Les 1001 voix de Donald Reignoux

Le « c’est pô juste » de Titeuf, les théories abracadabrantesques de Reese dans Malcolm, les blagues de Spider-Man – et Kamek le magicien dans Super Mario Bros. le film qui sort aujourd’hui dans les salles obscures – une multitude de personnages distincts mais une seule voix : celle de l’Yvelinois Donald Reignoux. S’il fait partie des têtes de gondoles du doublage français, sa carrière a débuté un peu par hasard. « J’ai eu l’opportunité de rencontrer Claude Lombard qui s’occupait des versions françaises de chansons de dessins animés. Un jour, elle est tombée sur quelqu’un qui cherchait des enfants pour faire des doublages, elle a proposé mon nom et j’ai été pris » raconte le comédien.

Il doit donc apprendre sur le tas – « Il n’y a pas d’école de doublage. Quand tu es adulte, tu prends des cours de théâtre puis tu te spécialises sur cette partie » – avec l’obligation de se glisser rapidement dans la peau de ses personnages et de capter leurs émotions, un exercice stressant que Donald apprécie fortement. Mais tout ceci aurait pu s’arrêter lors de son adolescence. Cette période ingrate de la vie correspond à un déferlement d’hormones qui entraînent un changement de musculature, des pics de croissance et la voix qui mue. Il doit composer avec cela alors qu’il assure le doublage d’une série Disney « Les sorciers de Waverly Place ». « Tu te retrouves en galère car tu disposais d’un mode d’emploi et là tu le perds complètement. Il faut se réapprendre, se réapprivoiser. J’ai des amis qui n’ont pas su passer ce cap. Même moi j’étais proche de me rater » confie-t-il.

Par ailleurs, il admet volontiers que sa réussite tient à une part de chance, notamment dans le fait d’être le doubleur attitré d’Andrew Garfield : « Le bon endroit au bon moment. Un acteur débute sa carrière, tu es casté à ce moment-là. Par exemple mon pote Hugo Brunswick a été choisi pour doubler Tom Holland sur les Marvel et finalement il le suit partout. »

Si sa voix est reconnaissable entre mille – « Une fois j’étais au téléphone et une personne a tiqué. Et je l’entendais dire derrière : « Tu ne sais pas qui je viens de croiser » » se souvient-il – son visage reste peu familier, mais cela ne lui pose aucun souci. « De toute façon, je n’aurais jamais eu ces grands rôles en France. Chaque jour, chaque semaine, chaque année, on me propose des personnages de ouf » analyse le quarantenaire. Toutefois, avec les réseaux sociaux, sa notoriété ainsi que celle de ses pairs ont bondi. Richard Darbois, feu Patrick Poivey et Jacques Frantz restent des monstres sacrés dont les noms raisonnent pour bon nombre d’afficionados du 7ème art dorénavant. Autre phénomène nouveau : les vocations engendrées. « Avant c’était ringard de faire du doublage, maintenant les gens veulent en faire avant de tourner » confie Donald.

Finalement, un côté « in » utilisé par certaines sociétés de production cinématographique pour faire du « startainment », c’est-à-dire embaucher des vedettes de n’importe quel milieu pour qu’elles posent leurs voix. Une pratique que ne condamne pas le doubleur si c’est fait intelligemment : « Un footballeur qui vient faire un rôle de super héros, c’est un peu embêtant. Mais par exemple pour Bob l’Eponge, Squeezie et Cyprien incarnaient deux mouettes sur un passage très court, cela a permis de mettre en lumière le film. Ce qui a poussé des gens à voir le film dans son entièreté. »

Par ailleurs, le comédien a une autre passion : le gaming. À la base joueur de Counter Strike, il a délaissé le FPS pour les open world comme Assassin Creed et essaie d’en profiter entre son travail, ses émissions et quand ses enfants « ne squattent pas la salle de jeu ». Si son emploi du temps ne lui permet donc plus de « geeker » comme avant, il a donc réussi à remettre un pied dedans en doublant un des personnages de Super Mario.