Fatima Saadan : « Garantir la réussite de nos jeunes pousses »

Crédits : EIAPIC / Valentin JOREL

Qu’est-ce que cela fait de recevoir cette distinction ?
C’était inattendu et très émouvant. Au-delà de la médaille elle-même, c’est une marque de reconnaissance de notre République sur le travail effectué sur le territoire. Au-delà de ma personne, c’est la mise en valeur d’un quartier – celui des écrivains au Val-Fourré dans lequel j’ai grandi et fait ma scolarité – de l’éducation de ma famille – des immigrés marocains venus de leur village berbère pour venir travailler dans les mines du Nord – et de toutes les personnes qui accompagnent EIAPIC au ­quotidien.

Comment avez-vous été nommée ?
C’était une proposition de l’ancienne ministre déléguée chargée de la Ville Nadia Hai. Nous nous étions rencontrées en pleine crise sanitaire en septembre 2020 lorsqu’elle avait invité des associations qui avaient permis d’assurer un suivi scolaire pendant la pandémie. Techniquement, mon nom fait partie du décret de novembre 2021 mais seule la cérémonie valide officiellement cette distinction.

Qu’est-ce qui vous a amenée à prendre la direction d’EIAPIC ?
J’ai connu l’association quand j’étais étudiante à Nanterre en 1998. Je faisais du soutien scolaire puis en 2008 on m’a demandé de prendre la direction. J’ai accepté et il a fallu donc que j’apprenne les volets ressources humaines, comptables et administratifs d’EIAPIC. Cela n’a pas été toujours facile mais je m’en suis sortie.

D’ailleurs quel est le rôle de cette association ?
Elle a été créée en 1987 par Najib El Arouni, ancien enseignant au lycée Saint-Exupéry de Mantes-la-Jolie mais également à Science Po et l’ENA. Par ailleurs, il a été chargé de mission au ministère de la ville et travaillait aussi pour la CAMY (ancienne communauté d’agglomération avec l’apparition de GPSEO). Il avait constaté qu’il y avait beaucoup de redoublements dans les petites classes et était conscient des difficultés de certaines familles du Val Fourré d’apporter un cadre propice au travail. À la base soutien scolaire mais maintenant nous réalisons également du soutien à la parentalité.

Pourquoi cette diversification ?
Les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Si nous arrivons à les concerner, leur aide sera forcément plus impactante que la nôtre. Quand un enfant vient nous solliciter, nous lui faisons signer une charte d’engagement avec ses parents. Même si nous apportons ce que l’école n’a pas forcément le temps de faire et/ou ce que les parents ne peuvent pas apporter non plus, il faut que cela soit un cercle vertueux afin de garantir la réussite de nos jeunes pousses.

Puisque vous parlez réussite, vous avez également des projets en lien avec cela.
Nous avons créé « le parcours d’excellence », un cycle d’accompagnement des familles et de préparation des jeunes à l’entrée dans les sites d’excellence. Tout est parti d’une rencontre fortuite avec un gendarme qui travaillait au lycée militaire de Saint-Cyr-l’École qui s’étonnait de ne voir aucune personne issue du Val-Fourré alors que depuis 2012, Jean-Louis Borloo avait lancé le plan espoir banlieue. Nous avons alors envoyé 5 personnes passer le concours à Vincennes. Tous ont été pris mais seulement 3 ont intégré le lycée car les deux autres n’avaient pas la nationalité française, une condition obligatoire pour faire partie de cet établissement. Nous visitons aussi les campus d’HEC ou d’autres grandes écoles, pas pour leur dire que c’est cela la voie royale, seulement pour leur inculquer qu’ils peuvent postuler dedans.

Nous avons vu lors des conseils municipaux que des mairies baissaient les subventions pour les associations. C’est quelque chose que vous craignez ?
En effet, nous recherchons des partenaires privés. Parfois nous nous heurtons à notre localisation car ils se disent que Mantes-la-Jolie est loin, presque les portes de la Normandie. Mais nous avons déjà réussi à établir des partenariats avec Renault, BNP Paribas, Vinci, La fondation L’OREAL. Nous en voudrions plus et c’est pour cela que nous souhaitons recruter un chargé de levée de fonds.

Enfin, quelles sont les dernières actualités au sein d’EIAPIC ?
Nous allons fêter la onzième promo du parcours d’excellence. Par ailleurs nous préparons la troisième édition du programme Potenti’elle. C’est un projet avec des mamans – car ce sont nos principales interlocutrices – autour d’un triptyque culture-sport-développement personnel. Cela fonctionne bien car certaines ont vu des perspectives s’ouvrir à elles et ont repris des formations ou un travail.