Sécheresse : à la recherche de l’or bleu

« L’été sera chaud » clame la chanson. L’observatoire européen Copernicus va dans ce sens puisque les températures moyennes du mois de juin 2023 ont été les plus fortes jamais enregistrées sur Terre et selon Météo France, ce même mois se place juste derrière celui de 2003 en termes de chaleur. Toutefois cette impression de fournaise n’est que la moitié du problème, l’autre étant l’absence de pluie durant la période automnale.

Résultat des courses, la Préfecture a publié un arrêté cadre dès mars afin de limiter les usages de l’eau dans toute la partie centrale des Yvelines, en se basant sur les mesures de la direction départementale des territoires des Yvelines (DDTY). Des mesures qui ne se font pas au doigt mouillé. « Nos critères sont établis avec le débit des différents cours d’eau présents sur le territoire et suivant le niveau des nappes phréatiques, les deux sur une période hebdomadaire » explique Sylvain Réverchon, le directeur de la DDTY. Sauf que le problème ne date pas d’hier : « Depuis deux ans nous n’avons pas de bonnes pluviométries donc les réserves ne se font pas correctement. »

Ces réserves sont situées en amont de la Seine, dans des lacs, et pour assurer le débit du fleuve, leurs vannes sont ouvertes. Toutefois, alimenter la Seine ne sert pas qu’à faire plaisir aux bateaux qui navigueraient dessus mais également à assurer une partie de l’approvisionnement des nappes alluviales, c’est-à-dire les nappes dans lesquelles l’eau potable est puisée. L’autre partie compte donc sur les précipitations et il ne suffit pas d’un énorme orage pour combler le retard.

« Les orages sont très localisés, éventuellement cela permet de soutenir les débits des cours d’eau mais pour remplir une nappe phréatique, c’est difficile. Par exemple, même s’il pleuvait maintenant, la zone centre ne changerait pas de niveau d’alerte » détaille Sylvain Réverchon. Et les prévisions météorologiques ne prêtent pas à l’optimisme : « La zone centre est vite passée en alerte et la situation s’annonce encore plus critique. »

Si pour le moment une bonne majorité des habitants de la Vallée de Seine reste tranquille – la zone Seine est « seulement » en vigilance – 6 communes du territoire de GPSEO font partie des « heureux » élus des restrictions : Les Alluets-le-Roi, le Breuil-Bois-Robert, La Falaise, Favrieux, Flacourt et Mantes-la-Ville. Parmi les interdits figurent l’impossibilité de laver leur voiture chez eux, d’arroser les terrains de sports entre 11 h et 18 h, idem pour les pelouses, massifs fleuris, des jardinières et jardin potager sur la même tranche horaire.

Et pour veiller au respect de ces règles, la Direction départementale des territoires effectue des contrôles depuis mars. « Il y en a eu une fois par semaine. Quelques non-conformités ont été recensées mais nous restions dans la pédagogie donc il n’y a eu que des rappels à l’ordre. Maintenant il va falloir arrêter de penser que c’est au voisin d’agir » avertit Sylvain Réverchon. L’eau est donc une ressource précieuse qu’il va falloir préserver, tout en gardant à l’esprit que dans notre département les usages agricoles et industriels représentent 10 à 15 % de son utilisation, le reste part en eau potable. Et dans les Yvelines, les Mureaux fait figure d’exemple à suivre.

Tout débute en 2001. « Il y a eu les inondations de la Seine et quand elle déborde, personne ne peut l’arrêter. Et avec nos 5 km de berges de Seine, il est paru important d’établir un plan communal lié à la conservation de l’espace public » narre Michel Carrières, chargé de l’éco-ville, de la Seine, des nouvelles mobilités et des transports en commun, et des marchés forains au sein de cette commune. Tout débute avec la construction de la nouvelle mairie : « L’eau pluviale est utilisée dans les commodités. D’après la législation, nous n’avons pas le droit. Mais comme cela n’a jamais été validé par l’ARS, nous ne sommes ni dans la légalité, ni dans l’illégalité » En dehors de ce petit arrangement avec soi-même dont s’amuse l’élu muriautin, le plus bel exemple est l’éco-quartier Molière. Un projet titanesque – avec un budget de 409 millions d’euros, soit l’une des opérations les plus importantes de l’Agence nationale de la rénovation urbaine – s’étalant sur 70 Ha. Cette zone regroupe la moitié de la population de la commune, soit environ 15 000 habitants. Il a fallu détruire plus d’un millier de logements et seuls 520 ont été reconstruits pour réduire la densité. Cependant, 90 % des personnes ont été réinstallées dans la ville.

