Gaëtan Perulli, la cuisine en mode « Panoramique »

« À 6 ans, lorsque j’étais en train de regarder un documentaire sur les meilleurs ouvriers de France, j’ai eu une révélation », clame d’emblée Gaëtan Perulli. Il voulait même cumuler les trois casquettes de boulanger-cuisinier-pâtissier, il a donc fallu faire un choix : direction les fourneaux. Cependant sa vocation aurait pu être contrariée par le système éducatif. « Au collège, j’avais d’excellentes notes et mes professeurs me disaient de choisir une autre filière », déplore le Normand. Il ne se débine pas et s’inscrit dans une école hôtelière située à Louviers, mais là encore les enseignants s’en mêlent : « J’obtiens mon BTS en gestion et comme j’étais bon dans cette matière, un de mes professeurs me conseille de poursuivre dans cette voie. « Tu verras, tu gagneras mieux ta vie et ce sera plus simple » », assène-t-il. Le chef cuisinier doute, alors pour se laisser le temps de réfléchir, il décide de partir en Australie afin de parfaire son anglais tout en faisant ce qu’il aime profondément, cuisiner. L’aventure va vite devenir rocambolesque.

« J’étais embauché au Hilton de Sydney et je préviens l’horaire et le jour de mon arrivée. Quand je me pointe, la responsable m’annonce qu’elle ne pensait pas que je viendrais donc le poste n’était plus à pourvoir. » Gaëtan est abasourdi. Il a à peine vingt ans, juste assez d’argent pour vivre un mois au pays des kangourous et surtout à 18 000 km de chez lui. Le jeune adulte arrive à survivre en faisant quelques extras mais aucun dans le monde culinaire. Aussi étonnant qu’il puisse paraître, si la cuisine française est reconnue internationalement, ce n’est pas le cas des diplômes et il ne pouvait donc pas postuler dans des établissements locaux. Las, le Normand finit par partir, direction l’Angleterre. Outre-Manche, il collabore avec un ancien chef étoilé, sa passion pour les macarons Michelin naît.

De retour dans l’Hexagone, il veut réitérer cette expérience et atterrit dans les cuisines de Lameloise : « La marche était très haute car je passais de 0 à 3 étoiles mais ce que je voulais avant tout, c’était apprendre mon métier correctement. » Le chef cuisinier fait alors une rencontre déterminante pour la suite de sa carrière, celle de Julien Razemont, qui deviendra son ami et témoin. Après 3 ans dans l’établissement Saône-et-Loirien, il veut se confronter à la Capitale. « Je suis allé à Paris pour travailler avec des chefs exceptionnels comme Davy Tissot, Yannick Alléno, Éric Frechon. Les produits étaient fabuleux mais l’ambiance restait particulière car tout le monde voulait la place de tout le monde », analyse-t-il.

Au début de l’année 2018, alors qu’il vient de décrocher une étoile pour le restaurant Panoramique, Julien Razemont estime qu’il est temps de fonder une famille. Pour gérer la cuisine, il propose un nom à Jérôme Crépatte, le gérant : celui de son ancien complice. Gaëtan n’hésite pas un seul instant et le remplace au pied levé. « J’avais la pression car si je perdais cette étoile, cela serait forcément de ma faute », se remémore l’homme de 37 ans. Il impose sa patte et va profiter du COVID pour trancher véritablement avec son prédécesseur : « Je voulais faire plus de local et Jérôme m’a laissé carte blanche à la sortie du confinement, même si au début il n’était pas très emballé. » Mais ce n’est pas le seul changement. Exit la carte et les plats vedettes dégustés depuis des décennies, place à un menu composé de 3 à 7 plats. « Je trouvais que c’était d’un ancien temps, au grand dam des clients », confie-t-il. Le chef doit donc aller à la rencontre de ses habitués et leur expliquer sa vision des choses.

Des interactions bénéfiques qu’il aimerait pousser encore plus loin : « Je vois la cuisine comme un show. J’aimerais que mon personnel fasse une fin de cuisson, de la découpe, un sabayon ou un dressage devant les clients. » Alors qu’il a réussi à faire perdurer l’étoile du Panoramique, décrocher une deuxième lui trotte un peu dans la tête. Toutefois, Gaëtan Perulli réaliste. Il est conscient qu’il faudra revoir la salle, le mobilier, la vaisselle et que le propriétaire des lieux consente à réaliser des investissements. « Ce serait intéressant car nous en avons encore sous la pédale », conclut-il.