Trottinettes électriques : bannies à Paris, bénies en Yvelines ?

Le 2 avril, les bureaux de vote parisiens ouvraient dans le cadre d’une votation citoyenne afin de statuer sur l’avenir des trottinettes électriques en libre-service dans la Capitale. Celles-ci n’ont pas bonne presse à l’intérieur de la zone délimitée par le périphérique puisqu’elles ont été impliquées dans 408 accidents en 2022, dont trois mortels, et engendré 459 blessés. Parmi les 103 084 personnes – soit moins de 7,5 % des électeurs inscrits – qui ont pris le temps de se déplacer, 89,03 % d’entre eux ont glissé un bulletin « non », sonnant le glas des contrats des entreprises Lime, Dott et TIER Mobility pour la fourniture de ce type de mobilité douce. Et pourtant, un mois plus tard, le dernier cité peut tirer son épingle du jeu à une dizaine de kilomètres de la ville dont il vient d’être évincé.

« Si Paris n’a pas réussi, c’est parce que l’équipe municipale n’a pas cherché à traiter les problèmes. Nous n’allons pas condamner un service qui marche dans d’autres communes parce qu’une seule s’est ratée » se défend Eddie Aït avec son franc parler habituel. Déjà présent dans les cartons de la communauté d’agglomération bien avant son arrivée en tant que vice-président délégué aux mobilités, ce projet a déjà dû franchir un obstacle interne. « Plusieurs maires étaient réticents à cause des contre-exemples de la Capitale, alors mon homologue de Saint-Quentin-en-Yvelines, Jean-Baptiste Hamonic, leur a expliqué comment cela se passait au sein de ses communes » raconte l’édile carriérois. Une étape franchie avec la présence de nombreux garde-fous assurant la tranquillité de chacun.

Servir et protéger

« TIER Mobility a été choisi après une consultation publique pour laquelle ils ont pris les engagements qui étaient les nôtres » justifie Eddie Aït. Parmi ces réclamations, la présence d’un casque sur la flotte de trottinettes électriques (un tiers des trottinettes dispose de casques et 100 % de la flotte est équipée de dispositifs de sécurité), la prise en charge des assurances en cas d’accident, les immatriculations et l’accès interdit aux mineurs. Les forces de l’Ordre ont donc été formées et sensibilisées afin de verbaliser les contrevenants aux règles de circulation et de stationnement et un dispositif de vérification de pièce d’identité avec reconnaissance faciale contrôlera l’âge des usagers. Sinon le compte sera bloqué après trois trajets sans vérification. Par ailleurs les trottinettes seront bridées. « Nous [à Carrières-sous-Poissy], nous avons limité à 15km/h pour toutes les rues proches d’équipements publics. Il n’y a que les zones de rabattement vers les gares à 20km/h. Nous avons même interdit l’accès à certaines zones piétonnes » détaille le vice-président mobilités de GPSEO.

Implantation des zones de stationnement à Mantes-la-Ville et Mantes-la-jolie. Crédits : GRAND PARIS SEINE ET OISE

Si toutes ces conditions ont été imposées, c’est parce qu’une bonne frange de la population a peur. Prenons par exemple la concertation publique organisée par les Mureaux entre le 6 et 24 mars, 53,4 % des 404 personnes qui y ont répondu se sont montrées défavorables à la mise à disposition des trottinettes électriques même si plus de la moitié reconnaissait qu’elles peuvent simplifier les déplacements dans la commune muriautine. Un chiffre à corréler avec 74,3 % favorables au port du casque obligatoire et donc à une sécurité accrue. Quant aux concitoyens d’Eddie Aït, « pour le moment je reçois surtout des mails sur le fonctionnement alors que je pensais plutôt faire face à des ­réclamations. »

Des images d’horreur trottent également dans les têtes des personnes lorsque le mot trottinette électrique est prononcé : leur amoncellement partout par terre empêchant même parfois les piétons de circuler. Mais, grâce à un système de géolocalisation, la facturation d’une course ne prendra fin qu’une fois l’engin correctement garé dans les 225 aires de stationnement dédiées. Ce dispositif vise à assurer une bonne intégration du service dans l’espace public. Maillées au réseau des gares et complémentaires à l’offre de bus, les stations ont été définies pour privilégier la desserte des centres-villes, des commerces et des principaux équipements et services publics. « Je pense même que nous avons sous-dimensionné certains espaces… » avoue Eddie Aït. Autre atout pour éviter une tour de Babel faite de trottinettes usagées : un téléphone et un mail seront mis à disposition pour signaler les dispositifs abandonnés, TIER Mobility s’engageant ensuite à les réparer à Orgeval. Et dernier point et pas des moindres, l’opérateur se chargera des recharges et non des personnes tierces. « Nous voulons prouver qu’il y a une démarche responsable » insiste l’édile. Au sein de sa commune, Eddie Aït a également mis en place des formations à destination des collégiens et des lycéens afin d’apprendre à partager la route. Car si le service fourni par TIER Mobility ne s’adresse qu’aux majeurs, les mineurs peuvent débouler avec leurs propres machines non bridées.

Un petit ruisseau annonciateur de grandes rivières ?

Les trois pôles urbains qui pourront donc jouir de ces nouveaux dispositifs sont : Mantes-la-Jolie et Mantes-la-Ville, Les Mureaux, Meulan-en-Yvelines et Hardricourt, et Poissy et Carrières-sous-Poissy. Des villes choisies de par leurs commerces et des gares assez proches afin de réduire l’utilisation de la voiture sur les derniers kilomètres. Grâce à cela, la communauté urbaine va même se dégager des recettes en plus, puisque Tier Mobility s’acquittera d’une redevance pour l’occupation de l’espace public via les zones de stationnement, et se paiera via la location des trottinettes et vélos électriques : ce service sera facturé 1 euro le déblocage + 0,20 euro/minute pour les trottinettes, et 1 euro le déblocage + 0,23 euro/minute pour les vélos. Des tarifs spéciaux, solidarité, étudiants et des forfaits seront ­également ­proposés par l’opérateur.

Au lancement de l’opération, 1 050 trottinettes et 350 vélos électriques seront accessibles en libre-service dans l’ensemble du territoire de GPSEO. Une montée en charge progressive du nombre de vélos est prévue pour atteindre un objectif de 650 d’ici fin 2023. De plus la communauté urbaine poursuit le développement du réseau cyclable existant (290 km), avec un objectif de 126 km nouveaux créés à l’horizon 2026 répartis sur l’ensemble du territoire. « Je suis confiant, de toute façon il y a des clauses de revoyure régulières pour étudier le modèle économique ainsi que ­l’utilisation » conclut Eddie Aït.