Le ru d’Orgeval, situé dans l’éco-quartier Molière, permet de créer un ilot de fraîcheur tout autour de lui.

Parmi les décisions fortes décidées lors de la création de cet éco-quartier, la suppression de 11 kilomètres de réseau d’eau pluviale qui déversait l’eau dans la Seine. « Nous avions subi plusieurs crus donc nous n’allions pas retendre le bâton pour nous faire battre » s’enflamme Michel Carrières, « nous avons donc créé des noues. Si vous prenez la rue qui longe l’éco-quartier, c’est un travail d’école car avec la pente à 10 % et ces noues, l’eau s’infiltre directement dans la terre. » Toutefois, l’élu reconnaît qu’il ne faut pas que les sols soient pollués pour mettre en place ce dispositif.

Autre élément important, la sortie de terre du ru d’Orgeval. Comblé dans les années 1960, il a été remis à ciel ouvert sur 400 mètres pour permettre l’évapotranspiration, phénomène naturel participant à la baisse des températures et à l’amélioration de la qualité de l’air. Ainsi, un véritable ilot de fraicheur se crée autour de lui. Et la Mairie souhaite même le prolonger jusqu’à la gare SNCF. « J’entends déjà que cela va coûter cher, mais quel va être le prix de nouvelles dégradations liées aux intempéries ? » s’emporte Michel Carrières. L’éco-quartier est donc actuellement le poumon des Mureaux et peut se targuer d’avoir passé l’étape 4 du label du même nom (créé en 2017 afin d’éviter que cette appellation soit utilisée à tort et à travers), c’est-à-dire que ses engagements dans le temps sont toujours présents après 3 ans de vie dans le quartier.

La Ville ne souhaite pas s’arrêter en si bon chemin puisqu’elle cherche également à déminéraliser 80 % de leurs cours d’école.

Mais il n’y a pas que Michel Carrières et Sylvain Réverchon qui alertent des dangers de la sécheresse. D’après le Haut Conseil, au lieu de réagir au coup par coup aux effets du changement climatique, les politiques devraient anticiper et adapter tous les secteurs pour les rendre plus résilients. Il demande à ce qu’un important travail soit réalisé pour « identifier les territoires, les populations et les activités les plus vulnérables et construire les dispositifs d’accompagnement des plus fragiles, dans un esprit de transition juste, notamment dans le cas d’inévitables relocalisations ».

Pour illustrer son propos, le Haut Conseil a rappelé qu’en 2022, 8 000 communes ont fait des demandes de classement en catastrophe naturelle pour des maisons fissurées par les sécheresses. Et que ce soit l’élu muriautin ou le directeur de DDTY, les deux regardent par-delà les frontières de l’Hexagone pour trouver des solutions. Pas besoin d’aller très loin car parmi les bons élèves se trouvent l’Espagne qui – via l’usine de Baix Llobregat située en Catalogne – voit le débit de l’eau du robinet à Barcelone, assuré pour moitié avec de l’eau traitée et recyclée. Et la présence de cette station, comme plusieurs dizaines d’autres dans le pays de Cervantes, permet ainsi d’atteindre un taux de recyclage des eaux usées de 15 %. Un taux qui fait rêver la France car pour le moment nous n’affichons qu’un score de 0,2 %. Toutefois le président Emmanuel Macron a intégré cette problématique dans l’une des 53 mesures du « plan eau », présenté fin mars pour faire face à la sécheresse.

« L’eau a un impact colossal sur la biodiversité, nous sommes sur la 6ème extinction d’espèce. C’est une question à se poser si nous souhaitons dépasser le million d’années de présence sur Terre » alerte Michel Carrières. Les solutions sont donc légions – qu’elles soient individuelles et collectives – ce qui rend la phrase « qui aurait pu prévoir ? » complètement obsolète. Et tout ceci doit être mis en place maintenant.