« C’est complètement anachronique, la biodiversité est menacée sur toute la longueur du pont. C’est une aberration d’ignorer ces risques à notre époque », balance Monique Ory, du Collectif d’associations de protection de l’environnement de la Seine-Aval (Capesa), au Parisien lors d’une manifestation contre la construction du Pont d’Achères le 15 janvier qui avait réuni environ 150 personnes.
Ce tronçon de six kilomètres reliant Achères à Carrières-sous-Poissy doit comporter quatre voies, permettant ainsi de désenclaver la boucle de Chanteloup-les-Vignes, cauchemar des automobilistes locaux. Par ailleurs, les travaux – censés démarrer en 2024 – impliquent d’autres modifications comme la création de nouvelles voies sur plusieurs kilomètres et l’élargissement d’actuelles routes à deux couloirs de circulation notamment. Un chantier colossal dont l’enveloppe globale tournerait autour de 200 millions d’euros.
La liaison entre la RD30 et la RD190 ne date pas d’hier et la pose de sa première pierre ressemble plus à une arlésienne qu’à un projet concret. « La première délibération du conseil général a eu lieu en juillet 1983 et déjà à l’époque il pointait un manque de franchissement de la Seine. Trois projets étaient alors envisagés : Épône, Triel et Achères », rappelle Richard Delepierre, vice-président délégué aux Mobilités et aux Transports au sein du Département des Yvelines, porteur de ce projet. Si l’actuel Maire DVD du Chesnay-Rocquencourt entend les remarques des associations écologiques, il tient à signaler que toutes les étapes pour la construction ont été franchies ainsi que les concertations adjacentes : « À la fin des travaux, un grand nombre de choses va être reconstitué, les défrichements de certains secteurs seront replantés, des sites de compensation sont prévus. De plus, 460 000 euros vont être versés au fonds stratégique de la forêt et du bois. Tout cela est très surveillé et coûteux. »
Quelques officiels viennent également garnir les troupes des opposants comme Eddie Aït, édile SE de Carrières-sous-Poissy. « En 2009, le conseil municipal et moi-même ont été les premiers à prendre une délibération à l’unanimité contre le pont d’Achères. Ce qui est toujours le cas actuellement », rappelle-t-il. Une décision motivée par la cicatrice indélébile que pourrait laisser le futur édifice au niveau du quartier carriérois de l’île de la Dérivation. La centaine d’habitants qui y habite est isolée du trafic routier et ne veut pas voir son havre de paix disparaître. Depuis 14 ans l’élu local aimerait voir le tracé être légèrement décalé vers le nord afin de protéger cette zone. Une hypothèse balayée d’un revers de main par Richard Delepierre : « Si nous modifions les plans, nous aurons forcément la grogne des futurs riverains concernés. Puis nous repartirons pour 10 ans d’études alors que Monsieur Aït a des projets de développement. »
« Nous ne sommes pas contre des aménagements car il n’y a que le pont de Poissy d’un côté et celui de Triel-sur-Seine de l’autre. Notre territoire se développe ce qui est une bonne chose. Je ne fais pas partie de ceux qui disent qu’il faut tout arrêter, juste trouver des points d’équilibres », rétorque l’ancien patron du Parti radical de gauche. Il ne désespère pas d’obtenir gain de cause puisqu’il a rencontré le commissaire de l’enquête publique – qui s’est terminée la semaine dernière – en début d’année.
Le vice-président délégué aux Mobilités et aux Transports pointe les autres bienfaits du désenclavement de la boucle de Chanteloup-les-Vignes. Les gares ferroviaires de ces zones seront plus faciles d’accès ce qui sera bénéfique pour les mobilités douces. Surtout avec l’arrivée du futur tram 13 et l’arrivée du RER Eole. « Si cette jonction est portée depuis plusieurs décennies, c’est qu’elle n’est pas la lubie d’un seul Homme. Dans le cas où nous dirions stop, il faudra repartir de zéro et nous verrions alors les opposants de 2050 crier haut et fort que les questionnements 2025 n’étaient pas assez poussés. C’est le problème lorsque le temps de gestation des projets est supérieur à celui des mandats », théorise le membre du Conseil départemental. Tant que la première pierre n’est pas posée, nul ne peut donc prévoir l’avenir du pont de la discorde.