Les troubles du comportement alimentaire en toile de fond du concours d’éloquence

Pendant que le monde prend place dans le théâtre de l’espace Coluche à Plaisir, 18 collégiens s’échauffent avant de monter sur l’estrade. Vocalises, exercices de détente et étirements, la voix se doit d’être la plus claire possible afin de faire mouche. Ils doivent également faire abstraction des 500 paires d’yeux rivées sur eux lors de leur argumentaire. Mais une fois à l’intérieur, l’un des participants perçoit déjà cette pression. « On va se c***r dessus » s’exclame-t-il en regardant un de ses camarades. Heureusement, grâce aux discours protocolaires, ils ont encore du temps pour rester dans leur bulle avant le grand saut. Hélène Farret Cassegrain, fondatrice de l’association ImproActif qui a aidé les élèves à préparer ce concours d’éloquence, félicite tous ceux qui s’étaient lancés dans cette aventure : « Il y avait un engagement total, ce qui a permis d’avoir des cours bouleversants où ­chacun repoussait ses limites. »

Pour cette troisième édition, la thématique retenue était « N’en faites pas tout un plat », cocasse lorsque nous apercevons le nom de l’écrin de cet événement : Coluche, fondateur des Restos du Cœur et qui avait dit en son temps « Dieu partage en 2 : les riches auront de la nourriture, les pauvres de l’appétit. » Mais c’est une autre problématique qui a retenu l’attention des adolescents : sur les quatorze collèges en lice, neuf ont choisi de répondre à la problématique « Pourquoi les troubles alimentaires touchent-ils de plus en plus d’adolescents. » Pas vraiment une surprise et cela pour plusieurs raisons. D’après la Haute Autorité de Santé, les TCA touchent 3 à 5 % de la population française mais c’est chez les 15-25 ans qu’ils font le plus de dégâts : 2ème cause de mortalité chez cette catégorie de la population après les accidents de la route. Par ailleurs, de nombreuses jeunes filles se sont emparées du sujet qui les concernent grandement. Toujours dans la même catégorie d’âge, elles représentent les 95 % des personnes concernées. De plus l’adolescence reste une période compliquée de la vie durant laquelle le corps change sans notre consentement.

Aimez-vous comme vous êtes

« Pour ressembler à Kelly Jenner, nous sommes prêts à faire des régimes infâmes et prendre des protéines immondes » assène une première candidate, « pourtant nos influenceuses ou influenceurs préférés ont tous une batterie de nutritionnistes autour d’eux. » Mais également une flopée de chirurgiens s’adjugeant un mètre de plus sur leur bateau à chaque coup de bistouris. Les mots décochés sont des flèches : « Difficile aussi de se nourrir sainement, entre les repas sur le pouce et ceux issus de l’industrie agroalimentaire, peu chers mais saturés en sel, provoquant obésité et autres dérèglements hormonaux » s’exclame une autre. Une troisième, plus grave, narre la vie de son meilleur ami anorexique, un mal qui touche 40 000 adolescents. « Je l’ai vu maigrir de jour en jour. Puis transféré dans un hôpital dans un état critique, et enfin en thérapie pour véritablement s’en sortir » scande-t-elle avec émotion.

Membre du jury, Cécile Dumoulin, vice-présidente du Conseil départemental déléguée aux collèges et au numérique scolaire a bien entendu les discours énoncés. « Aujourd’hui il manque surtout des psychologues au sein des établissements scolaires mais nous avons des chargés de prévention dans une trentaine de collèges qui peuvent intervenir auprès des familles » explique-t-elle. La conseillère municipale de l’opposition limayenne esquisse quelques solutions pour résoudre cette problématique : « Nous pourrions profiter de la distribution des tablettes dans les collèges pour évoquer les méfaits des réseaux sociaux ou voir avec C’Midy (le service de cantine des collégiens géré par le Département, ndlr) ce qui est consommé ou non par les élèves. »

En attendant les actions concrètes, le jury a pu effectuer ses délibérations sur les argumentaires les plus percutants. Aux lauréats bien nés dont la valeur n’a pas attendu le nombre des années, félicitons Soumaya (collège Rene Cassin Chanteloup-les-Vignes), Gabriel et Marie (tous deux au collège les 3 Moulins à Bonnelles) qui ont reçu respectivement le trophée pour l’éloquent vainqueur de l’argumentaire, celui du vainqueur du duel, et le coup de cœur du Département.