Comment combattre le sexisme et les violences faites aux femmes ?

Crédits : Women Safe and Children

#Metoo, #BalanceTonPorc, autant de hashtags qui ont permis à la parole des femmes de se libérer. Durant cette vague, le gouvernement français a enfin commencé à mettre les moyens dans la lutte pour l’égalité femme/homme, notamment en la déclarant comme une grande cause nationale des deux quinquennats. Mais, cinq ans plus tard, alors que nous devrions fêter des noces de bois d’un mariage heureux et de raison, si l’arbre de la parité pousse – notamment avec la nomination d’une nouvelle Première Ministre et d’une cheffe du Perchoir à l’Assemblée Nationale – la mauvaise herbe est toujours là.

Le 5ème rapport du Haut Conseil à l’égalité des femmes et des hommes a rendu son verdict fin janvier avec une constatation effarante : le sexisme ne recule pas en France. Dans les chiffres édifiants, nous retrouvons la hausse de 21 % du nombre de victimes de violences conjugales entre 2020 et 2021 ainsi la hausse des féminicides, 122 contre 102 sur la même période. « Pour construire un monde égalitaire, il faut d’abord en finir avec les violences sexistes, sexuelles, intrafamiliale… C’est l’urgence première, » souligne Annabelle Baudin, responsable du Pôle communication de l’Institut Women Safe and Children.

Pionnier français sur la prise en charge pluridisciplinaire des victimes

L’Institut alerte sur une augmentation inquiétante des demandes d’accueil et de prise en charge des victimes de violences. En 2022, il a en effet accueilli et accompagné 903 victimes de violences, soit 203 bénéficiaires de plus que l’année précédente, auxquels s’ajoute la hausse du nombre d’appels vers les cellules d’écoute : 12 000, soit 30 % de plus qu’en 2021. Cette explosion est due à la « promotion » des actions comme le 3919 (un numéro gratuit à l’écoute des femmes victimes de violences et anonymes) ou du 119 pour les mineurs.

Afin de « réparer les vivantes », WSC mise sur la prise en charge pluridisciplinaire – c’est même le pionner français en la matière – un service totalement gratuit. Juristes, avocats, psychologues, infirmières et médecins sont réunis dans le même lieu et œuvrent ensemble pour apporter une réponse cohérente et immédiate aux femmes en situation de souffrance afin de leur éviter un parcours du combattant. « En 2014, il nous semblait vital d’innover en centralisant dans une même unité toutes les compétences nécessaires afin d’être en mesure de suivre les femmes de façon constante, et sur tous les plans » précise Frédérique Martz, co-fondatrice de l’institut et Présidente de l’Archipel Wo.Men Safe.

Women Safe… and Children

Trois ans plus tard, Women Safe and Children crée un Pôle Mineurs. « Lorsqu’une mère de famille vient frapper à notre porte, nous considérons que tout son environnement est ou peut être impacté par les violences qu’elle subit. La prise en charge doit donc tenir compte de cet environnement » explique Annabelle Baudin, avant d’ajouter, « le fait de prendre en charge le plus tôt possible les enfants, évitera que ces enfants deviennent, demain, à leur tour, des auteurs de violences. » En effet, les multiples études et retours sur le terrain démontrent qu’une personne violente a tendance à avoir été violentée durant sa jeunesse. Et si elle ne reproduit pas le comportement auquel elle a dû faire face, d’autres manifestations néfastes peuvent surgir comme les addictions à diverses substances ou une inadaptation sociale. « Si nous mettons des mots sur les maux, nous brisons ce schéma de violence et nous réglons le problème » ajoute la responsable de la communication. Le travail sur les plus jeunes est donc de la plus haute importance.

C’est pour cela que dans un collège de Mantes-la-Ville, Hanane Haddadi, la coordinatrice du programme de Réussite Educative a mis en place avec des animateurs un atelier pour parler de l’égalité femme/homme. La première séance consistait à écrire la biographie d’une personne du sexe opposé. « Ce n’était pas compliqué, cela ne me dérange pas de parler de femmes qui ont fait des choses qui m’ont plu » avoue Martin* dont le choix s’était porté sur Hiromu Arakawa, la mangaka créatrice de Fullmetal Alchemist. Parmi les autres personnalités choisies parmi la petite dizaine d’adolescents, nous retrouvions Frida Kahlo, Anne Franck ou Simone Veil.

