Une tradition qui fait honneur aux Yvelines

Quand Vincent Bescher annonce à David Babin qu’il vient de remporter la 13ème édition de la meilleure baguette tradition des Yvelines, le salarié refuse de croire son patron. « C’est de sa faute aussi, il me fait tout le temps des blagues » se justifie-t-il. Le dirigeant de la maison Xavier de Triel-sur-Seine doit alors appeler le président de la chambre des Yvelines pour qu’il l’annonce de vive voix à l’employé toujours médusé. « Et même là je suis resté sur mes gardes car Vincent est capable de demander à un de ses amis de se faire passer pour quelqu’un d’autre » lâche-t-il.

Les deux hommes avaient participé au même concours le 21 avril, chacun dans leur catégorie respective – dirigeant pour l’un, salarié pour l’autre – et devaient répondre à des critères bien précis : la cuisson, l’alvéolage et le poids de la fameuse baguette, qui doit être compris entre 250 et 265 grammes cuites. Et David sait pourquoi seul l’un des deux est reparti avec la coupe à la maison : « Les arômes se développent en fin de cuisson. Les baguettes blanches c’est mou, c’est fadasse. » « Je voulais présenter le produit que les clients achètent tous les jours, mais c’est vrai que nous étions notés par des boulangers » explique Vincent.

En dehors de la cuisson, c’est aussi le levain qui va donner toute la saveur à la baguette. « C’est comme un bébé, il doit être choyé. Il faut qu’il soit réalisé 48 h à l’avance grâce à la fermentation de raisin ou de cidre. Puis le pétrin dans lequel il est incorporé doit rester dans une chambre froide à 8 degrés durant 24h » explique le récipiendaire du trophée. Un processus de fabrication minutieux peu respecté de nos jours puisque la majorité des baguettes sortent de leur espace de stockage au bout de trois heures. De plus, se réhabituer à avoir une croute épaisse permettrait aussi d’avoir un comportement plus responsable. « Nos arrière-grands-parents achetaient des pains énormes qui tenaient la semaine car l’air rentrait difficilement dans la mie » rappelle Vincent.

En finir avec l’expression « voie de garage »

Obtenir ce prix est aussi une consécration pour David Babin. Alors qu’il a à peine 15 ans, il se dirige tout d’abord vers des études de restauration. Mais « feignant car il fallait connaître 90 recettes par cœur », il s’essaie à la boulangerie… mais ce n’est pas concluant. « Je me retrouve pâtissier et lorsque je me mets à mon compte, je m’y remets car c’était difficile de retrouver du personnel qualifié » avoue-t-il. Sur ce dernier point, il regrette que bon nombre de jeunes soient envoyés dans les filières professionnelles afin d’éviter de faire chuter la moyenne du général. « Le slogan c’est l’Artisanat, première entreprise de France, mais finalement il faut voir le manque de considération pour nos métiers » regrette le ­cinquantenaire.

Finalement après une décennie et demi de patronat, il repasse derrière le comptoir, las de laisser 52 % de ses recettes à l’État et passer son temps à la recherche de personne motivée pour l’accompagner dans cette aventure. « Là au moins je gagne de l’argent pour moi » scande-t-il. C’est ainsi qu’il entre au service de Vincent qui venait de reprendre la boulangerie de Triel-sur-Seine depuis août.

Après cette victoire, le patron n’en a pas fini avec les concours : « Cela va nous donner un coup de pub et je veux tous les faire afin d’attirer les projecteurs sur notre boutique car mine de rien nous sommes dans une petite commune et il faut tirer notre épingle du jeu. » Et au-delà de l’aspect compétition, il avoue sans mal que se confronter à d’autres artisans permet de se remettre en cause et de continuer d’améliorer ses produits. En attendant d’autres concours, les deux hommes vous donnent ce conseil pour déguster une baguette tradition : ils s’accordent à l’aimer chaude en sortie de four mais l’un mettra que du beurre tandis que l’autre ajoutera un peu de gros sel « pour son côté normand » avoue Vincent. À consommer presque sans ­modération.