À Poissy, le silence est de rigueur lors de la cérémonie du 79ème anniversaire de la libération de la ville. Devant le monument aux morts, gerbe de fleurs et salut à la patrie rendent hommage aux soldats de toutes nationalités qui ont donné leur vie pour permettre à la France de se débarrasser du joug tyrannique de la Collaboration et du IIIème Reich. Car la libération des Yvelines n’a pas été de tout repos après le débarquement de Normandie. Il faut repousser les Nazis jusqu’en Allemagne alors qu’ils ont élu domicile à Versailles, Poissy, Mantes, et ils n’ont pas l’intention de céder du terrain. Pourtant, ils savent que quelque chose se trame. « Depuis mai, les Américains bombardaient des cibles logistiques importantes comme les ponts et les gares » explique Bruno Renoult, historien et auteur de l’ouvrage Yvelines-Combat 1944.
Du 18 au 25 août, des groupes de combat allemands sont constitués et se positionnent sur Rambouillet, Houdan, Mantes et Bonnières avec pour mission principale de barrer la route de Paris et repousser l’offensive américaine à Mantes. Cela donnera une terrible bataille dans le Vexin français où 250 GI perdent la vie ainsi que plus de 1 500 « Boches ». Mais ces sacrifices ne sont pas vains et permettent à Mantes d’être libérée le 19 août. Le même jour, dans le Sud des Yvelines à Rambouillet, la population fête aussi le départ des tyrans outre-Rhin après avoir accueilli des troupes étatsuniennes. Mais la joie est de courte durée : « Les Allemands reviennent le lendemain alors que les gens sont dans la rue prêts à retrouver leur vie d’avant. » Ce sursaut allemand provoque alors une semaine de combat et d’incertitudes.
Durant ce laps de temps, un front se stabilise dans une sorte de « No Man’s Land » avec côté allemand un reste des 7ème Armée et 5ème Panzer. Mais les combats ne se déroulent pas que sur terre. Dans les cieux, la bataille fait rage. Dans son chasseur monoplace P47 Thunderbolt, le major Henri William Shurlds Jr, commandant de la 513e escadrille, se crashe après avoir été pris en chasse par deux avions allemands, de type Messerschmitt 109. Son engin explose en vol et s’écrase dans les bois de Verneuil alors qu’il devait détruire des bateaux transportant des armes et des troupes allemandes vers Paris.
Face à ces ripostes, les troupes de Patton se retrouvent dans un premier temps acculées sur une ligne Vétheuil / Porcheville, jonchée de barbelés et de mines, avant de progresser peu à peu vers les forêts et les villages du sud du Vexin. Fontenay-Saint-Père, comme ses voisines Sailly, Drocourt et Brueil-en-Vexin, seront le théâtre de violents affrontements de chars d’artillerie, en plus de subir des bombardements. Des FFI tentent d’apporter leur pierre à l’édifice.
À Poissy, le 20 août, alors que la ville se recueille – deux jours plus tôt, l’explosion de deux bombes allemandes boulevard vaux et dans la rue aux moutons tuent trois adultes et huit enfants – la mort d’un soldat allemand provoque la colère de la Feldgendarmerie. « Laissez-moi vous conter cette histoire » déclare Sandrine Berno dos Santos, la maire pisciacaise : « Durant les obsèques le 21 août, les Allemands découvrent sur dénonciation un groupe de 6 hommes, deux résistants et quatre tirailleurs sénégalais dans un bâtiment à côté de la place de la République, nommée à l’époque place du Maréchal Pétain. Un des tirailleurs réussit cependant à s’échapper. Arrivé au niveau de cette place, un tirailleur sénégalais est abattu froidement par le commandant allemand ce qui provoque l’ire du conseil municipal. L’officier allemand les menace et finit par donner l’ordre d’emmener le reste à la Prison de la Santé. Ils n’y arriveront jamais. Bloqués dans leur chemin vers Paris, les soldats allemands descendent leurs prisonniers à la lisière du bois. »
Les combats continuent de faire rage avec en point d’orgue la nuit du 24 au 25 août où plus de 5 600 obus sont tirés. Ces combats acharnés se solderont par le repli de l’armée allemand
e, décimée, qui cessera progressivement toute résistance. À Poissy, les Nazis fuient en laissant tout leur matériel sur place et vont s’agglutiner sur le pont du Pecq ou sur le barrage des Mureaux pour se replier vers Paris. La jonction entre les forces présentes à Mantes et celles parties de Rambouillet n’est plus très loin. Après une dernière offensive à Saint-Germain-en-Laye, les Yvelines sont considérées comme libres !
79 ans plus tard, le nombre de témoins de cette période s’amenuise, rendant le travail de mémoire de plus en plus difficile. « Je regrette que certaines villes abandonnent ce type de commémoration » soupire Sandrine Berno dos Santos. Pourtant les gens aux alentours ont l’air friand. Durant le défilé de voitures militaires d’époque – avec en prime les odeurs d’essence qui vont avec – petits comme grands s’amassent afin de saluer les bénévoles et passionnés aux couleurs des GI ou des FFI. Les portables se lèvent pour capter ces moments que l’on ne peut que normalement deviner sur des photographies sépia.
Regarder le passé – sans le glorifier à outrance – permet d’avoir des exemples pour tout le monde. L’édile pisciacaise s’attarde sur deux jeunes de la commune ayant participé à la résistance durant la seconde guerre mondiale : Geneviève Bousset et Roland Le Bail. L’une faisait traverser des aviateurs américains, mesurait les arches du pont de Poissy et conduisait même des véhicules transportant des armes, tandis que l’autre s’engage à 20 ans dans les FFI en 1943 et ira jusqu’en Allemagne avec la compagnie Lemelle afin d’aider son pays à battre l’Allemagne nazi. Ces deux jeunes adultes avaient donc soif de liberté et désiraient par-dessus tout ne pas voir un gouvernement fasciste et xénophobe diriger leur pays…