« En 2014, il nous semblait vital d’innover en centralisant dans une même unité toutes les compétences nécessaires afin d’être en mesure de suivre les femmes de façon constante, et sur tous les plans » précise Frédérique Martz (à gauche), co-fondatrice de l’institut et Présidente de l’Archipel Wo.Men Safe.
Crédits : Women Safe and Children

Une autre heure était consacrée à un mini-débat sur des stéréotypes qui peuvent persister comme la place du deuxième sexe dans la société. « C’est une question vaste, mais c’est vrai qu’on entend encore beaucoup que la place de la femme est dans la cuisine ou pas sur les champs de bataille » s’étonne Rémi*, « alors que beaucoup de chefs cuisiniers sont des hommes » indique Marjolaine*. Ce qui permet d’enchaîner sur les études puisque 15 % des femmes ont déjà redouté voire renoncé à s’orienter dans les filières scientifiques ou tout autre domaine majoritairement composé d’hommes. « Alors qu’il n’y a aucune prédisposition. C’est un mensonge de la société, c’est comme dire que le rose est une couleur de fille » s’exclame Rémi.

Mais Martin reste dubitatif puisqu’au contraire lui estime qu’un métier physique doit être fait par un homme tandis que ceux à composante artistique restent l’apanage de l’autre frange de la population. Il se défend de tout sexisme, « simplement des constats, comme la place du sport féminin à la télévision. Elles font moins d’audience, le business n’a pas de sexe. » Une réflexion pas forcément étonnante puisque le rapport du Haut Conseil à l’égalité des femmes et des hommes pointe que parmi les hommes de moins de 35 ans, il existe un ancrage plus important des clichés « masculinistes ». Par exemple 32 % d’entre eux considèrent que le barbecue est une affaire d’homme contre 23 % pour la moyenne des hommes. Heureusement que le match des Bleues contre le Canada, qui a réuni 1,4 million de téléspectateurs sur une chaîne de la TNT démontre que l’intérêt est bel et bien vivace. Alors pourquoi l’interrogation de Martin subsiste ? Puisque si l’Éducation Nationale nous apprend l’égalité, d’autres environnements n’encourageraient pas cela ? « Mes sœurs et moi nous ne pouvons pas sortir le soir alors que mes grands frères si » explique Marie*.

Des formations pour mieux comprendre

Le chemin reste donc long et il serait utopique de penser que les mentalités changeront en un claquement de doigt. C’est donc à cela que servent ces ateliers et aussi les formations. En 2022, Women Safe and Children a formé 250 policiers yvelinois à l’accueil et au recueil de la parole d’une victime. Lorsqu’une femme victime de violence désire porter plainte, son cerveau peut être impacté par ces violences. Ses propos peuvent être confus et il existe aussi une forte probabilité qu’elle se rétracte car en moyenne une personne battue réalise 7 allers retours au commissariat avant de porter plainte. Une meilleure compréhension de ces éléments évite toute stigmatisation.

Women Safe and Children intervient également dans les universités dans le but de former des « premiers écoutants », c’est-à-dire des référents recueillant les propos des victimes de violences et réalise la même chose dans diverses entreprises. « Nous souhaitons transmettre à tous les citoyens, de l’école jusqu’au monde de l’entreprise, des éléments de compréhension et des outils pour repérer, dépister et orienter le plus tôt possible, les victimes de violence » détaille Annabelle.

L’Institut Women Safe and Children développe dorénavant sa politique d’essaimage car les femmes prises en charge dans les Yvelines proviennent de 51 départements, d’où les ouvertures en 2022 de deux nouvelles antennes en Corse du Sud en Haute Savoie. Une grande priorisation va être faite sur les zones rurales, où les victimes sont les plus isolées. En effet, les zones rurales souffrent de caractéristiques qui entravent la détection des violences et la prise en charge des victimes : zones blanches – où le téléphone grave danger ne peut pas fonctionner ou les petits villages dans lesquels tout le monde se connaît, etc., 50 % des féminicides sont perpétrés dans ces zones rurales.

Il existe aussi de nombreuses autres associations locales qui réalisent aussi un travail formidable. Que vous soyez vous-même victime ou alors témoin, n’hésitez donc pas à faire appel à ces ­associations.

* Les noms ont été changés