Trois Métiers d’Art à l’honneur en marge du réveil de la pierre

Depuis novembre, l’ancien hangar de Dunlopillo a un côté royal. Les statues de l’Orangerie du château de Versailles – représentant les quatre couples mythologiques Aurore et Céphale, Vertumne et Pomone, Flore et Zéphyr et Vénus et Adonis – passent entre des mains expertes afin de retrouver leur lustre d’antan. Ce sont ces mêmes mains qui sont mises en valeur lors des Journées Européennes des Métiers d’Art (du 27 mars au 2 avril). Trois professions – une restauratrice de sculpture, un tailleur de pierre et une plasticienne – détaillaient les particularités de leurs métiers.

Commençons par Anne-Laure Goron, la restauratrice, se qualifiant elle-même de « grande généraliste ». En effet, entre la confection de colles, de systèmes de levage ou de maintien pendant une prise, des connaissances en chimie, en science des matériaux et en mécanique sont indispensables. « Nous sommes des apprentis ingénieurs car nous devons être créatifs sur des problématiques toujours différentes » s’amuse Anne-Laure. Mais si elle doit à la fois conserver et préserver les œuvres, le crédo de son travail est d’intervenir le moins possible : « Plus nous rajoutons des matériaux, moins le vieillissement sera uniforme. » Toutefois, en cas de rajout, elle s’applique à utiliser des méthodes réversibles. « Si mon collage a mal vieilli, je pourrais le défaire et le remplacer par un meilleur » explique-t-elle. Par ailleurs, elle donne un coup de fraîcheur à des créations centenaires : « La pierre a un côté vivant et elle forme un calcin – une sorte de grosse croute noir –pour se protéger de la pollution. Alors pour la retirer, nous utilisons un micro-sablage ou du laser pour les zones très fragiles ».

Os, muscles puis peau ont été imaginés pour donner cette impression de réalisme.

Alors qu’il s’applique à imiter la vannerie d’un panier grâce à son maillet et son poinçon, Hugues de Bazelaire prend le temps d’expliquer sa passion pour l’un des plus vieux métiers du monde. Si un atavisme le prédisposait à ce travail – « une famille composée d’un tier d’artistes, aussi bien des architectes, des écrivains que des peintres » – son envie viscérale de perpétuer la tradition a vraiment démarré lorsqu’il a commencé à aider un ami de ses parents, artisan maçon. Adieu la licence de droit, bonjour l’Histoire de l’art à l’école du Louvre. Pour ceux qui se demandent toujours à quoi les mathématiques peuvent bien servir, l’art de la taille est une parfaite réponse à leurs questionnements. La géométrie reste très présente puisqu’équerres, compas et règles sont nécessaires pour réaliser des pièces.

Malgré ses années d’expérience, le septuagénaire craint toujours le coup qui « casse ». « Michel Ange abhorrait le donner, c’est pour cela qu’il a fait plein d’inachevés » rappelle-t-il. Une problématique que n’a pas la plasticienne Marine Auvray. « L’argile a cet avantage. Nous pouvons nous tromper, tant que ce n’est pas sec, les corrections sont possibles » sourit-elle. Le modelage se fait par addition, en partant de l’intérieur vers l’extérieur. « Il faut penser à la morphologie. Là pour le pied, j’ai commencé par les os, le calcanéum, ensuite j’ai rajouté les muscles puis la peau pour donner cette impression de réalisme » explique la modeleuse. Par ailleurs, même si elle n’intervient pas sur la rénovation des statues de l’Orangerie, un de ses confrères d’antan a dû être intégré au processus de fabrication : « Avant pour faire de grandes sculptures, des esquisses était faites en argile, sans pour autant aller trop dans le détail mais pour donner les formes et l’intention. »