C’est avec le sourire que la centaine de participants se presse sur le terrain du complexe sportif François Pons de Verneuil-sur-Seine, ce jeudi 16 mars. Il est près de 10h30 quand l’échauffement démarre en musique, sous les instructions d’un membre de la Ligue de l’Île-de-France d’Athlétisme. Montées de genoux, flexions, étirements… Croyez-le ou non, mais tout ce petit monde, équipé de dossards, s’apprête bel et bien à participer à un job dating.
Oui, cela peut paraître inhabituel de commencer une journée de recrutement par ces exercices physiques. Mais ce n’est pas tout : recruteurs et demandeurs d’emploi y participent tous ensemble, et ce dans l’anonymat. Associés en équipe, ils participent alors à une matinée sportive allant de la course au lancer de poids en passant par des activités ludiques comme des quiz.
Baptisée « Du stade vers l’emploi » et créée en 2020, cette opération nationale menée par Pôle emploi et la Fédération Française d’Athlétisme, en partenariat avec la Région et la Ville de Verneuil-sur-Seine, troque le CV et la lettre de motivation pour le short et les baskets. Une façon de recruter innovante, car après cette matinée sportive, l’anonymat est levé pour faire place aux entretiens d’embauches durant toute l’après-midi.
« On bouscule les codes, se satisfait Éric Haddad, directeur de l’agence Pôle Emploi de Poissy. On veut recruter autrement, c’est une volonté qu’on a en interne. Les recrutements classiques prennent du temps, il faut sélectionner les candidats, organiser les rendez-vous… Alors que là, on a plusieurs dizaines de candidats qui sont prêts à passer immédiatement les entretiens. Et quand on connaît le calendrier chargé des entreprises, c’est avantageux ». Les postulants ont été pré-sélectionnés en amont par l’agence pisciacaise de Pôle emploi, en fonction des postes proposés par les entreprises, collectivités et administrations participantes.
L’anonymat et la rencontre autour des valeurs du sport permettent également de briser la glace entre les demandeurs d’emploi et les recruteurs, comme le souligne François Boisgibault, directeur général de la Ligue d’Île-de-France d’Athlétisme. « Ce n’est pas toujours facile de candidater juste avec son CV. Ici, les gens viennent et sont eux-mêmes. Notre objectif à nous, c’est de promouvoir les valeurs du sport que sont le partage et l’esprit d’équipe. Ça peut aider à trouver un emploi ! Il faut être soi-même et ne pas tricher. Et ça, le recruteur le remarquera ». Ce n’est pas pour autant qu’il faut voir cette matinée sportive comme une compétition : ce qui compte pour les recruteurs, c’est le respect des consignes, le volontariat, le leadership ou encore le sens du collectif montré au fil des différents ateliers.
L’anonymat permet surtout de mettre tous les participants sur un pied d’égalité, si bien que tout le monde se tutoie. De quoi mettre en confiance les 122 demandeurs d’emploi qui étaient présents dès 8h sur les lieux. Cette complicité nouée durant la matinée permet alors des échanges plus spontanés. « Quand les candidats sont arrivés, on les voyait souriants avec leur tenue de sport, s’enthousiasme Éric Haddad. C’est bien de les voir avec le sourire à l’idée de rencontrer des recruteurs ! Quand on le fait autour d’un ballon ou sur une piste d’athlétisme, on est soi-même. Et quand on a joué à côté de quelqu’un toute une matinée, on a moins d’appréhension à vouloir se vendre ».
Au total, des recruteurs de 12 entreprises étaient présents pour l’événement, parmi lesquelles Lidl (préparateur de commandes, employé libre-service), Keolis (conducteur de bus), Lousantos (Agents d’accueil) ou des agences d’intérim comme Supplay ou Interinser. Même la gendarmerie nationale, le Département et la Ville de Verneuil ont dépêché des recruteurs sur place pour participer à cette journée, où une quarantaine de postes était à pourvoir. À l’arrivée, tous étaient satisfaits du nombre de potentiels candidats ayant postulé à leurs offres.
« Avec 122 candidats pour 12 entreprises, on est sur un ratio cohérent, analyse Éric Haddad. Parfois, on est sur 1 poste pour 500 candidatures ». À l’issue des opérations « Du stade vers l’emploi », environ 60 % des candidats finissent la journée avec un travail. « D’habitude, il y a toujours l’attente où on se demande si c’est passé, si on obtiendra un entretien, ou ne serait-ce qu’une réponse. Là, on fait venir directement les entreprises à eux ».
L’opération trouve tout son sens alors que les Jeux Olympiques de Paris approchent à grands pas. « Le lien avec les Jeux se fait par la pratique sportive, et par le passage d’athlètes sur les différentes opérations, pour montrer l’exemple », ajoute François Boisgibault. Et pourquoi pas, également, attirer de potentiels nouveaux licenciés ? Comme le soulignait une enquête de l’Anses (Agence Nationale de Sécurité sanitaire de l’alimentaire et de l’environnement du travail) en 2022, 95 % de la population française adulte est exposée à un risque de détérioration de la santé, à cause d’un manque d’activité physique ou un temps trop long passé assis.