Les élus et habitants du nord-ouest des Yvelines auraient-ils enfin été écoutés ? C’est en tout cas ce qu’a laissé entendre le ministre des Transports, Clément Beaune, au maire de Bonnières-sur-Seine Jean-Marc Pommier (DVG), très impliqué dans le dossier du déplacement souhaité de la barrière de péage de Mantes-Buchelay dans l’Eure.
Ce dernier fait partie des nombreux élus à demander depuis des années le recul vers la Normandie de cette « frontière payante ». Au même titre que le député des Yvelines Bruno Millienne (Modem). « Il s’agit d’un enjeu majeur pour désenclaver les communes qui sont placées entre la barrière de péage et les portes de l’Île-de-France, appuie l’élu. Aujourd’hui, la D113 sature car les habitants qui partent vers Paris ou reviennent ne veulent pas payer l’autoroute, et comment le leur reprocher ? »
Dans la situation actuelle, près de 9 000 automobilistes yvelinois doivent rejoindre leur commune en franchissant le péage pour la somme de 2,90 euros, sous peine de s’infliger un détour de trente à quarante minutes en empruntant la sortie précédente, et la D113 rejoignant Rosny-sur-Seine, Rolleboise, Freneuse ou encore Bonnières-sur-Seine. D’où l’intérêt de migrer le fameux péage. C’est donc auprès de la Société des autoroutes de Paris-Normandie (SAPN) que le ministre des Transports a appuyé la demande des élus du territoire.
« C’est un sujet que j’ai eu l’occasion d’aborder avec Clément Beaune et je suis ravi que le ministère se saisisse du sujet, se félicite Bruno Millienne. Si on peut aller plus vite c’est très bien, mais il faut absolument qu’en 2033 au plus tard, les habitants de Bonnières-sur-Seine, Méricourt, Moisson et toutes les autres communes concernées puissent enfin bénéficier de l’autoroute gratuite vers Paris, comme c’est le cas quasiment partout en Île-de-France ».
Difficile, cependant, de convaincre les sociétés gestionnaires que sont la SAPN mais aussi la Société des Autoroutes du Nord-Est de la France (Sanef). Car si le dossier est si complexe à réaliser, c’est bien évidemment à cause d’une affaire de gros sous : le recul de la barrière de péage vers la Normandie serait synonyme de revenus en moins. « J’ai rencontré la Sanef qui m’a indiqué que ça représenterait un grand manque à gagner et que c’était techniquement compliqué à mettre en œuvre, regrette le député des Yvelines. J’entends ces arguments, même si je vais avoir du mal à plaindre les sociétés d’autoroute quand on voit par ailleurs les marges qui sont les leurs. En toute honnêteté, je pense qu’il ne sera pas facile d’envisager un changement majeur avant la fin de la concession en 2033 ».
D’autant plus que le temps presse : la SAPN travaille déjà depuis plusieurs mois sur le passage en flux-libre des péages entre Paris et Caen, dont ceux de Mantes-Buchelay et d’Evreux, entre autres. Ces nouvelles installations permettront de supprimer les barrières et de les remplacer par des systèmes de détection et d’identification des véhicules, et ce sur l’ensemble de l’axe Paris-Normandie. Ainsi, les automobilistes pourront s’acquitter du péage sans ralentir ni s’arrêter, en laissant simplement ces péages nouvelle génération scanner leur plaque d’immatriculation. Les premières mises en service sont prévues à l’été 2024, et l’achèvement complet du projet est projeté pour 2027, au moins. « Sur le principe, je me félicite du passage en flux libre du péage de Buchelay qui va permettre de fluidifier le trafic, juge Bruno Millienne. Mais il faut bien sûr que tout cela soit accompagné de l’information aux usagers et de la communication nécessaire. Dans les expériences déjà menées sur l’A79, on voit qu’il y a des défauts d’information, il ne faut pas que cela se reproduise ! Les société d’autoroute peuvent aussi faire preuve de discernement et de compréhension sur le sujet, au moins dans les premières semaines. On voit que ça marche dans beaucoup d’autres pays, il n’y a pas de raisons pour qu’on n’y arrive pas en France… »
Comme le souligne le député, ce nouveau système de détection fait déjà l’objet de polémiques en France. Supposé manque de panneau, communication jugée trop légère… L’autoroute en flux libre est testée sur une portion de l’A79 depuis plusieurs mois, et de plus en plus d’automobilistes déplorent le manque d’informations. « C’est franchement abusif, je n’ai vu aucune information quand je suis passé », pestait un usager au micro de LCI à son retour de vacances. « C’est un piège » lance même un autre automobiliste à RMC. Nombreux sont ceux à avoir reçu un courrier avec leur facture majorée, après avoir oublié de payer dans les trois jours. Car après avoir été scanné, il faut en effet se rendre sur le site des autoroutes de la Sanef pour régler la note dans les 72 h, à moins de s’être inscrit au préalable pour activer le prélèvement automatique, ou bien d’avoir un badge télépéage.
Une centaine de témoignages auraient été collectés par l’association 40 millions d’automobilistes, qui s’apprête à lancer un recours devant la justice en dénonçant le manque d’informations autour de ces nouvelles portions à flux libre. « Cela fait 60 ans que le client a l’habitude de payer son péage, c’est un schéma très ancré », soulignait Josélito Bellet, responsable du projet flux libre pour le groupe Sanef, lors de la présentation du projet. La société souligne de son côté les bénéfices du passage en flux libre, avec un gain de temps en heure de pointe et lors des départs et retours de vacances, un paiement simplifié, un gain de sécurité avec moins de stress pour choisir sa file et son mode de paiement, ou encore la réduction des émissions de CO².
« Les nouvelles technologies offrent des perspectives quant à la correction des injustices ressenties par les usagers », soulignait Clément Beaune auprès du maire de Bonnières-sur-Seine. Reste à espérer que le ministre des Transports soit entendu, car désormais, le temps presse.