde et rendre cette mobilisation locale intersyndicale, à l’instar de l’image renvoyée nationalement.

Ce regroupement se veut plus symbolique qu’autre chose. En face d’une mairie pro-réforme des retraites et non loin de la permanence de Karl Olive, député DVD, autre ardent défenseur de ce projet de loi sur tous les types de médias – il fallait montrer que les manifestations ne se déroulent pas qu’à Paris. Toutefois ce petit nombre a déçu une des manifestantes qui rappelait « qu’en décembre 2019 nous avions réussi à être environ 150 pour le même sujet ». Vincent tempère : « Certains de nos collègues habitent sur Paris et vont directement rejoindre le cortège principal. » Mais cette réforme rejetée par presque l’intégralité de la population – l’institut Montaigne a sorti le 12 janvier une enquête d’opinion réalisée à l’automne 2022 auprès d’un échantillon représentatif de 5 001 actifs en emploi révélant que seulement 7 % de la population active est pour le recul du départ de l’âge légal à la retraite – a drainé des personnes habituellement peu enclines à rejoindre les mouvements sociaux comme Julie et Camille.

« Cela fait très longtemps que je ne m’étais pas mobilisée » clame la première – encartée à la SNES – tandis que la seconde se souvient avoir bataillé contre « le CPE en 2006 et une marche pour le climat dernièrement ». Mais les deux femmes craignent la même chose : ne pas avoir de retraite décente. Julie renchérit : « Nous bossons déjà beaucoup, pour un salaire déjà pas très élevé, nous sommes déjà inquiétés par le montant que nous allons avoir alors si en plus il faut attendre plus longtemps… » En effet, les professeurs pourraient voir le calcul de leur pension remplacé par le système par point (cumul des points tout au long de sa carrière) au lieu de leur système actuel (pension calculée sur leur rémunération des 6 derniers mois). « Nous savons qu’il y a de l’argent pour financer le système de retraite mais il faudrait aller le chercher là où il se trouve », ajoute-t-elle. Une référence à peine voilée aux 157 milliards d’euros d’aides aux entreprises que l’État leur a octroyé ainsi qu’aux 80 milliards redistribués aux actionnaires du CAC 40, ces deux chiffres étant pour l’année 2022.

Une vingtaine de personnes s’étaient réunies place de l’Europe à Poissy, pour une marche allant de la Mairie jusqu’à la cité éducative Le Corbusier où attendait des cars en partance pour Paris.

Même son de cloche pour Éric, gréviste CGT Cheminot, qui met également en avant la santé. « Est-ce qu’on veut un système où nous voyons des gens mourir avant d’atteindre la retraite ou de voir l’espérance de vie réduite lorsqu’il y arrive », scande-t-il. Les frayeurs sont également ailleurs. Hormis le spectre de l’utilisation d’un énième 49-3, le gouvernement pourrait dégainer un autre article : le 47-1, toujours grâce au fait que la réforme est incluse dans le budget rectificatif de la Sécurité sociale. Au bout de 20 jours de débat à l’Assemblée, le texte pourrait être transmis sans vote au Sénat.

Tout au long de leur marche jusqu’à la cité scolaire Le Corbusier, quelques klaxons ont retenti en guise de soutien. Puis certains ont grimpé dans les cars alloués par la CGT allant vers Paris afin de participer à la manifestation principale. Tous espèrent une chose : réaliser la même performance qu’en 1995 quand la mobilisation de grande ampleur avait changé le rapport de force et empêché pendant plusieurs années le gouvernement de revenir sur la réforme des retraites.

Du côté de Mantes-la-Jolie, le rendez-vous était donné le samedi 21 janvier à 10 h, au pied de la collégiale. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a été entendu : les Mantoises et Mantois étaient nombreux à s’être mobilisés pour dire non à la réforme des retraites, et ce malgré des températures glaciales, qui n’ont pas refroidi les ardeurs de militants chauffés à bloc.

Au fil des minutes, la mobilisation espérée par l’intersyndicale (CDFT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNS, Solidaires et FSU) a pris forme : le parvis de la collégiale s’est vite retrouvé noir de monde, avec des manifestants de tous âges. Les drapeaux, banderoles et pancartes fleurissaient, tandis que la sono assurait une ambiance bon enfant, sous le regard de quelques agents des forces de l’ordre.

Du côté de Mantes-la-Jolie, le rendez-vous était donné le samedi 21 janvier à 10 h, au pied de la collégiale.

« C’est important d’être présent aujourd’hui, car cette réforme est rejetée par une écrasante majorité de Français », assure Benjamin Lucas, député NUPES de la 8ème circonscription des Yvelines, entre deux poignées de main. Après s’être déplacé à Paris pour la manifestation du 19 janvier, il tenait à être présent ce samedi matin pour le rassemblement mantois. « Il y a une forte mobilisation, pour un samedi matin avec une température proche de zéro. Il se passe clairement quelque chose, jeudi a eu lieu un mouvement comme on n’en avait pas vu depuis des années. Donc maintenant, il faut l’amplifier jusqu’au retrait de la réforme. »

Juste avant le départ du cortège direction le marché et la gare, les représentants des différents syndicats ont tenu à prendre la parole pour rappeler les enjeux de ce premier rassemblement. « C’est assez rare que nous soyons aussi réunis, ce qui prouve l’ampleur de la mobilisation, souligne Evelyne Diana-Bras, secrétaire départementale de FSU-78, face aux drapeaux des différents syndicats. Il est important que l’on soit dans la rue, à l’échelle nationale et locale, pour exprimer notre refus de cette réforme extrêmement violente. Nous resterons dans l’action tant qu’elle ne sera pas retirée. »

Cette manifestation en appellera d’autres : dans une lettre ouverte, l’intersyndicale Solidaires 78 a affirmé la volonté des Mantois de se « coordonner pour débattre et combattre cette réforme inégalitaire et injuste ». Fustigeant l’absence de salle ou de local pour organiser des assemblées générales, l’intersyndicale a ainsi interpellé publiquement les élus du Mantois « pour qu’ils et elles témoignent concrètement de leur engagement à [leurs] côtés – ou simplement leur attachement au débat démocratique – en mettant une salle à [leur] disposition tout au long de ce mouvement, car il n’y a pas de démocratie vivante sans démocratie sociale et locale effective ».

D’ici là, les échanges d’idées se feront toujours à la librairie La Nouvelle Réserve de Limay : une réunion d’information et de coordination était d’ailleurs organisée le mardi 24 janvier, de 17 h à 19 h, pour organiser la retraite aux flambeaux du vendredi 27 à Poissy, et la prochaine manifestation, prévue le samedi 28, toujours devant la collégiale de Mantes-la-Jolie, à 10 h.