Ariane 5 tire sa révérence dans l’émotion

C’est avec un brin d’appréhension, mais surtout des yeux d’enfant que Valentin suit le compte à rebours. Il faut dire que ce n’est pas un soir comme les autres pour lui. « Ariane 5 a marqué les 20 premières années de ma carrière », glisse-t-il dans un sourire plein d’émotion. Alors forcément, ce 117ème et ultime lancement marque un tournant dans la vie de ce directeur informatique de 48 ans, et dans celle de tous les salariés d’ArianeGroup, réunis avec leur famille sur le site muriautin pour l’occasion. Ils étaient 1 500 au total à veiller jusqu’à 1 h du matin pour suivre le tir grâce à une retransmission en direct de Kourou (Guyane), ce mercredi 5 juillet.

Pour sa dernière danse, Ariane 5 a propulsé deux satellites en orbite : Syracuse 4B, satellite français de communications militaires, et Heinrich-Hertz, satellite expérimental allemand. « Je suis très soulagé, a soufflé Hughes Emont, directeur du site muriautin d’ArianeGroup, une fois la mission réussie. Le programme a été un succès, il était donc inenvisageable de ne pas finir sur un succès, même si on tremble encore après 80 lancements. Cette soirée est une vraie ­satisfaction ».

Pour sa dernière danse, Ariane 5 a propulsé deux satellites en orbite : Syracuse 4B, satellite français de communications militaires, et Heinrich-Hertz, satellite expérimental allemand. Crédits : @ArianeGroup

Pour chaque personne présente à cette soirée historique, ce tir est une grande page qui se tourne. Demandez à Vincent Lavisse, directeur de l’usine d’Ariane jusqu’en novembre 2022. « Donner le décompte après tant d’années… On ne peut pas rester indifférent, avoue-t-il. Ariane 5, c’est 22 ans de ma vie professionnelle ! On a tout vécu, des succès, des échecs, des moments compliqués mais on a toujours eu la volonté d’en faire une success story ».

Comme un symbole, cette retransmission événement était organisée dans le hall d’Ariane 6, qui devrait reprendre le flambeau à la fin de l’année 2023. Le nouveau bébé, conçu et fabriqué aux Mureaux, devra relever un défi de taille imposé par la concurrence féroce de SpaceX : délivrer la même fiabilité qui a fait la réputation d’Ariane 5, tout en réduisant drastiquement les coûts de production. « C’est le cycle normal, confie Hughes Emont. L’essentiel des salariés travaillant sur Ariane 5 va enchaîner. Il est important de renouveler la transmission du savoir. Les nouvelles technologies et les nouveaux matériaux vont permettre une meilleure capacité (12 tonnes contre 10 pour Ariane 5, ndlr.) et une meilleure ­polyvalence ».

Si la première mission d’Ariane 6 est attendue pour la fin de l’année, son histoire a déjà bien débuté : le géant américain Amazon a commandé 18 lancements du lanceur français pour mettre en orbite sa constellation de satellites Kuiper, concurrente du Starlink de SpaceX.