Déchets, espace public : des services désormais à la carte

Après avoir permis aux municipalités de choisir leur taux de taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO) a également proposé aux maires de reprendre à leur compte l’exercice d’au moins une partie de la gestion des espaces publics. Explications.

C’était peut-être le plus gros point de discorde lors de la création de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise en 2016 : la perte de la compétence voirie, soit la gestion de l’espace public, par les communes. Mais avec la loi 3DS, c’est sur le point de changer, au moins pour certaines villes du territoire. Celle-ci donne plus de marge de manœuvre aux élus locaux, ainsi GPSEO va permettre aux maires qui le souhaitent d’exercer la-dite compétence, sans pour autant l’abandonner. « Ce n’est pas une restitution de compétence, prévient Cécile Zammit-Popescu, présidente de la communauté urbaine. C’est un exercice à la place de. On est toujours compétent, mais la commune exerce à notre place ».

Balayer les rues, vider les corbeilles, tailler les espaces verts… Voilà le genre de service à la population concerné par cette compétence « espace public ». Afin de satisfaire la demande des Mairies volontaires, un groupe de travail représentatif de toutes les sensibilités politiques et de toutes les tailles de communes leur a proposé de choisir, à la carte, quels aspects de la compétence ils souhaitaient exercer. Sur les 11 Villes ayant choisi de remettre la main dessus, 3 reprennent la totalité des aspects (voirie, espaces verts et propreté), 6 ont choisi uniquement les espaces verts et la propreté, tandis qu’une d’entre elles se concentrera ­uniquement sur les espaces verts et 1 autre juste sur la propreté. « C’est une vraie structuration du territoire, se satisfait Suzanne Jaunet, vice-présidente déléguée aux espaces publics. La communauté urbaine a des enjeux, pas pour demain, mais pour après-demain, et pour après. On laisse de la souplesse aux maires, mais il ne faut pas oublier l’intérêt général de la ­communauté urbaine ».

Ce choix à la carte s’accompagne d’une réorganisation des centres techniques communautaires (CTC) : il n’y aura plus 9, mais 8 sur le territoire de GPSEO. « L’enjeu important, c’était le fait que derrière la gestion des compétences, il y a des hommes et des femmes, ajoute Suzanne Jaunet. La totalité de nos collaborateurs reste au sein de la communauté urbaine, ce qui va permettre de redonner du souffle à certains de nos centres techniques communautaires car ces collaborateurs seront répartis selon leur désir sur l’ensemble de la ­communauté urbaine ».

Cette nouvelle organisation sera lancée dès ce 1er janvier 2024. Cependant, la présidente de la communauté urbaine prévient les maires : ils devront « se débrouiller » pour passer leurs propres marchés, pour avoir leur propre matériel et leur propres agents. Et leurs dépenses ne devront en aucun cas dépasser le montant de leur attribution de compensation lié à la voirie. « Au delà, la communauté urbaine ne remboursera pas, et ça amènera peut-être à une rupture du conventionnement, puisque ce sera un non-respect de la clause financière, ­précise Cécile Zammit-Popescu. Nous, on n’a pas voulu que certains de nos collègues se mettent en difficulté, donc on leur a dit que leurs montants d’attribution de compensation étaient tellement faibles qu’ils ne parviendraient pas à exercer la compétence. Mais on n’a pas été entendus. Sur les 11 qui ont fait ce choix, certains ont eu de grosses alertes sur leur capacité à faire ».

Pas de quoi freiner les intéressés. L’un d’eux a même assuré qu’il se « débrouillerait tout seul avec son tracteur ». Le choix de ces 11 communes est même qualifié d’ « aberration » par la présidente de GPSEO, qui estime que les villes n’ont « pas les moyens » d’exercer elles-mêmes la compétence, et soulignant par ailleurs que les services assurés par la communauté urbaine « deviennent de plus en plus qualitatifs ».

Détail des 4 niveaux de services proposés aux communes par les groupes de travail des élus communautaires. Crédits : Grand Paris Seine et Oise

Ce système de choix à la carte, élaboré par un groupe de travail au sein de GPSEO, sera également appliqué à la collecte des ordures ménagères, comme annoncé dans notre édition du 5 juillet dernier, afin de rétablir une équité de traitement entre les communes. Cette harmonisation des taux de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), un des grands chantiers de la communauté urbaine entrepris en 2022, est sur le point de se concrétiser, avec une entrée en vigueur le 1er janvier 2024. Et désormais, on connaît le positionnement des communes du territoire quant à ces formules « à la carte » (voir infographie ci-dessus) : 34 communes choisissent le niveau de service 3 et 21 optent pour le niveau 4, le plus élevé, tandis que 9 villes se contentent du niveau 1, soit le socle commun, et 9 autres du niveau 2. « Ce qui est ressorti de nos collègues maires, c’est la volonté de ne pas trop toucher aux services existant déjà dans leur commune », observe Cécile Zammit-Popescu. À l’arrivée, 10 communes augmentent leur niveau de service, 13 le diminuent, et 50 conservent le même forfait.

Ces chiffres traduisent une tendance claire : les maires du territoire optent davantage pour la collecte en ­porte-à-porte que pour l’apport volontaire de leurs habitants, bien que ce dernier soit bien moins coûteux et plus écologique. « On voit bien que les mentalités ne sont pas prêtes à évoluer, regrette la présidente de la communauté urbaine. Nos maires ne se sentent pas de porter des sujets pour lesquels ils ne sont pas suivis par leur population. Sur l’Île-de-France, on est très en retard par rapport à beaucoup d’EPCI (Établissement public de coopération intercommunale, ndlr.) de province ou de nos voisins européens ». Pour les encombrants, par exemple, le chiffre fait mal : en ramassage à porte-à-porte, 85 % des encombrants sont enfouis dans la terre, et seulement 15 % sont valorisés. Quand on les emmène en déchetterie, les chiffres sont inversés. D’ailleurs la taxe d’enfouissement est l’une de celles qui augmentent le plus : en 2025, on versera 60 euros de taxes par tonne enfouie.

Cette harmonisation de la fiscalité doit permettre, à terme, que la TEOM finance l’intégralité du budget de la compétence déchets de la communauté urbaine. En 2023, le budget déchets enregistre un déficit structurel de 16,7 millions d’euros sur un coût total de 64 millions d’euros. Grâce à l’harmonisation, la nouvelle recette TEOM devrait augmenter de 9,2 millions d’euros et atteindre 56 millions. Le groupe de travail a souhaité alléger la pression fiscale sur les ménages en maintenant 8 millions d’euros de déficit résiduel qui continuera d’être financé par le budget principal de GPSEO.

« Je veux que les maires assument leur choix vis-à-vis de leurs habitants, et sur le choix du service, du taux, et sur le choix ou pas de restituer de la fiscalité, prévient Cécile Zammit-Popescu. Parce que c’est facile, ensuite, de dire qu’on est méchant en augmentant les taux de TEOM alors qu’on a restitué quelque chose pour soulager les foyers fiscaux ».

Les élus communautaires voteront les taux de TEOM lors du conseil communautaire du 12 octobre : c’est alors que nous connaîtrons les choix de chaque commune. La mise en place se fera alors progressivement : les bacs de collecte seront distribués entre novembre 2023 et septembre 2024 pour les communes ayant recours au porte-à-porte, tandis que l’application des nouveaux taux harmonisés est bien prévue pour le 1er janvier 2024, pour un paiement en octobre de la même année. Enfin, une application mobile dédiée au service des déchets et les nouveaux calendriers de collecte seront mis en place le 1er octobre 2024.