Pont d’Achères : l’île de la Dérivation organise son opposition

Depuis le 24 octobre, les habitants de l’île de la Dérivation, à Carrières-sous-Poissy, s’organisent afin de faire face au défrichement de leur jardin partagé où un des pylônes du futur pont d’Achères doit être érigé. Une opération qui rencontre une forte opposition auprès des riverains.

Aux alentours de 7 h 30, la nuit couvre encore l’île de la Dérivation. En s’avançant vers le jardin partagé, tout au bout de l’avenue de la Gaule, l’opposition contre la future construction du pont d’Achères est fortement marquée. Chacun des pavillons dispose de son tract à l’entrée sur lequel est marqué en gros « Non au Pont ». Et depuis le 24 octobre, une communauté de résistants s’est constituée car le Département a décidé de lancer ce projet estimé à plus de 200 millions d’euros en commençant par défricher des parcelles non loin du jardin partagé. « Ils se sont tout de suite attaqués à un tilleul de 150 ans alors que je les avais prévenus que c’était un arbre remarquable » déplore Denis Millet, président du collectif « Non au pont d’Achères », « cela nous a fendu le cœur ».

Malgré les contraintes professionnelles ou personnelles, une quarantaine de riverains et sympathisants s’amassent, les effectifs grossissant au fur et à mesure des jours. Une assemblée générale débute alors. « Les policiers sont en train d’arriver » préviennent des personnes. Des barricades sont alors montées rapidement sur les deux seules voies d’accès grâce à des palettes. « Qui est prêt à se mettre derrière ? » demande l’un des riverains. Une octogénaire, chapka à la main, est de la partie : « Ils n’oseront pas charger une vieille ».

Tandis qu’un autre préfère rassurer sur les protocoles des forces de l’Ordre. « S’ils chargent ou lancent des grenades lacrymogènes, il y aura des sommations avant » détaille-t-il. Et malgré une légère désorganisation, il y a beaucoup de bonne volonté. Non loin de là, d’autres opposants montent sur une berge flottante mise en place pour amener les engins de chantiers afin d’éviter que d’autres pelleteuses arrivent.

« L’autorisation de déboisement est illégale d’après l’article 341-1 car pour déposer la demande de défrichement, il faut attester la propriété de toutes les parcelles. Or il en manque 4 au Département » explique Denis Millet, « dont une appartient à une famille qui refuse de vendre et l‘expropriation n’est pas possible. » De plus, il ne comprend pas non plus pourquoi les travaux peuvent se faire alors que l’arrêté concernant les espèces protégées ne porte que sur 30 espèces : « Il y en a 45 ! » Mais Denis Millet ne s’arrête pas là et s’appuie également sur les rapports de circulation que l’instance départementale à mis à disposition. « Ils disent que c’est pour désengorger le pont de Poissy alors que depuis 2006 la fréquentation diminue » s’offusque le président de l’association « Non au pont d’Achères », « et quand nous analysons les chiffres de l’étude EGIS du Département, dans quelques années il y aura une explosion du trafic prévu et nous allons nous retrouver avec le même problème. » Il va donc faire déposer un référé de suspension des travaux prochainement.

De son côté, le Département, par l’intermédiaire de son vice-président du conseil départemental chargé des transports, Richard Delepierre, se défend de toute illégalité. Même si le déroulé des travaux a été révélé lors d’une réunion publique, Denis Millet veut encore y croire : « On peut se dire que nous ne sommes pas en train de gagner mais je considère que nous ne sommes pas en train de perdre. Nous recevons beaucoup de soutien et nous serons nombreux lors de notre manifestation le 12 novembre. » Pendant ce temps-là le défrichement continue, sous le regard des oiseaux présents dans le ciel.