À l’espace Christiane Faure de Limay, Benjamin Lucas est presque chez lui. Non pas parce que cette commune est dirigée par un maire divers gauche – Djamel Nedjar – mais simplement parce que c’est ici qu’il avait lancé et fêté sa campagne victorieuse lors des élections législatives 2022 pour cette réunion publique. Au départ ses équipes n’avaient prévu qu’une centaine de sièges, à 19 h, il en fallait le double. Communistes de la première heure brandissant quelques pancartes, sympathisants LFI, EELV et d’autres curieux se sont donc amassés pour près de trois heures d’explications autour de la réforme des retraites et surtout de témoignages.
Pour ce dernier point, la parole a été donnée à de nombreux syndicats ou associations agissant dans le Mantois. « Il fallait valoriser l’unité syndicale qui est très précieuse et décisive dans ce mouvement (contre la réforme des retraites, ndlr). Donner la parole aux syndicats contribue à la vie démocratique du pays et à la République », explique le député NUPES de la 8ème circonscription. Il n’était pas le seul représentant de l’Assemblée Nationale puisque William Martinet et Clémentine Autain, respectivement député de la 11ème circonscription des Yvelines et de la 11ème circonscription de la Seine-Saint-Denis, ont répondu présent à son invitation. Le manque de contradictoire pourrait lui être reproché mais le natif d’Amiens s’en défend : « J’ai appelé à débattre face à mes confrères et consœurs du 78 avec des idées contraires aux miennes et je me tenais à leurs dispositions. Au lieu de cela, Aurore Bergé a préféré m’insulter. »
Le premier à prendre la parole est Monsieur Moutaouadi, élu du Comité social et économique d’Enedis. Présent pour réhabiliter les actions syndicales « que certains médias décrient », le technicien tenait à rappeler ce que la lutte et les manifestations peuvent amener : après 8 semaines de grèves en novembre, tous les salariés ont obtenu jusqu’à 200 euros de plus sur leur fiche de paie. « La retraite est un acquis social et les grands patrons voudraient que nous ayons une vie de servitude. Qu’ils mettent la main à la pâte au lieu de demander aux travailleurs qui les enrichissent », assène-t-il en conclusion. Parmi les autres intervenants se trouve l’association féministe FFFRAC (acronyme de Fortes, Fière, Féministe, Radical, et en Colère). Une de ses représentantes s’avance et assène des chiffres édifiants. Les Femmes représentent 28,1 % des temps partiels, ont les carrières les plus hachée et travaillent en moyenne 7 mois de plus que les hommes. 37 % touchent moins de 1 000 euros contre 15 % de leurs homologues masculins tandis qu’une sur 5 attend 67 ans pour enfin prendre sa retraite contre 1 sur 12 chez les hommes.
Elle aimerait sûrement être convaincue par les mots d’Élisabeth Borne lorsqu’elle proclame que ce projet de loi est fait pour sortir cette tranche de la population de la précarité. Mais même Franck Riester, le ministre des Relations avec le Parlement, a lâché sur Public Sénat le 23 janvier « qu’elles sont un peu pénalisées par le report de l’âge légal, on n’en disconvient absolument pas ». Des propos qui ont amusé l’assemblée et surtout William Martinet : « Plus ce gouvernement fait de la pédagogie, plus il s’enlise. » D’ailleurs, c’est pour cela que la NUPES n’a déposé « que » 7 000 amendements – au lieu de 17 000 lors du projet de 2019 – afin d’augmenter le temps du débat qui pourrait être réduit à 50 jours calendaires en cas d’utilisation de l’article 47-1. « On avait une stratégie adaptée à l’ancienne loi mais maintenant il y a cette problématique », concède Clémentine Autain.
Professeurs, AESH et aussi étudiants avaient leur mot à dire. Naïm Shili, de l’Union des Etudiant·e·s des Yvelines désirait surtout que la Première Ministre arrête de parler en leur nom. « Ils veulent réduire notre précarité alors qu’ils augmentent les frais d’inscriptions aux universités, n’engagent aucune réforme sur le système des bourses et mettent fin aux APL », s’emporte l’étudiant en sociologie. Et bien que les mathématiques ne soient pas sa matière préférée, il trouve que les calculs ne sont pas bons à cause de l’allongement de la durée de cotisation. En effet, pour quelqu’un qui souhaiterait pousser jusqu’au master, il entrerait théoriquement dans la vie active à 23 ans, tout en sachant que l’âge moyen du premier emploi stable se situe 4 ans plus tard… Le vingtenaire veut également éviter toute opposition entre le chômage des jeunes et celui des séniors, ils désirent simplement que ces deux catégories de population ne soient pas laissées à l’abandon.
Après la manifestation du 31 janvier, l’opposition aura 7 jours pour agir. Le 6 février, elle déposera une motion référendaire qui sera défendue à l’Assemblée Nationale. Il y a toutefois peu de chance que la réforme des retraites passe par un referendum puisque le président de la République a le dernier mot.