Crédits photo : Protéger. sauvegarder. developper
« Dès qu’un événement catastrophique survient à l’international, nous envoyons directement de l’argent à nos partenaires présents sur place ou des zones aux alentours », lance Lénica Vautier, chargée de mission au Secours Populaire des Yvelines. Le fonctionnement est toujours le même : d’abord l’antenne nationale débloque une première somme directement sur fond propre puis les comités locaux organisent diverses collectes. Une méthode qui diffère avec sa porte d’entrée nationale puisque les personnes dans le besoin font d’habitude appel à elle via sa banque alimentaire.
Par exemple, pour le séisme qui a eu lieu en Turquie et en Syrie début février, le Secours Populaire a envoyé 100 000 euros vers DPNA – une association libanaise – afin qu’elle organise sur place l’aide aux victimes. « Les moyens financiers ont l’avantage d’être instantanés donc nos partenaires peuvent déployer des moyens humains et matériels rapidement. Alors que si nous avions envoyé des couvertures, le temps qu’elles arrivent, ce besoin aurait été déjà couvert et elles auraient été laissées à l’abandon », explique-t-elle.
Suite à cela, les comités locaux comme ceux des Mureaux, de Mantes-la-Ville et d’Achères ont pris le relais et mis en place des collectes, bien aidées aussi par d’autres associations comme Les Lionnes d’ici et d’Afrique. Grâce à cela, tout ce petit monde a pu envoyer 17 500 euros supplémentaires à DPNA. Par ailleurs, le Secours Populaire est agréé « don de confiance ». Il n’y a donc pas de détournement de fond possible alors que les associations kurdes alertaient sur ce sujet vis-à-vis de l’État turc. « De toute façon, nous n’envoyons jamais de l’argent à des gouvernements », rassure la chargée de mission.
À l’annonce de la catastrophe, passé la stupeur et l’effroi, dans les locaux de l’amicale franco-turque de Carrière-sous-Poissy, la mobilisation a été immédiate. Les dons ont commencé à affluer dans les locaux, chacun souhaitant apporter contribution à l’amélioration des conditions de vie d’un pays dans lequel, pour certains, se trouvent encore leur famille, leurs amis.
Un barnum installé au milieu de la cour en guise de zone de stockage et un camion plein de vêtements, couvertures et produits d’hygiène neuf attestent de l’élan de générosité spontané de la population locale.
Cependant, comme le confirme Mustafa Ozturk « nous avons du mal à transporter les dons parce qu’il n’y a plus de route, il n’y a plus rien, c’est difficile ». La solution mise en place par les bénévoles est de vendre les dons sur les marchés afin de récolter les fonds en numéraire : « On convertit les dons, comme ça, on peut envoyer les fonds plus facilement. »
Des emplacements sur les marchés sont mis à dispositions par les municipalités de Mantes-la-Jolie, Carrières-sous-Poissy, Chanteloup les Vignes en soutien aux victimes.
Parallèlement aux dons, tous les bénéfices générés par les actions bénévoles de l’amicale ont été attribués aux organismes humanitaires turcs. Initialement prévus pour la construction de la future mosquée turque de Carrières-sous-Poissy, les profits de la vente ambulante des kebabs et lahmacun (pains fourrés de viande hachée) ont donc changé de destinataire.
À l’initiative du projet, Mustafa Ozturk concède que « les travaux de construction de la mosquée sont en pause en ce moment mais ce n’est pas grave, il y a une plus grande urgence ».
Avec l’arrivée prochaine du ramadan, l’idée de collecter des dons en organisant des Iftar (rupture du jeûne) suit son chemin.
Autre cause, autre solidarité. Couple de triellois, au tout début de l’offensive russe, Cédric Le Men et sa femme ukrainienne Kseniia Ilchenko n’ont qu’une idée en tête : venir en aide à la population de Tcherkassy, région natale de cette dernière. Rapidement, ils créent l’association « Protéger. Sauvegarder. Développer ». « On s’est organisé pour envoyer un grand volume de médicaments et de nourriture, raconte Cédric. Au début, on le faisait via les transporteurs qui faisaient des livraisons commerciales avant la guerre. Puis ils ont logiquement dû arrêter, on a donc fini par acheter notre propre camion pour faire les allers-retours. »
Depuis un an, Cédric et Kseniia multiplient les trajets jusqu’en Ukraine sur leur temps libre. Bien qu’aidés par des bénévoles français et ukrainiens, un tel engagement a forcément des effets néfastes sur leur vie professionnelle et familiale, sans parler des coûts faramineux, ne serait-ce qu’en terme de carburant. Mais comme le dit Kseniia, « il serait encore plus difficile de ne rien faire ». Ils peuvent heureusement compter sur de nombreux soutiens, parmi lesquels les municipalités de Triel-sur-Seine, d’Andrésy et de Vernouillet qui ont mis du matériel et des locaux à disposition de l’association.
Parole de réfugiée
Dans sa tenue d’employée libre-service, Elena ne dénote pas dans le décor du magasin d’Andrésy dans lequel elle travaille depuis quelques mois, elle semble à l’aise quoiqu’un peu timide. Dans un anglais très correct, elle revient sur son parcours.
À 34 ans, Elena était employée au service de l’administration des ventes d’une succursale de Mercedes à Kiev. Le 24 février 2022 à 5 h du matin elle est réveillée en sursaut par les bombardements des premières offensives russes. Elle raconte comment tout s’est accéléré : « Le 24 février au matin, toute la famille s’est retrouvée chez ma mère : mes sœurs, leurs maris, mes neveux et nièces, on a passé une semaine dans la maison de ma sœur qui était en murs épais. »
S’ensuivent une fuite vers l’ouest en voiture : Kiev puis Kharkiv. Là-bas, une opportunité se présente de se mettre à l’abri, dans la famille de ses amis à Besançon. Elle continue en précisant « J’ai quitté toute ma vie, ma famille, mon pays avec seulement mon sac à main, je n’avais vraiment rien de plus. En l’espace de 15 jours ma vie a changé pour le pire. »
Après une escale à Besançon, Elena rejoint Paris avec son amie à la recherche d’infrastructures de prise en charge. Grâce à la Croix Rouge française, elle est mise en contact avec une famille Trielloise où elle passera plusieurs mois avant de trouver un travail grâce à leur aide. Elena a conscience qu’elle doit beaucoup aux organismes qui l’ont pris en charge et à sa « famille française ». En attendant le retour au calme en Ukraine, Elena reste en contact avec ses proches réfugiés en Allemagne et en Pologne et rêve du jour où elle pourra revoir son pays : « Je n’ai jamais rêvé de quitter mon pays, j’aurais voulu visiter la France, oui, mais en tant que touriste, là je me sens loin des miens et de mes racines, c’est très dur », précise-t-elle.
À l’image de ses compatriotes réfugiés en France, Elena espère la fin du conflit et un retour à la normale aussi rapide que possible.