Le retour en lumière de Maximilien Luce

Les impressionnistes portaient bien leur nom : un style de peinture qui cherchait plus à attirer l’œil grâce à des coups de pinceau en virgule et des couleurs vives. Le néo-impressionniste, lui, ne vise pas la surenchère visuelle mais l’aspect naturel. « Ils vont remettre un peu de science et de rigueur dans leurs œuvres. Maximilien Luce réalisait ses croquis lorsqu’il était en pleine nature mais reprenait ensuite son travail en atelier » explique Jeanne Paquet, directrice du musée de l’Hôtel-Dieu de Mantes-la-Jolie, « Puis il appliquait sa peinture par petit point en opposant des couleurs complémentaires afin de faire ressortir la lumière. C’est une réflexion nourrie. » Ce qui permet d’avoir des tableaux au caractère entier, à l’instar de son créateur.

Né dans un milieu modeste parisien, Luce n’a pas été contrarié par ses velléités artistiques et n’a surtout pas oublié ses racines ouvrières. S’il démarra sa carrière en tant que graveur sur bois en 1872 – lorsqu’ Henri-Théophile Hildibrand le prend en tant qu’apprenti – il abandonne canifs et burins quinze ans plus tard pour plusieurs raisons. L’une d’entre elles est complètement mercantile, la photographie commence à apparaître, ce qui sonne le chant du cygne pour la gravure. Par ailleurs, en visitant le salon des peintres des indépendants – organisme dont il sera plus tard vice-président puis président – il fait la rencontre de Georges Seurat, l’inventeur de la technique dite divisionniste. Et c’est à partir de cette même année qu’il commence à fournir des dessins et des caricatures, qu’il se gardait de signer – à plusieurs journaux tels la Révolte, Les Temps Nouveaux et le Père Peinard. « Il avait un sacré caractère, cela se voyait dans ses lettres. Un peu bourru mais unanimement considéré comme quelqu’un de fidèle » rappelle Jeanne Paquet. Fidèle en amitié mais aussi à son pays. Si le peintre était profondément antimilitariste, il était contre l’invasion allemande lors de la première guerre mondiale d’où ses peintures de soldats français à la Gare de l’Est en partance pour le front. De plus, lors de la seconde guerre mondiale, il a manifesté contre l’interdiction d’exposer les artistes juifs.

Le promeneur des champs

Maximilien Luce n’a pas la renommée d’un Vincent Van Gogh mais peut au moins se targuer d’avoir pu vivre grâce à son art. « Au début, c’était laborieux, il l’avouait dans ses correspondances. Comme beaucoup d’artistes de son époque il vivait dans une chambre modeste de Montmartre » confie la directrice du Musée. Mais par la suite, s’il ne vivait pas dans l’opulence, il ne manqua de rien, ce qui lui permettait même d’effectuer de nombreux voyages. Londres mais surtout les Pays-Bas et la Belgique, où, en dehors des paysages, il prend plaisir à peindre le fourmillement ouvrier des usines ainsi que le port de Rotterdam.

Il découvre la région mantaise en 1917 grâce à des amis habitant Rolleboise où il finit par s’installer. C’est également dans cette commune que se situe sa sépulture. Son fils, Frédéric, lègue en 1971 à la ville de Mantes-la-Jolie les tableaux qu’il avait encore en sa possession et qui font partie de l’exposition permanente dédiée à son père. Mais pour redonner l’envie de revoir – ou simplement voir – les peintures de Maximilien Luce, le musée de l’Hôtel-Dieu a fouillé dans les cartons de l’Institut national de l’histoire de l’art. « 165 estampes sont stockées à Paris mais nous voulions proposer des œuvres différentes des nôtres » précise Jeanne Paquet. 18 d’entres elles n’attendent donc qu’à être admirées et de remettre Maximilien Luce dans la lumière.